Zimbabwe - Alors que l’effondrement économique est imminent, les vautours se rassemblent

Au moment d’aller sous presse, il semble bien qu’il y aura un deuxième tour de scrutin pour déterminer qui, du MDC ou du ZANU-PF remportera la mise électorale. L’article qui suit a été écrit l’an dernier par un de nos camarades de la Communist Workers Organisation (Royaume-Uni) et présente une vision d’ensemble des problèmes auxquels les travailleurs, les travailleuses et les masses appauvries du Zimbabwe sont confrontés.

Introduction

La récente répression policière au Zimbabwe a une fois de nouveau mise en lumière la situation économique et sociale désespérée de ce pays. À la mi-mars, une «rencontre de prière» de l’opposition fut attaquée par la police zimbabwéenne; un jeune homme fut abattu et les dirigeants du groupe d’opposition Movement for Democratic Change (MDC) qui se rendaient à la rencontre furent sévèrement battus. Le pays semble être au bord de l’effondrement économique et les conditions de vie sont à présent similaires à celles d’une population assiégée en situation de guerre. La situation critique actuelle du pays est une conséquence directe d’un régime qui défie les règles de l’impérialisme occidental et qui tentent de survivre avec les résultats. Le principal crime commis par le régime est d’avoir enfreint les termes des prêts du FMI à la fin des années 90. Depuis 1999, le FMI et d’autres prêteurs internationaux ont interrompu le financement du pays et attendent que Mugabe ou son successeur se résignent à respecter les termes. Mugabe a évité la capitulation par une série de manœuvres à court terme. On compte parmi celles-ci, l’expropriation des exploitations agricoles dont la propriété appartient à un européen, le pillage des richesses minérales du Congo lors de l’intervention zimbabwéenne dans la guerre civile de ce pays et la vente des droits de ses propres ressources minérales. Cependant, ce n’étaient que des mesures à court terme et certaines d’entre-elles, comme les expropriations de terres ont aggravé la situation puisque la production alimentaire s’est écroulée. L’hyperinflation perturbe le fonctionnement normal de l’économie, rendant la simple survie extrêmement difficile. La classe ouvrière a déclenché un certain nombre de grèves sauvages, dont certaines revendiquaient des augmentations de salaires de 8000%, mais comme on pouvait le prévoir, elles ont été réprimées durement. On estime que quatre millions de personnes, ou 25% de la population, ont fui le pays. Le régime n’a à peu près plus de marge de manœuvre.

Dans la période précédent la chute du bloc russe, un régime qui se brouillait avec l’impérialisme occidental pouvait toujours devenir un client de l’impérialisme russe et recevoir de l’aide de ce bloc rival. Après 1991, le monde a été dominé par une seule puissance impérialiste, les Etats-Unis, et les manœuvres de ce genre devinrent impossibles. Cependant, la situation d’une puissance impérialiste unique prévalant après 1991 commence à être mise en question et en Afrique, la Chine est en train d’émerger en tant que nouvelle force impérialiste. Dans sa situation désespérée actuelle, le régime zimbabwéen s’efforce d’obtenir de l’aide des Chinois pour éviter l’effondrement économique. On a rapporté que le régime tente de négocier un emprunt de deux milliards US avec les Chinois (1). Les puissances impérialistes plus anciennes et plus établies sur la scène africaine, telles les Etats-Unis et le Royaume-Uni ne veulent pas voir leurs positions menacées par la Chine, particulièrement dans un pays aussi riche en ressources minérales que le Zimbabwe. Cela a été dit par des politiciens des deux côtés de l’Atlantique qui, d’une part critiquent énergiquement les défaillances économiques et la répression du régime Mugabe, et qui dénoncent d’autre part la nature sans scrupules des prêts chinois et les motifs douteux qui les justifient (2). Les prêts accordés par les USA et le Royaume-Uni sont, nous assure-t-on «moraux» et aident les pays débiteurs à sortir de l’endettement! Une telle hypocrisie de ces dirigeants n’est qu’une tentative de camoufler leurs intérêts de classe et n’est pas en elle-même d’un intérêt particulier pour nous. Ce que cela nous démontre cependant c’est qu’en Afrique, tout comme au Moyen-Orient, les affrontements impérialistes avec la Chine se développent. Comme nous l’avons écrit précédemment, (3), c’est ce qui explique en bonne partie le conflit au Soudan. Des pays comme le Zimbabwe, qui se trouvent en situation difficile, tentent à nouveau de jouer les puissances impérialistes les unes contre les autres. La situation au Zimbabwe est si critique cependant qu’il est probablement trop tard pour que cette stratégie puisse avoir du succès.

Face à l’effondrement économique

La situation économique et sociale est devenue pratiquement insoutenable. 80% de la population est sans-emploi et 85% vit dans la pauvreté. L’inflation est maintenant de 2200% annuellement, ce qui veut dire que les prix doublent presque toutes les deux semaines! La monnaie est en chute libre, malgré une réévaluation au mois d’août 2006, au cours de laquelle 1000 anciens dollars zimbabwéens ($Z) n’en représentent plus qu’un seul, le taux de change continue à dégringoler. Un dollar US équivaut à 25 000 $Z, ce qui veut dire qu’un réservoir de pétrole coûte un million de $Z. Les économies ont fondu, les pensions de même et les tentatives de refinancement du gouvernement par l’émission d’obligations ont échoué malgré l’offre d’un taux d’intérêts à 500%. Le pays est désespérément à court de monnaies étrangères et est incapable d’importer du combustible ou de la nourriture en suffisance pour nourrir sa population. La situation alimentaire a été rendue plus difficile par l’expropriation des grandes exploitations agricoles, redistribuées en parcelles à la paysannerie et à de hauts gradés du ZANU (4). Cela veut dire qu’il n’y a plus de nourriture produite sur le marché et que la population fait face à la famine. Gideon Gono, le gouverneur de la Zimbabwe Reserve Bank a expliqué que la priorité du pays était de se servir de ses réserves pour importer de la nourriture et a blâmé ceux qui se sont appropriés les exploitations agricoles appartenant auparavant à des blancs de n’avoir pas pu produire la nourriture (5). Le Programme alimentaire mondial de l’ONU assurait jusqu’à présent l’approvisionnement de 1,5 millions de personnes, ou 12,5 % de la population, mais il a récemment annoncé qu’il n’allait plus en nourrir que 250 000. Cela mènera sans doute à encore plus de famine (6). La malnutrition et la maladie, en particulier le SIDA, ont réduit l’espérance de vie moyenne du pays à 34% pour les femmes et 37% pour les hommes! Il y a dix ans, cette espérance de durée de vie était de 65 ans (7).

Pendant ce temps, l’administration étatique du pays est soumise à des pressions énormes. Les services gouvernementaux comme la Santé, l’Éducation, et les transports en commun sont complètement désorganisés. La pénurie de combustibles mène à des pannes d’électricité et le peu de nourriture disponible ne peut pas être distribuée. L’armée et la police sont aussi troublées parce que leurs salaires ne représentent plus rien et que l’État ne peut plus leur fournir l’équipement nécessaire. L’état peut fiable des forces répressives est démontré par la récente requête de Mugabe auprès de l’Angola (son alliée dans la guerre congolaise), pour que celle-ci lui envoie 3000 policiers paramilitaires pour soutenir son régime (8).

Les travailleurs et les travailleuses, particulièrement ceux du secteur public, tentent de riposter et en janvier, il y a eu une éruption de grèves sauvages. Les services de santé furent paralysés et l’approvisionnement en électricité de la capitale Harare fut coupé. Ces grèves furent organisées à l’extérieur du mouvement syndical officiel et prirent les autorités par surprise, mais leurs revendications n’ont pas été satisfaites. Il devait y avoir une grève générale supplémentaire les 3 et 4 avril, mais comme elle a été organisée par le Zimbabwe Congress of Trade Unions (ZCTU), le mouvement syndical officiel, elle fut annoncée bien en avance de sorte que l’État eut le temps de mobiliser ses nervis et l’appel à la grève fut largement ignorée. Pourtant, par le passé les grèves générales furent largement suivies alors que les attaques anti-ouvrières étaient beaucoup moins sévères. En 1998 par exemple, les hausses de prix de 67% pour le pétrole et de 100% pour l’électricité précipitèrent deux grèves générales. En 2001, une autre augmentation de 70% du coût du pétrole provoqua une autre grève générale. Aujourd’hui cependant, il y a des augmentations aussi importantes à chaque deux semaines! Mais il y a maintenant une certaine méfiance au moment d’entreprendre une lutte contre l’État. Cette prudence pourrait néanmoins se transformer rapidement car le régime semble adopter une attitude de confrontation. Un exemple en est l’appel provocateur de M. Gono de la Reserve Bank qui exige un gel des salaires (9). Une des causes de la présente faiblesse de la riposte ouvrière est indubitablement l’exode de quatre millions d’entre eux vers les pays voisins, en particulier vers l’Afrique du Sud et le Botswana. Les travailleurs et les travailleuses qui le peuvent tentent de partir plutôt que de rester et de combattre le régime. L’argent rapatrié par les prolétaires émigrés permet à leurs familles de continuer à vivre et c’est ce qui permet à la classe ouvrière de survivre malgré des niveaux de chômage aussi astronomiques.

Tous les jours, de plus en plus de travailleurs tentent de quitter le pays, et il y a maintenant 300 000 personnes en attente d’un passeport. Mais l’État est incapable de répondre à la demande parce qu’il lui manque même le papier et l’encre pour les imprimer! Plusieurs voyagent maintenant sans papiers et traversent les frontières clandestinement. Leur espoir est de trouver du travail dans le secteur informel (travail au noir) des pays hôtes où les papiers ne sont pas exigés. Dans de telles circonstances, il est tout à fait incroyable que Mugabe puisse encore prétendre construire le socialisme et soit perçu comme un marxiste par certains en Afrique méridional.

Le ZANU et le MDC - des organisations de la classe capitaliste

Lorsque le ZANU prit le pouvoir en 1980, il se décrivait comme marxiste et socialiste et prétendait soutenir l’ensemble de la nation des Zimbabwéens noirs. Cela fut rapidement réfuté dans les deux années menant à 1982, lorsqu’une vague de grèves massives déferla. Le régime répliqua à ce déferlement de luttes par la répression et Mugabe qualifia les grèves de «rien de moins que criminelles».

Les 25 années suivantes, pendant lesquelles le régime Mugabe a continué à exercer le pouvoir n’ont fait que confirmer ce que nous avions écrit à l’époque, à savoir que ce régime est au service de la classe bourgeoise africaine et est l’ennemi mortel de la classe ouvrière. Pendant son exercice du pouvoir, le régime a imposé l’austérité sur le prolétariat pour maintenir les profits, il a réprimé des grèves avec son armée et abattu des travailleurs et des travailleuses lors de manifestations. Il n’a pas hésité à interdire la lutte des classes, y compris les grèves lorsque cela faisait son affaire (10). La nouvelle bourgeoisie africaine, particulièrement l’élite politique du ZANU a gagné des parts d’industrie et des propriétés agricoles et est devenue la nouvelle classe dominante. Il est bon de rappeler que ce régime, ainsi que Mugabe lui-même, furent l’objet d’éloges enthousiastes de la part des porte-parole du capitalisme international dans la période précédent leur rupture avec le FMI, à la fin des années 90.

Cette rupture avec le FMI s’est opérée autour du Programme d’ajustement structurel économique que le FMI voulait que le Zimbabwe impose comme condition préalable à de nouveaux prêts. Le régime n’était pas prêt à réduire les dépenses d’État et introduire les privatisations de l’économie exigées par le FMI. La saisie et la parcellisation des grandes unités agricoles et l’intervention dans la guerre civile au Congo aggravèrent les relations avec le FMI et menèrent à la suspension des prêts. Le Zimbabwe fut alors traité d’État paria. Pour l’impérialisme occidental et son représentant incarné par le FMI, le Zimbabwe avait enfreint les règlements. Il avait dévasté sa principale source d’échange extérieur, i.e. l’agriculture, il avait gaspillé des millions de dollars dans une guerre étrangère, il n’avait pas suffisamment privatisé l’économie, il avait outrepassé les provisions de son déficit budgétaire, il avait fixé les prix des denrées de base, il avait fixé les taux de change plutôt que de les laisser flotter et, bien sûr, il n’avait pas remboursé ses dettes. C’est dans ces circonstances que le MDC fut crée.

Le MDC fut fondé en 1999 et fut soutenu dès ses débuts par les grandes compagnies minières telles l’Anglo American/Ashanti Goldfields, Broken Hill, de même que par National Power. Ces compagnies, liées à d’autres groupes capitalistes formèrent une organisation nommée Democratic Trust qui fournira le financement et la publicité au MDC. Le programme du MDC est, on ne sera pas surpris, l’application des plans du FMI, donner son indépendance à la Banque d’État, abolir le contrôle des prix, laisser flotter la monnaie, etc. En résumé, le MDC entend ramener le Zimbabwe dans l’orbite de l’impérialisme occidental.

Les deux principales forces politiques au Zimbabwe sont donc des organisations de la classe dominante. Le ZANU représente le secteur nationaliste africain de la classe capitaliste et favorise des mesures capitalistes d’État dans certains secteurs de l’économie. Malgré son discours sur les mesures capitalistes d’État, il est bon de noter que le ZANU n’a pas entièrement rompu avec le FMI et, lorsqu’il devait être exclu de cette organisation en 2005, il s’arrangea pour payer les intérêts de sa dette. Son opposition à la classe ouvrière est sans ambiguïtés et s’est démontrée dans les faits à de nombreuses reprises. Contrairement au ZANU, le MDC favorise la transformation de l’élite zimbabwéenne comme fraction administrative du capital international et soutient l’exploitation de la classe ouvrière au bénéfice de ce même capital. Il n’y a pas à choisir.

La lutte impérialiste pour le contrôle du Zimbabwe

Malgré le fait que le Zimbabwe est un pays relativement secondaire et à la périphérie du capitalisme, son effondrement pourrait potentiellement déstabiliser l’ensemble de la région méridionale de l’Afrique. La région est riche de plusieurs matières premières comme la platine, le chrome, le magnésium, la manganèse, l’antimoine et bien sûr, de l’or. De plus, sa valeur stratégique est qu’elle contrôle la voie maritime contournant l’Afrique. C’est donc une région importante sur laquelle l’impérialisme américain veut maintenir son contrôle. Mais ce contrôle est maintenant menacé par la Chine.

L’énorme croissance économique de la Chine requiert des quantités massives d’énergie et de matières premières et les Chinois ratissent le monde pour s’en procurer. L’Afrique, qui a été privée d’investissement par l’impérialisme occidental (11) est perçue comme une source de pétrole et de minerais par les capitalistes chinois. Les manœuvres chinoises en vue d’exploiter ses matières premières se reflètent dans ses investissements et dans son commerce avec ce continent. À la fin de 2005, la Chine avait 800 entreprises opérant en Afrique pour un investissement total de six milliards. Le commerce chinois avec l’Afrique, qui excède maintenant celui des USA, étaient de 55 milliards en 2006 tandis que celui des USA était de 44,5 milliards pour la même période (12). Les échanges sino-africains croissent de façon spectaculaire et le chiffre cité pour 2006 représente une augmentation de 40% sur 2005 (13). En novembre 2006, on annonça que la Chine mettait sur pied un fonds de cinq milliards de dollars pour le développement Chine/Afrique (14) et en reconnaissance du nouveau rôle crucial de ce pays dans le développement de l’Afrique, la Banque de développement africaine a tenu sa rencontre annuelle à Shanghai en 2007. Il est clair que cette tendance à l’augmentation du commerce chinois et son influence devrait continuer à se développer.

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La Chine a tiré avantage des disputes du Zimbabwe avec l’impérialisme occidental et est devenue un appui majeur du régime dans les cinq dernières années. Le gouvernement du ZANU a reconnu que la Chine représente une bouée de secours et a baptisé sa nouvelle relation politique, le «Look East». Le commerce chinois avec le Zimbabwe a augmenté considérablement. Tandis qu’il était de 191 millions en 2002, en 2005 il était de 280 millions et on s’attend à ce qu’il atteigne 500 millions en 2008. La Chine est maintenant le plus grand acheteur de tabac et importe aussi du fer, du chrome, du nickel et du platine. Elle investit aussi au Zimbabwe et maintenant 35 compagnies chinoises y opèrent et produisent des matériaux de base comme la brique, le verre et le ciment. La Chine offre aussi des prêts au régime. En septembre 2006, un prêt de 490 millions fut accordé pour l’achat de nourriture et de pétrole (15) et la rumeur veut que ce soit la Chine qui ait fourni l’argent requis en 2005 pour payer les intérêts de la dette au FMI. Comme nous l’avons mentionné auparavant, il a été rapporté que le Zimbabwe est actuellement en quête d’un prêt de deux milliards pour se sortir du pétrin. En retour d’un tel service, on croit que la Chine exigerait une participation dans les mines de platine du pays (16).

Comme l’a affirmé un capitaliste local, «les Chinois sont partout» et «si les Britanniques ont été nos maîtres autrefois, les Chinois les ont maintenant remplacés (17). La Chine fournit aussi de l’équipement militaire pour soutenir ce régime. Elle livre des avions de combat et du matériel de transport et de communication. Cet équipement de communications a été utilisé pour obstruer les échanges Internet et bloquer les émissions radiophoniques étrangères. De plus, la Chine a offert en cadeau au président, un palais de 24 chambres à coucher sur un terrain de 44 acres agrémenté de deux lacs, au coût de 11 millions de dollars. Le fait que ce cadeau soit offert dans une situation où cinq millions de Zimbabwéens font face à la famine démontre comment les Chinois se préoccupent peu des intérêts de la masse du peuple. Leurs intérêts sont précisément les mêmes que ceux de l’impérialisme occidental, la seule différence est la destination que prend la plus-value extorquée de la classe ouvrière du pays.

La voie difficile des travailleurs et des travailleuses du Zimbabwe

La classe ouvrière du Zimbabwe se retrouve dans une position difficile. D’une part, elle est affaiblie par l’émigration massive et d’autre part, elle fait face à la répression sauvage de l’État. De plus, les illusions idéologiques de la lutte de libération nationale n’ont pas encore été complètement discréditées, malgré les événements des 27 dernières années, comme le démontre l’utilisation que fait le régime des mythes qui ont accompagné cette lutte. Le principal mythe est que la libération de la domination de la minorité blanche, représentait d’une certaine façon la libération de la classe ouvrière. Cependant, dans une société de classe, la classe dominante agit en fonction de ses propres intérêts, non des intérêts des autres classes, et ce fut la bourgeoisie noire qui s’est émancipée. Elle n’a pas et n’aurait jamais pu libérer la classe ouvrière. L’émancipation de la classe ouvrière aurait exigé l’abolition de la société de classe, c’est à dire l’abolition des divisions fondamentales sur laquelle le capitalisme est fondé. Ce qui s’est vraiment passé provient de ce que la classe bourgeoise a fait et refait de nombreuses fois depuis l’époque de la Révolution française. La bourgeoisie a présenté ses intérêts comme étant les intérêts de toutes les classes de la nation et ce, dans le but d’entraîner la classe ouvrière et la paysannerie dans la lutte pour sa libération exclusive. Elle a utilisé ce mensonge pour mobiliser la classe ouvrière et la paysannerie pour qu’elles servent de chair à canon contre l’ancien régime Smith. La répression sauvage de la lutte des classes des 27 dernières années témoigne que le ZANU n’a jamais libéré la classe ouvrière, ni même voulu être son défenseur. Aujourd’hui cependant, les prolétaires sont à nouveau appelés à s’engager dans les batailles pour la classe dominante, celles du MDC. Il faut absolument éviter que les erreurs du passé se répètent.

Le MDC se présente maintenant comme le parti de la liberté, de la démocratie, de la justice, de l’humanité, etc. Cependant, comme nous l’avons démontré plus haut, il n’est que le parti de la faction de la bourgeoisie du Zimbabwe qui favorise le retour en grâce auprès de l’impérialisme occidental. Il n’a pas plus d’intérêt à lutter pour la liberté et la justice que la bourgeoisie de Washington ou de Londres. Ses mots d’ordre camouflent ses sordides intérêts bourgeois et servent d’appât pour attirer la classe laborieuse dans le piège. Ce groupe est néanmoins soutenu par le ZCTU qui tente de mobiliser les travailleurs et les travailleuses derrière lui. Comme nous l’avons vu en Afrique du Sud, les syndicats se rallient derrière les bannières de la bourgeoisie et sont tout heureux de lancer leurs membres dans la mêlée.

La classe ouvrière doit rejeter tous les appels l’amenant à verser son sang pour l’opposition bourgeoise. Elle devrait plutôt lutter pour ses propres intérêts de classe, comme les salaires et les conditions de travail et de vie. Même si une grande partie du prolétariat vit des sommes reçues des prolétaires émigrés à l’étranger, les 20% qui sont toujours au travail ont la capacité de paralyser le pays. Ils bénéficieraient du soutien des sans-emploi et ils feraient face à des forces de répression démoralisées et peu fiables. La proposition gouvernementale de geler les salaires dans une période d’hyperinflation démontre que de nouvelles attaques contre les travailleurs et les travailleuses sont en préparation. Les grèves sauvages de janvier montrent la voie à suivre. De telles grèves sont l’expression d’une classe combattant pour ses intérêts spécifiques. Le danger est que l’opposition se serve de ce militantisme et le récupère dans son combat contre Mugabe. Une fois au pouvoir, elle se servira des syndicats qui, plutôt que de se battre pour les intérêts de classe, agiront comme ils le font pratiquement partout ailleurs, comme une force disciplinaire servant à négocier des conditions inférieures à ce que les forces militantes le permettent dans les faits. Les organisations économiques permanentes, avec leurs appareils salariés, finiront par être récupérées par le régime, peu importe qui est au pouvoir. L’alternative est que les travailleurs et les travailleuses développent leur auto organisation, en créant des assemblées ouvertes à tous et à toutes et en formant des comités de grèves élus. Cela présuppose qu’ils multiplient leurs actions unis et solidaires et les coordonnent avec tous les secteurs de l’économie. Une telle action précipiterait probablement la chute du régime Mugabe et son remplacement par un autre régime bourgeois. Cependant, la position indépendante des travailleurs et des travailleuses les placerait dans une situation beaucoup plus forte face à ce nouveau régime qui devrait alors être forcé de satisfaire un certain nombre de revendications.

À plus long terme, les problèmes du Zimbabwe sont partie intégrante des problèmes planétaires du mode de production capitaliste, des problèmes qui produisent les ravages de l’impérialisme et rendent la vie infernale dans de vastes régions de la planète comme l’Irak, la Palestine, le Soudan et le Zimbabwe. Ils ne pourront être surmontés que lorsque les problèmes de la production capitaliste seront surmontés. Le capitalisme est un mode de production fondé sur des classes, dans lequel la production se fait dans le but de générer du profit. On doit y mettre fin et la production planétaire doit être réalisée en fonction des besoins de l’humanité. Cela requiert la socialisation des moyens de production et leur contrôle par les travailleurs et les travailleuses à l’échelle planétaire. Nous appelons ce système le communisme, mais il n’a strictement rien à voir avec ce qui existait auparavant en Chine et en Russie. Le système de ces pays était une forme de capitalisme d’État, dans lequel l’État détenait la plupart des moyens de production et où les prolétaires devaient lui vendre leur force de travail. Une organisation communiste de la production ne peut être réalisée que par un mouvement de masse du prolétariat mondial et exige une conscience de classe de ses intérêts et un programme pour les satisfaire. Pour ce faire, une organisation politique des prolétaires conscients doit être créée. Les travailleurs et les travailleuses du Zimbabwe, qui comprennent la nécessité de construire un monde communiste, doivent forger des liens avec les communistes internationalistes de l’ensemble de la planète pour établir les fondements indispensables à la construction de cette nouvelle société.

C.P.

(1) Voir: Guardian Unlimited, http ://libcom.org/news/wildcat-strikes-hit-zimbabwe-10012007 .

(2) Voir: Hillary Benn, la secrétaire au Développement du Royaume-Uni, citée dans Guardian Unlimited, libcom.org .

(3) Voir: Revolutionary Perspectives #40, «Behind the Smell of Blood in Darfur Lie Imperialist Interests».

(4) Le Zimbabwe African National Union (ZANU) lutte contre la domination de la minorité blanche de 1966 à 1979, lorsque le régime minoritaire capitula. Le ZANU remporta alors les élections et il est resté au pouvoir depuis.

(5) Voir: le Guardian, 01-03-2007.

(6) L’Unicef rapporte que deux millions de personnes sont menacées par la famine.

(7) Chiffres cités dans l’Independent, 17-11-2006.

(8) Voir: l’Independant, 20-03-2007.

(9) Voir: le Guardian, 01-03-2007.

(10) En 1998, après deux grèves générales, le gouvernement a interdit les grèves et a introduit une peine de prison de trois ans pour leur organisation.

(11) Voir: Revolutionary Perspectives #31, «Africa, Showcase of Capitalist Decline».

(12) Voir: le Christian Science Monitor, csmonitor.com .

(13) Voir: le Financial Times, 01-02-2007.

(14) Voir: le China Daily, 04-11-2006.

(15) Voir: Reuthers, 14-09-2006

(16) Voir: l’AFP, reliefweb.int .

(17) Trevor Ncube, un propriétaire de journal cité dans le Washington Post.