2001... Odyssée du capitalisme?

Editorial

Alors que le processus de la soi-disant globalisation - qui n’est rien d’autre que l’achèvement de l’ouverture du marché du capital à l’ensemble de la planète ainsi que celui de la force de travail pour placer la production là où le maximum de profits pourra être arraché - avance inexorablement, notre classe continue à subir, au niveau international et à de rares exceptions près, sans aucune réaction notable, suffisamment significative, les effets d’une nouvelle phase dans les rapports entre classes.

La lutte des classes est très aiguë, mais c’est la bourgeoisie qui est toujours à l’attaque. Le XXième siècle s’est achevée sans que la période historique de contre-révolution - ouverte à la fin des années '20 - n’ait pu être inversée!

L’implosion de l’empire soviétique, il y a 12 ans, a entraîné la fin de l’illusion tragique qui avait rassemblé les masses ouvrières derrière les partis prétendument “communistes”. Cette illusion était de croire qu’en Union Soviétique c’était le socialisme qui était en place! Aujourd’hui, d’aucuns essayent de faire croire que certaines composantes socialistes survivraient en Chine, à Cuba et - pourquoi pas! - dans l’enfer nord-coréen.

Faire croire que URSS était le paradis des ouvriers, ou tout au moins une société plus acceptable pour eux, cela n’était qu’une monstrueuse falsification historique contre laquelle les internationalistes de la Gauche Communiste se sont toujours battus même lorsqu’ils étaient isolés et pourchassés par les sbires du stalinisme.

La désillusion a durement touché les masses prolétariennes, elle a été renforcée par la campagne bourgeoise qui a consisté à renforcer le mirage de l’existence en Russie du socialisme voire du communisme. Il fallait éviter de rétablir la vérité sur la réalité d’une forme particulière de capitalisme d’Etat. Cette campagne fut appuyée vigoureusement quand elle ne fut pas directement menée par les partis staliniens et leurs satellites trotskistes.

Ce que l’on a voulu faire passer dans les consciences prolétariennes, c’est le concept selon lequel seul le capitalisme, peut répondre à nos besoins matériels et correspond aux caractéristiques de toute société humaine, que tout combat ne peut se dérouler qu’à l’intérieur de ce cadre, pour l’améliorer grâce à la démocratie, et que toute remise en cause du système entraîne des monstruosités telles que le stalinisme, appelé communisme. Et si le socialisme avait fait faillite, tous ses présupposés idéologiques avaient fait également faillite: exit l’existence des classes, la lutte des classes, la possibilité d’en finir avec l’économie capitaliste - autrement dit avec l’exploitation, la possibilité d’une société où chacun serait libéré du besoin! Aussi, il ne restait que le capitalisme qui ne pouvait qu’être le meilleur des mondes possibles...

En réalité, il n’y avait en Russie qu’un authentique capitalisme d’Etat et en aucune manière une quelconque forme de socialisme total ou partiel. Aussi la chute de l’URSS n’a aucunement invalidé la théorie socialiste mais, au contraire, en a pleinement confirmé toute son actualité.

D’autre part, tandis que la bourgeoisie continue sa campagne de justification et d’auto-défense, les événements quotidiens confirment avec clarté que si l’on ne dépasse pas le capitalisme, l’humanité court au désastre. C’est exactement ce que disait Karl Marx il y a plus de cent cinquante ans en s’exclamant: “Ou le socialisme, ou la barbarie!”.

Mais, les horreurs du capitalisme ne sont en rien une nouveauté. Elles ont certes pris de l’ampleur et de l’acuité tout au long du XXième siècle. Cependant, les catastrophes en tout genre, les soi-disant excès de l’exploitation prolétarienne ne sont en rien des variantes ou des verrues sur le corps même du capital. En fait, c’est le capitalisme lui-même qui véhicule son cortège d’ignominies en tout genre; et il n’a nul besoin de se parer des déguisements du fascisme ou de tout autre totalitarisme, la démocratie est la forme la plus adaptée pour la perpétuation de ses forfaits.

Aujourd’hui, et en particulier en France, on semble surpris qu’un capitalisme apparemment florissant puisse se comporter aussi brutalement avec le prolétariat: autant être surpris de l’existence du capital lui-même!

Evidemment, les bonnes âmes qui se morfondent sur le sort de ces “pauvres ouvriers” jetés à la rue oublient aisément que l’on vit dans un monde où plus de 600 millions d’enfants travaillent - donc sont exploités - dans une situation le plus souvent proche ou identique à l’esclavage, et cela y compris au cœur des métropoles du capitalisme avancé! Quant à la situation du prolétariat tout autour de la planète, des marins en perdition un peu partout jusqu’au mineurs d’Afrique du Sud en passant par les ouvriers chinois qui fabriquent la plupart de ce que consomment les Européens, qui s’en soucie?

Non, si Lu, Marks & Spencer, AOM-Air Liberté - entre autres - doivent fermer en France et dans d’autres pays, ce n’est pas parce qu’il y aurait de mauvais gestionnaires, de méchants capitalistes! Si la planète se dégrade à grande vitesse, si les catastrophes “naturelles” se multiplient, si la vie devient plus difficile et plus précaire, ce n’est pas parce que des “méchants” auraient remplacé des “gentils” ou qu’un Bush a remplacé un Clinton, non, tout cela découle de la nature capitaliste de notre société.

En réalité, la loi du profit s’abat tout simplement encore plus pesamment sur le dos des prolétaires. La crise du cycle d’accumulation et ses développements poussent les bourgeoisies des métropoles avancées à renforcer leurs marchés et leur monnaie mais, par dessus, à lutter férocement pour freiner au maximum la chute tendancielle du taux de profit. Les bandes organisées du capital rivalisent non seulement pour se partager les marchés à l’échelle du monde mais aussi - et surtout - pour s’approprier la force de travail la moins coûteuse possible. Mais si les affrontements entre elles semblent, pour l’instant, mesurés, les anciens capitaux nationaux se réorganisent en blocs suffisamment forts pour mener à bien ces objectifs et, en dernière instance, pour se préparer à l’unique véritable solution à la crise: la guerre.

A travers les fermetures de Lu, Marks&Spencer, AOM ou autres, les licenciements ailleurs, les catastrophes comme les inondations ou les sécheresses prolongées, le capitalisme montre les dommages qu’il cause à l’humanité comme à la nature.

Les prolétaires des entreprises qui ferment doivent lutter pour préserver leurs conditions de vie et freiner le rouleau compresseur du capital. De même, les employés des sociétés de transport public qui revendiquent la retraite à 55 ans montrent la voie pour passer de la simple défensive à la nécessaire reprise d’une initiative prolétarienne. Peu importe que telle ou telle entreprise fasse des profits satisfaisants pour elle ou pas! Que gouvernements et patrons cherchent à réduire les dépenses sociales. Ce que le prolétariat doit regarder ce sont ses propres intérêts de classe absolument incompatibles avec ceux du capital quel que soit sa forme!

Les mouvements inter-classistes, les manifestations diverses d’opinion ne seront jamais en mesure de changer le sort de l’humanité ni le sort d’une catégorie de prolétaires bien précise.

Seul le prolétariat est capable de rompre les chaînes du capital. Lui seul peut et doit rompre la chaîne du travail salarié, c’est uniquement les travailleurs du monde entier qui pourront libérer l’humanité des horreurs du capitalisme et lui ouvrir la perspective d’un futur de bien-être et de progrès social.

Si les capitalistes pensent résoudre leurs problèmes en baissant toujours plus le coût de la force de travail - le prolétariat - cela veut dire qu’elle est un élément vital pour le capitalisme, cela veut dire qu’il survit parce que notre classe le lui permet.

Il est donc plus que temps que le prolétariat, que notre classe se défende: nous ne pouvons plus permettre les licenciements, les réductions de salaires, le fait que des millions de personnes soient jetées dans la misère sans que nous ne réagissions.

Mais au delà de la simple défense, il faut lever le complexe qui empêche notre classe de lutter pour arracher une amélioration de son sort même si elle ne saurait qu’être conjoncturelle et bien fragile. C’est bien de la reprise de l’initiative prolétarienne dont il s’agit maintenant: elle est possible et les internationalistes s’efforceront d’y contribuer.

La reprise de l’initiative prolétarienne, la reprise de l’affrontement de classe a une seule alternative: ou elle se limite à la défense et elle finira par accepter la barbarie croissante du capitalisme, par accepter la défaite comme on l’avait vu dans les rares épisodes isolés de lutte dans ces dernières décennies, ou bien elle se développera en se libérant de l’emprise des forces de compromis et de trahison que sont les syndicats et les partis qui les soutiennent et en avançant vers l’émancipation portée par la révolution communiste et prolétarienne.

C’est cette dernière solution que nous voulons soutenir et nous préparons à diffuser dans notre classe, le prolétariat, le programme révolutionnaire d’émancipation des travailleurs des chaînes du capital. Il s’agit véritablement d’un travail de parti: notre objectif fondamental est la constitution du parti révolutionnaire à l’échelle internationale.

Ce nouveau numéro de notre revue n’est pas encore le reflet de cette volonté. Trop peu d’énergies soutiennent cet effort. Nous avançons encore fort modestement dans cette voie mais nous le faisons de manière résolue et déterminée. Toutes les contributions pour son propre développement comme pour élargir sa diffusion sont vivement souhaitées et seront chaleureusement accueillies.

Nous appelons toutes les énergies militantes à s’unir pour concrétiser et donner un nouvel élan à la perspective communiste!

mai 2001