La grève générale de Seattle de 1919

Une page de la lutte ouvrière

Il y a 90 ans déjà qu’a eu lieu la grève générale de Seattle au mois de février 1919. L’année 1919 avait connu le plus grand nombre de grèves de l’histoire à l’exception de 1946. Cette grève est partie prenante de la vague révolutionnaire mondiale qui suivit la Première Guerre mondiale. Alors que, durant la guerre, les ouvriers des chantiers maritimes de Seattle subirent un gel des salaires, leurs syndicats et leurs partis «représentatifs» ne firent rien pour cause d’Union sacrée. Le modèle suivi par l’American Federation of Labor à cette époque, tout comme le Congress of Industrial Organizations dans les années 30, fut d’imposer la discipline du travail avec l’engagement à ne pas recourir à la grève durant la guerre impérialiste, en échange notamment de leur reconnaissance en tant que représentants des travailleurs et des travailleuses. Ainsi, l’attitude des syndicats a participé ainsi à la boucherie guerrière et impérialiste. Le nationalisme de temps de guerre a étouffé les grèves, exception de l’activité des Industrial Workers of the World (IWW).

Quelques jours avant le déclenchement de la grève, environ 2000 personnes défilent dans les rues de Seattle en appui à la Révolution russe. Même si cette marche n’est pas représentative des sentiments de l’ensemble des travailleurs et des travailleuses, il existe une solidarité réelle avec la Révolution russe et contre l’action des armées blanches au point que les dockers refusent de charger les armes sur les navires à destination de la Russie. La vague révolutionnaire d’après-guerre qui s’est manifestée par les grèves dans l’Ouest des États-Unis a comme contrepartie la grève générale de Winnipeg au Canada.

La décision de faire grève est prise lorsque les directions syndicales sont absentes de la ville, en réunion à Chicago. L’attitude des dirigeants syndicaux fut la crainte, selon Anna Louise Strong, qui le rapporte:

«Ils furent terrifiés lorsqu’ils apprirent qu’une grève générale avait été votée…»

Leur attitude peut se résumer à:

«Ça peut très bien nous écraser - nous et peut-être même toute l’organisation de notre mouvement. (1)»

Les ouvriers des chantiers navals ainsi que les dockers déclenchent la grève. Les 35 000 travailleurs et travailleuses concernés lancent ensuite un appel à la solidarité par le biais du Conseil du Travail de Seattle. En moins de deux semaines, 110 syndicats locaux, y inclus quelques syndicats affiliés aux IWW, répondent à cet appel en votant des grèves de soutien et le nombre de grévistes atteint 100 000 personnes. Les travailleurs des chantiers maritimes de Tacoma dans l’État de Washington répondent aussi à l’appel et déclenchent la grève. Mais la grève échoue parce qu’elle ne peut également s’étendre à la ville de Portland, où les travailleurs et les travailleuses refusent de soutenir leurs camarades prolétaires et décident de ne pas déclencher la grève, isolant ainsi davantage les grévistes de Seattle.

Le 11 février 1919 à midi, le Comité de grève met fin au conflit sous la pression des directions syndicales nationales, suite aux menaces des soldats de la Garde Nationale et les pressions des classes moyennes. Malgré toutes les faiblesses de la grève, elle représente un exemple de ce que les travailleurs et les travailleuses sont capables d’accomplir. La réaction qu’elle déclencha auprès d’une bourgeoisie hystérique dans la période qui suivit témoigne de son impact. Son potentiel avait été bien jaugé par la classe dominante, indépendamment du niveau de conscience des travailleurs et des travailleuses qui l’avaient menée. Le jour où la classe ouvrière reprendra le chemin de la lutte, la grève de Seattle lui servira ici comme ailleurs de rappel historique de ses capacités dans les luttes. Mais plus important encore, elle démontre qu’elle sera capable de beaucoup plus encore.

AS

(1) The Seattle General Strike: An account of what happened in Seattle and especially in the Seattle labor movement during the General Strike, February 6 to 11, 1919. Publié par le History of the General Strike Committee, mars 1919. Réédité comme pamphlet no.5 par Root & Branch, p. 18. zinelibrary.info