Nouvelle offensive contre les sans-emploi

Le ministre ontarien des Services sociaux, John Baird, a présenté au début mai un plan de restructuration en cinq points du système d’aide sociale provincial. Deux éléments de ce plan retiennent particulièrement l’attention. Il s’agit d’abord d’une mesure prévoyant des tests de sang et d’urine obligatoires pour les personnes assistées sociales. Le ministre prétend qu’il veut “aider les alcooliques et les toxicomanes à se trouver un emploi”. En fait, le plan renforcera le contrôle social et la répression des prolos tout en économisant des sommes importantes. Après une batterie d’examens abusifs dont on ignore encore la fréquence et la portée, les gens devront obligatoirement suivre un traitement sous peine de perdre leurs prestations et de se retrouver à la rue, sans aucune ressource. L’État capitaliste sera seul juge de ce que représente une dépendance à la drogue ou à l’alcool et pourra agir à sa guise en vue de conserver dans les conditions qui lui sont favorables cette “grande armée de réserve industrielle”. (1)

Le deuxième volet important du plan consiste en des examens scolaires obligatoires pour toutes les personnes survivant sur l’aide sociale. Ces examens porteront sur les capacités de lecture, d’écriture et de compréhension des mathématiques.

Si l’État considère que ces connaissances sont insuffisantes, il imposera des “cours de rattrapage”. Ces cours, occasionnellement bona fide, seront alors bien sûr entièrement adaptés aux besoins du marché. Mais il y a fort à parier qu’il s’agira le plus souvent de cours bidons ne visant qu’à écoeurer et finalement à piéger les sans-emploi.

Comme dans le cas précédent, tout refus d’obtempérer entraînera automatiquement une coupure complète de revenus, avec les résultats dramatiques inévitables.

Pourquoi le gouvernement ontarien intervient-il ainsi? Il va de soi qu’il faut exclure à l’avance tout souci réel de sa part à propos de l’état de la santé et de l’éducation des personnes assistées sociales. C’est bien connu, les grandes campagnes répressives “contre la drogue”, utilisée dans les quartiers ouvriers américains, n’ont eu d’autres effets que remplir à ras bord les prisons de ce pays. En fait, cette nouvelle “prohibition” sélective (basée sur la condition sociale) n’aura d’autres effets que de précariser au maximum la force de réserve des travailleurs et des travailleuses, la rendant particulièrement malléable aux besoins des capitalistes.

Il en découle donc que les intentions annoncées par le ministre Baird, “d’aider les analphabètes et les personnes victimes de dépendance”, ne sont que de la frime. Agit-il ainsi parce qu’il est de “droite”? Parce qu’il est bête et méchant? De son point de vue, ce n’est ni une question de morale ni d’intelligence, mais bien une question d’intérêts. Le capitalisme vit du travail ouvrier. Il ne met en

oeuvre le travail et les ouvriers et les ouvrières qui l’exécutent qui si cela a un rapport intéressant. Comme le disait récemment le magnat de l’acier britannique, Sir Brian Moffat: “I am interested in making money, not steel”.

Dans Le Capital, Marx avait déjà déterminé que:

Le travailleur appartient en fait à la classe capitaliste avant de se vendre à un capitaliste individuel.

La politique de Baird, c’est la politique de la classe des capitalistes, se servant de son levier étatique pour écraser au maximum la classe ouvrière, en vue d’en tirer tout le profit possible. En périodes de crise ou de récession, la bourgeoisie presse le citron jusqu’à en percer la peau si nécessaire... C’est ce qu’elle s’apprête à faire aux sans-emploi en Ontario et ailleurs.

Un gouvernement de la gauche capitaliste n’agirait pas autrement. Le capitalisme ne retourne pas sa veste selon l’étiquette de la direction de ses gouvernements. Il faut donc s’attendre à l’élargissement territorial et à l’aggravation de ces politiques en fonction des besoins que la crise lui impose. Malgré le développement extraordinaire des forces productives, la pauvreté s’accroît partout. C’est que le cadre politique (les rapports de production existants) est trop étroit pour utiliser pleinement le potentiel libérateur de ces forces productives. Ce cadre politique, ce mode de production qu’on nomme le capitalisme est devenu l’unique cause de la misère dans le monde. S’en débarrasser, c’est faire oeuvre de salubrité publique.

(1) L’armée de réserve industrielle, ce sont des travailleurs et des travailleuses que le capital ne peut employer constamment, mais qu’il a déjà employé ou compte employer un jour.