Guerre de classe au Cambodge

Depuis novembre les ouvriers du textile luttent au Cambodge pour arracher une augmentation de salaires. Travaillant 12 h par jour, 6 jours sur 7, les ouvriers du textile touchent un salaire minimum de 80 dollars mensuels, insuffisant pour vivre et on estime que 33% des travailleurs cambodgiens sont sous-alimentés.
La lutte a repris en décembre comme l'indique l'article ci-après.

Dès avant Noël, les travailleurs du textile au Cambodge se sont mis en grève, ils exigent un nouveau salaire minimum de 160 $ par mois. Actuellement, ils reçoivent environ 80 $. Cependant, comme le Nouvel An se profile, certains travailleurs ont commencé à retourner au travail ayant besoin d'argent ce qui a entraîné l'intensification de la lutte de la part des travailleurs les plus militants. Ils ont gagné la rue pour empêcher la réouverture des usines. Le 2 janvier, l'armée est intervenue et a pris d'assaut une usine occupée. Le gouvernement a alors déployé les commandos d'élite de l'Unité 911. Le lendemain, sans se laisser décourager, les travailleurs se sont confrontés à la police avec des pierres, des bâtons et des cocktails Molotov. Les policiers ont prétendu que 9 officiers ont été blessés. Ce fut le prétexte pour ouvrir le feu sur les travailleurs en en tuant au moins quatre (les médias internationaux parlent de 3) et faisant des dizaines de blessés. Un porte-parole de la police militaire appelé Kheng Tito a justifié l'action avec les termes suivants:

Si nous leur avions permis de continuer de faire grève, ce serait l'anarchie.

En d'autres termes, les travailleurs étaient une menace pour l’État cambodgien. Et dans cette situation, l’État cambodgien n'a jamais été paralysé pour tuer les ouvriers du textile en grève. Deux ouvriers ont été abattus en février 2012, tandis que trois autres l'ont été devant une usine Puma en mai 2013 et qu'un ouvrière du textile l'a été en novembre 2013.

Le Cambodge dans le système capitaliste mondial

L'industrie du textile est, de loin, la plus grande industrie du Cambodge. 650 000 ouvriers y sont employés dans plus de 500 usines, près d'un demi million d'entre eux travaillent pour de célèbres marques occidentales comme Gap, Nike, Next, Uniqlo, H&M, Calvin Klein et Tommy Hilfiger, etc... Elle apporte 80% des recettes d'exportation du Cambodge. Depuis quelques années, le Cambodge est devenu une destination de choix pour les marques occidentales ; les coûts de main-d'œuvre sont six fois inférieurs de ceux de la Chine, mais les grèves à répétition ont progressivement fait monter le niveau des salaires. Ainsi, les dirigeants cambodgiens sont conscients de leur place dans la compétition capitaliste mondiale. L'industrie du vêtement doit importer la quasi-totalité de ses tissus de Chine. Et les travailleurs du textile du Bangladesh, après des années de luttes acharnées, ont uniquement été en mesure d'obtenir des salaires de 68 $ par mois. De plus, le Bangladesh possédé une plus importante main-d'œuvre. Dans ce contexte, le régime a offert une augmentation de salaire à 95 $ par mois, mais pas au-delà.

Le Cambodge est un des pays les plus pauvres au monde. Environ 4 millions de personnes vivent avec moins de 1,25 dollar par jour, et 37 % des enfants âgés de moins de 5 ans souffrent de malnutrition chronique. La plupart de la population paysanne connait une économie de subsistance, alors que le gouvernement vante les mérites des entreprises internationales et les pousse à venir et à exploiter les mines de bauxite, d'or, de fer et de pierres précieuses. De nombreux agriculteurs sont expulsés de force de leurs terres pour les donner en concession. Plus de 50% du budget national est assuré par l'aide de donateurs (principalement de Chine). La corruption est endémique partout et le Parti du peuple cambodgien (PPC) règne depuis 30 ans et que son chef, Hun Sen, a été installé par l'invasion vietnamienne. Cette dernière avait renversé le régime sanguinaire des Khmers rouges sous lequel au moins 1 million de Cambodgiens furent assassinés.

Hun Sen a mis en place différentes zones économiques spéciales pour donner aux capitaux internationaux libre cours pour exploiter à volonté les travailleurs sur la base de la propre promesse que ces derniers seront dociles. Les travailleurs ont l'intention de la détruire.

L'avenir ?

Toutefois, le mouvement de grève court le danger de dérailler dans d'autres directions, en particulier du fait de l'opposition politique. Depuis l'élection contestée de juillet, le Parti du sauvetage national du Cambodge (CNRP) manifeste tous les jours pour annuler les élections. Il a gagné le soutien des six syndicats qui soutiennent les grèves actuelles et qui ont promis, s'ils réussissent à renverser le régime Hun Sen, qu'ils défendront les augmentations de salaires des travailleurs. Le régime de Hun Sen a renforcé l'opposition auprès des travailleurs les regardant comme les instigateurs de la grève. Le lendemain de l'assassinat des quatre travailleurs, les policiers ont été envoyé dans Freedom Park (zone désignée par le gouvernement en 2010 pour manifester légalement) ; ils ont attaqué des moines, des femmes et des enfants avec des barres de fer de quatre pieds de long pour dégager le parc. Toutes les manifestations et les rassemblements publics ont été interdits et les dirigeants du Parti du sauvetage national du Cambodge (CNRP) ont été convoqués au tribunal pour incitation à la gréve.

Donc, la «démocratie» est maintenant présentée comme la solution à la difficile situation des travailleurs cambodgiens. Les travailleurs âgés de l'Ouest ont déjà entendu tout cela. Chaque fraction bourgeoise promet quelque chose aux travailleurs avant de l'oublier quand elle s'empare du pouvoir (après tout " l'intérêt national" vient en premier et le niveau de vie des travailleurs en second). Toutefois, le prolétariat est relativement jeune (50 % de la population du Cambodge a moins de 25) et sans expérience de sorte qu'ils seront probablement séduits par le programme démocratique, pour le moment du moins ...

Jock, 5 janvier 2014

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Monday, January 13, 2014