L’Amiante, l’argent et la mort

La politique du cancer

Un Symposium tenu à Montréal en décembre sur l’impact de l’amiante sur la santé des travailleurs et des travailleuses a conclu ce qui devrait déjà être entendu dans notre société contemporaine: l’amiante tue. Néanmoins, la rencontre, tenue dans un contexte de relâchement local des limites imposées sur l’utilisation du produit fibreux mortel et la promotion active qu’en font les gouvernements québécois et canadien à travers le monde (1), a permis de prendre connaissance de rapports éclairants. La réunion organisée par l’Institut national de santé publique a révélé que le Québec subit présentement une épidémie de cancer de la plèvre et qu’un nombre croissant de travailleurs et de travailleuses de la construction souffrent de maladies mortelles causées par l’exposition à l’amiante. Un article du Devoir a repris les conclusions d’un spécialiste, le Dr Marc Dionne qui déclarait que:

les cas de cancer du poumon et de la plèvre augmentent constamment. Et c’est en grande partie dû aux gens qui travaillent dans la construction et la démolition et qui ont été exposés à l’amiante au travail.

Même un rapport de la CSST, (une institution méprisée par les prolos à cause de sa servitude face au patronat ) admet qu’entre 1988 et 1997, les nouveaux cas de maladies liées à l’amiante ont doublé au Québec tandis que durant la même période, les cas de mésothéliome (le nom scientifique du cancer de la plèvre) ont aussi doublé. Il y a trois formes de maladies connues et graves causées par le minéral: l’amiantose (qui est célèbre pour avoir rempli prématurément les cimetières des villes minières des Cantons de l’Est) vous enlève la capacité de respirer, la mésothéliome (qui peut tuer dans moins de deux ans) et le carcinome du poumon, une tumeur maligne à l’intérieur de l’organe.

Selon l’étude de la CSST, ce qui semble avoir changé est que la majorité des cas liés à l’amiante sont maintenant moins causés par les activités d’extraction que par son usage industriel. Cela est difficile à évaluer car, à notre connaissance il n’y avait pas vraiment d’études sur ce phénomène dans le passé et les médecins isolés établissaient tout simplement un diagnostique et annonçaient la nouvelle fatidique à des plombiers ou à des tireurs de joints tout aussi isolés. Le rapport semble laisser entendre que l’extraction et l’exportation de l’amiante peuvent être salubres et que si nous trouvons un pays assez stupide pour en importer et bien tant pis. Cependant, une autre étude publiée l’été dernier par les chercheuses Simone Provencher et Louise Deguire (2) reconnaît que 35% de tous les cas causés par l’amiante proviennent de l’activité minière de même que 62% des carcinomes étudiés.

Mais cela n’a pas l’air d’inquiéter les nationalistes de "gauche" gouvernant au Québec, le principal producteur canadien. Ils et elles entendent aller de l’avant avec leur plan de l’utiliser plus largement, particulièrement dans l’asphaltage des rues et des routes. L’ex-ministre Jacques Brassard (qui vient de démissionner suite à un remaniement ministériel) a déclaré que "l’amiante n’affectait d’aucune façon la santé publique". (3) Il n’y a pas de raison de croire que la démission du ministre change quoi que ce soit à cette attitude car elle reflète la politique gouvernementale établie.

Ce produit "inoffensif" selon l’État malgré des années de recherche scientifique prouvant le contraire (sans compter les nouvelles études publiées au Symposium de décembre) est un meurtrier bien connu de la classe ouvrière. C’est une gigantesque menace à la santé publique. Ainsi, au Royaume-Uni, un pays qui ne produit même pas d’amiante, chaque année environ 1500 personnes meurent de la mésothéliome seulement. "Mais on s’attend à ce que le nombre de cas n’atteigne son apogée qu’en 2020. Environ 10 000 personnes mourront de cette maladie cette année-là, le double du nombre de personnes tuées chaque année sur les routes, selon Thompson’s, un bureau de juristes représentant plusieurs victimes. (4)

Alors pourquoi hésiter; pourquoi ne pas interdire la substance maudite une fois pour toute? De nombreux matériaux existant peuvent se substituer à l’amiante. Ces substituts incluent le silicate de carbone, la fibre de carbone, la fibre de céramique, la fibre de verre, le wallastonite, plusieurs fibres organiques, etc. Malheureusement, aucun de ces substituts n’a démontré le même rapport d’efficacité en fonction du prix. Là encore repose la racine du problème: l’argent, les profits, le capitalisme. Aussi longtemps que nous vivrons dans cette société basée sur la production pour le profit plutôt que pour l’usage, le capitalisme aura toujours une place dans son "cœur" (portefeuille) pour ce tueur industriel. L’essence du capitalisme est celui d’un assassin.

(1) Selon Le Devoir, cette information arrive à un moment où le gouvernement du Québec, se pliant aux exigences du lobby de l’amiante est à la veille de présenter sa nouvelle politique visant à étendre l’usage du produit avant la fin de l’année (12-04-2001). Cette politique permettrait l’usage de l’amiante dans l’asphalte, le béton et certaines matières plastiques. Les nationalistes qui se prétendent "progressistes" et qui gouvernent le Québec sont ainsi plus ouvertement cupides et myopes que leurs principaux compétiteurs en Russie. La direction ouvertement "libérale" du Kremlin a décidé d’exporter toute sa production, principalement en Asie (voir La Presse du 31-08-2001). Ainsi, les capitalistes russes ne tueront que la partie de leur main d’œuvre directement ou indirectement en contact avec le produit mortel. Le plus grand nombre de leurs victimes périront dans leurs marchés d’exportation. Mais d’une façon ou d’une autre, les capitalistes (québécois, russes ou autres) accumuleront tandis que les travailleurs et les travailleuses mourront d’agonies lentes et douloureuses.

(2) La Presse, 3 juillet 2001.

(3) La Presse, 11 septembre 2001.

(4) WSWS, 19 décembre 2001.