Perdre sa vie à la gagner

Hausse des mortalités liées au travail

Tandis que plusieurs "théoriciens" post-modernistes et ultra-gauches questionnent le degré et la brutalité de l’exploitation des travailleurs et des travailleuses, et dans certains cas, l’existence même de la classe ouvrière dans les économies capitalistes occidentales contemporaines, un rapport récent publié au Canada nous éclaire sur une réalité tenace : le capitalisme tue et le nombre de ses victimes est en nette croissance. Intitulé "Five Deaths a Day : Workplace Fatalities in Canada, 1993-2005", le rapport de 119 pages a été publié à Ottawa, le 12 décembre 2006, par le Centre d’étude des niveaux de vie (CENV), une organisation sans but lucratif subventionné par l’État.

Réalisé à partir de données recueillies par l’Association des commissions des accidents de travail du Canada, le document révèle que 1 097 décès liés au travail ont été enregistrés au Canada en 2005, une augmentation de 45% comparée au 758 décès répertoriés en 1993 et de 18% en rapport avec les 958 décès signalés en 2004. En moyenne, cela veut dire que chaque jour de l’année, cinq travailleurs ou travailleuses meurent de causes liées à leur travail. Des 1 097 décès enregistrés en 2005, 491 (44,8%) furent causés par des accidents et 557 (50,8%) par des maladies industrielles, dont près des deux tiers avaient un lien avec la production, la manipulation ou la simple exposition à l’amiante. Les chiffres indiquent une hausse dramatique de 25% des mortalités par accidents de travail entre 1996 et 2005, et une hausse encore plus alarmante de 174% de décès causés par des maladies industrielles durant la même période.

L’amiante reste donc un danger particulièrement mortel. Même si l’utilisation de ce produit a diminué de 75% au Canada entre 1998 et 2003, les mortalités liés à l’amiante se montaient à 340 décès en 2005, et l’amiante produit au Canada contribue fortement à plus de 100 000 décès à travers le monde. Il est important de noter que même si l’utilisation de l’amiante est en net déclin nationalement, d’autres maladies industrielles potentiellement létales telles la bérylliose sont en hausse.

Notre lecture du rapport soulève un bon nombre de questions et d’observations, des questions qui ne sont pas traitées par le rapport. Par exemple, la pression continuelle vers une plus grande productivité (l’accélération des cadences) n’a-t-elle pas été un facteur important dans la mort des travailleurs et des travailleuses? De même, quel a été le rôle de l’augmentation générale de la semaine de travail et ses niveaux de stress et de fatigue plus élevés, dans la hausse du taux de mortalité? De plus, comme le rapport se base sur des statistiques compilées par les diverses commissions des accidents de travail provinciales et territoriales, quelle est la situation des travailleurs et des travailleuses qui ne sont pas couverts par ces organismes : ceux et celles qui travaillent au noir, les travailleurs et les travailleuses autonomes et un bon pourcentage du prolétariat agricole? Et pourquoi la mécanisation croissante du processus du travail n’a-t-elle mené à une diminution des pertes humaines? Enfin et sur un autre terrain, comme la hausse importante des accidents de travail est largement attribuée à la croissance de l’emploi dans les industries de matières premières de base telles les mines et la forêt, de même que dans le secteur de la construction, cela ne représente-t-il pas une réfutation importante des conclusions erronées de ses "théoriciens" mentionnés plus haut, qui dénigrent si allègrement la classe ouvrière "traditionnelle" et sa condition?

Même s’il y a peu d’analyse des causes de la situation, le rapport est direct dans ses conclusions:

Les décès en milieu de travail sont généralement évitables, contrairement aux morts en général, ainsi il est inacceptable que tant de travailleurs trouvent la mort dans le cadre de leur emploi. L’inquiétude est d’autant plus importante sachant que ce nombre est en hausse dans ce pays, au lieu de régresser.

En effet, et à mesure que la crise du capitalisme s’approfondit et que les capitalistes canadiens s’efforceront de maintenir leurs profits, cette hausse s’avérera sans doute être une tendance lourde.

Une étude française publiée par l’Institut de veille sanitaire, une organisation subventionnée par l’État, a établit que les travailleurs et les travailleuses vivent en moyenne sept années de moins que leurs patrons. Pensez-y, en moyenne chaque prolétaire perd un potentiel de sept années de sa vie du fait de sa fonction. Ainsi, même en temps de "paix", l’exploitation capitaliste, la guerre de classe, est un affrontement permanent au bilan extrêmement lourd et sanglant.

Le socialisme: c’est le temps!

Richard St-Pierre