L’austérité contre le bien-être des enfants…

Déficits en CPE? D’où viennent-ils ?

60% des CPE sont en déficit ! Est-ce donc que nos services de garde sans but lucratif sont dirigés par des incompétentEs ? Non, nous disent les vérificateurs comptables. Non, nous disent l’AQCPE et les syndicats. Au contraire, ils sont bien gérés. Ce serait surprenant que 600 directrices (sur un total de 1,000 CPE) soient d’affreuses gestionnaires.

Notre système de subvention est déficient et cela depuis ses débuts en 1997. Les montants alloués ne suivent pas les échelons salariaux négociés, l’inflation, les salaires des directions ; la liste est longue. De plus, les gouvernements successifs depuis ce temps ne cessent de couper à coup de millions ; 250 millions depuis 10 ans selon l’AQCPE. Les dernières en lice sont la fin de l’indexation des subventions décidée par Couillard et la compression des subventions pour les milieux défavorisés. Si on voulait couler les CPE, il n’y a pas de meilleures manières. La fin de l’indexation à elle seule peut représenter pour un CPE de 80 enfants une perte de $20,000.00. Pour un CPE en déficit c’est un coup fatal.

Pourquoi s’acharne-t-on sur les enfants et les familles ?

Mettons une chose au clair. La hausse des tarifs aux parents, que ce soit le dollar ($7.00 à $8.00) de Marois au printemps passé ou l’indexation au 1er octobre 2014 de Couillard, rien ne va aux CPE. Le gouvernement ne le dit pas, mais tous les frais de garde payés par les parents sont DÉDUITS des subventions octroyées aux services de garde !

En fait ce n’est pas directement aux enfants auxquels l’État s’attaque. Mais aux travailleuses, et indirectement aux enfants. Nous sommes forcés de gruger dans les conditions de travail pour éponger des déficits qui dépassent l’entendement : il n’est pas rare de voir des manques à gagner de $50,000.00 et de vider en quelques mois les économies accumulées.

Couper $50,000.00, c’est impossible à faire sans toucher aux conditions de travail, quand 80% des dépenses sont des salaires. Ne nous méprenons pas, 80% c’est une norme dans notre secteur de service. Couper $50,000.00 c’est beaucoup plus que le salaire d’une seule éducatrice. Alors couper par exemple un poste de remplacement des pauses équivaut à reporter le lavage et la désinfection sur les autres éducatrices. Autrement dit à alourdir la tâche d’éducation et donc il reste moins d’énergie auprès des enfants. Des enfants dont les besoins ne sont déjà pas satisfaits. Qu’on prenne juste l’exemple des enfants à besoin particulier (TED, concentration, langage, etc.) qui demande à l’éducatrice plus d’attention qu’elle ne peut mettre au service des autres enfants. Tenter d’assurer une qualité optimum a des effets désastreux ; si pour les microbes on peut se protéger avec des masques et des gants de vinyle, il en va autrement pour les enfants en déficit d'attention, hyperactifs ou violents (envers les autres enfants aussi). Il n'y a pas d'armure pour contrer les tensions causées par cette situation, on a juste besoin d'aide supplémentaire. Que dire de la coupure de subvention en milieu défavorisé ? Subvention qui permettait d’ajouter des soins adaptés aux enfants : service d’orthophonie, de travailleuses sociales, réduction des coûts d’activités, etc.

Ce n’est pas tout, pour les CPE qui restent, le 40% qui ne font pas encore de déficit, seront dans l’obligation d’en faire. En effet, le ministère de la Famille vient de décréter que les surplus seront confisqués pour qu’il ne reste que huit semaines de fond d’urgence. En fait, même les CPE déficitaires seront touchés. Le calcul se fait sur des statistiques comptables et non pas sur la réelle situation financière des CPE. Cette politique ne tient pas compte des sommes nécessaires à l’entretien des bâtisses et des cours qui s’élèvent souvent dans les six chiffres.

La cible c’est nous !

Le ministère de la Famille s’ingère dans les négociations entre les travailleuses et les conseils d’administration. Exactement comme avec les travailleurs et les travailleuses des municipalités à propos des régimes de retraite. Il est interdit, sous peine de coupure de subvention aux CPE, de maintenir la part de l’employeur (CPE) au régime de l’assurance collective. Ce qui a pour effet de doubler la part de l’employée et ainsi s’attaquer aux trop faibles indexations de salaires.

On pense souvent que c’est seulement le secteur public qui est visé par ces mesures d’austérité. Pas du tout, tous les travailleurs et les travailleuses du privé sont cibléEs sur les régimes de retraite et autres conditions de travail. Non seulement, nous sommes viséEs, mais on tente de briser notre solidarité. Les employéEs en grève de Bathium viennent de recevoir une injonction les empêchant de recevoir des visites de solidarité sur leur ligne de piquetage. L’attaque contre les régimes de retraites négociés légalement ou les régimes d’assurance collective négociés légalement, nous en disent long sur la légalité bourgeoise.

Pendant ce temps-là chez les bourgeois

A-t-on besoin d’autres exemples ? Oui ? Citons un fait pour expliquer comment deux classes sociales (bourgeoisie et prolétariat) sont traitées différemment. Burger King vient d’avaler Tim Horton sur la base de ce qu’on appelle l’ « inversion ». Simplement, Burger King achète Tim Horton et déménage son siège social de Miami à Oakville en Ontario pour payer moins d’impôts (35% aux Etats-Unis et 27% au Canada). Obama s’insurge contre cet état de fait mais étrangement personne ne trouve la solution. Devrait-on citer un autre fait ? Comme la tentative de reporter sur les travailleurs de MMA la responsabilité de l’État et de la compagnie MMA sur le massacre du village de Mégantic. Un autre ? Les retraités de White Birch se font couper 50% de leurs prestations de retraite, régime géré maintenant par Black Diamond qui a pris possession de cette papetière.

Y-a-t-il un espoir ?

Quand on exprime notre colère face à ces injustices, on se fait réprimer. Les pompiers et cols bleus qui ont occupé l’assemblée municipale se font traiter de brutes et reçoivent des suspensions. Dans nos services de garde, personne ne dit mot. Les syndicats attendent on ne sait quoi. Attendent-ils que nos conditions se détériorent encore davantage ? En fait elles sont attaquées durement déjà, quand notre assurance collective double et que les couvertures diminuent, venant encore gruger nos salaires. Que feront-ils quand il n’y aura pas de sous pour payer les salaires ? Quand la tutelle du ministère de la Famille cognera à la porte et imposera des coupures de poste ? On nous dit qu’il faut attendre le Front commun dont les conventions se terminent en mars 2015.

Attendre alors qu’on a déjà la tête sur le billot, ce n’est certes pas rassurant. C’est fini le temps d’attendre que quelqu’un vienne à notre secours, qu’un héros vienne nous sauver, qu’une prière vienne exaucer nos vœux de justice. Personne ne défend nos intérêts. Il n’y a que nous, tout seul, pour nous sauver. Tout seul, oui, nous le sommes et en plus inorganisés. Voilà pourquoi on se fait manger la laine sur le dos. On peut et on doit briser la légalité bourgeoise. La loi 78 n’existe plus parce qu’il y a eu solidarité entre travailleurs et les travailleuses avec le mouvement étudiant. Une piste à suivre donc…

S’organiser, ça veut dire quoi ?

Si personne ne peut nous sauver, alors, comment s’organiser nous-mêmes ? Le mot le dit : nous-mêmes. On n’a pas de parti politique et on n’a pas d’organisation de base, indépendante des patrons et des syndicats. Ok, ben alors mettons-en sur pied. Leur principal mot d’ordre devra être solidarité véritable. Pas juste une solidarité entre camarades d’une seule entreprise ou d’un seul secteur. Une solidarité entre tous les travailleurs et travailleuses des municipalités, des services de garde, des Postes, des grévistes de Bathium, des employéEs du secteur public. Ce sera déjà un pas vers une solidarité plus large, plus internationale. J’invite donc toutes les travailleuses et les parents (ils sont aussi des travailleurs et des travailleuses) des CPE à nous contacter pour s’organiser au-delà de toutes allégeances syndicale ou politique.

Septembre 2014, le Groupe internationaliste ouvrier
Section de la Tendance communiste internationaliste
Tuesday, September 23, 2014