Grèce : Notes après le référendum du 5 Juillet

Pour tous ceux qui estimaient qu'il était tactiquement correct d'appeler à voter NON au référendum grec

Le piège du référendum a frappé deux fois

La première fois, lorsque le national-réformiste Tsipras a inévitablement découvert qu'il ne pouvait pas mener à bien ses promesses électorales. Face aux exigences implacables de la Troïka (pour que la dette soit payée, faire les réformes nécessaires, telles que l'augmentation de la TVA, la réforme de la collecte de l'impôt et la réduction des pensions. Bref, continuer la politique d'austérité dévastatrice avant de pouvoir demander de nouveaux prêts). Tsipras a d'abord tenté de négocier une baisse des exigences ce qui a été pourtant rejeté à l’intérieur de son propre parti, donc tout ce qu'il pouvait faire était de renvoyer la « patate chaude » dans les mains de l'électorat grec sous la forme d'un référendum théorique: "OUI ou NON à la politique d'austérité de la Troïka". Tromper le prolétariat grec, mais pas seulement cela, il avait proclamé qu’une victoire du NON lui donnerait de meilleures armes politiques pour contrer les sacrifices exigés et pour mieux sauvegarder les conditions des retraités et des travailleurs face à l'effondrement.

La deuxième fois est survenue quand la victoire du NON a abouti à la même situation qu’auparavant. Toutefois, il a agi en soupape de sécurité pour les éléments les plus combattifs, qui, à l’extrême, n'avaient pas voté, (3.693.889, chiffre légèrement plus élevé que celui des votant pour le NON) et qui ne sont même pas effrayés par les jeux politiques de l’actuel pouvoir en crise de liquidités, comme d'identité politique. En fait, le Non ne voulait pas dire non à l'austérité mais signifiait la réouverture des discussions sur la façon et en combien de temps subir les énièmes mesures d'austérité. En pratique, comme dans le jeu du Monopoly, nous sommes revenus au point de départ, rien n’a changé sur la question de la dette et des réformes nécessaires. Il n'a pas écarté les autres prêts qui au mieux ne servent qu’à payer l'intérêt de la dette mais certainement pas pour améliorer les conditions de vie des travailleurs et des retraités. Quatre jours après la clôture du scrutin, Tsipras a dû reprendre la «patate chaude » et proposer à la Troïka plus que cette dernière n’avait elle-même demandé en termes de réformes et de sacrifices. Le programme comprend 12 milliards d’euros comme «paquet financier» de compressions impliquant le relèvement de l'âge de la retraite, la suspension de l'allégement de la TVA sur les îles et une augmentation générale des impôts. L'augmentation de l'âge de la retraite signifie que le chômage va augmenter, en particulier chez les jeunes. L'augmentation de la taxe va de nouveau affecter la qualité de vie et les revenus de tous les Grecs, bien sûr, pour ceux qui en ont. L'annulation de l'installation de la TVA pour les îles est en fait une augmentation de la TVA pour les affaires et les opérateurs de tourisme. Son impact sera une augmentation des prix à la consommation pour les touristes et les habitants. Le seul bémol est que Tsipras a promis de taxer un peu plus les super riches et de faire payer des impôts aux patrons (mais avec modération). Tout cela juste pour obtenir des fonds de la part des "bourreaux" de la troïka pour éviter l'effondrement immédiat et rendre possible la renégociation de la dette dont chacun sait qu’elle ne peut être payée, ni à court terme, ni jamais certainement. Mais c’est utile pour les grands créanciers qui peuvent exercer un chantage économique sur les commandes futures et l'achat possible de «l'argenterie de la famille", puisque les privatisations vont ouvrir de nouvelles opportunités pour les vautours de la finance internationale. Ce sont les conséquences immédiates de la campagne victorieuse du NON au référendum.

Ensuite, il y a d'autres considérations. Le référendum a fini par être d'un côté, un vote de confiance pour le gouvernement, et de l'autre un exercice politique nationaliste et conservateur qui a réussi à remplir les places publiques avec le drapeau grec bleu-blanc dans une effusion patriotique contre l'arrogance allemande. Pas un mot contre la bourgeoisie nationale et les patrons qui ne paient pas d'impôts: Tsipras se limitait avant le référendum à proposer une taxe sur les super-riches. Ceci, cependant, a été rejeté par la Troïka comme dangereux pour le grand capital, surtout les financiers, qui, au moment de l'entrée de la Grèce dans la zone euro, ont falsifié les comptes en collaboration avec l'un des principaux parasites financier international (Goldman Sachs - note du traducteur), ce qui a contribué à rendre la situation économique intérieure pire après l'éclatement de la crise des subprimes. Le référendum a cependant réussi à détourner l'attention des masses grecques de la responsabilité de la bourgeoisie nationale en les concentrant sur l'étranger.

Il était clair dès le début que le référendum était inutile, que les choses resteraient les mêmes que précédemment, mais en appelant à un NON inapplicable à la politique d'austérité c’était, au moins à court terme, garder la rue sous contrôle du nationalisme bourgeois et du cadre capitaliste, sans espoir d'un autre avenir alternatif au système. C’est ce qui s’est avéré.

Une position révolutionnaire qui vise à agir comme une petite voix alternative au faux référendum de la bourgeoisie nationale, doit, tout d'abord, expliquer pourquoi le référendum a été appelé, quels en étaient ses véritables objectifs et quelles en seraient les conséquences. C’est le point de départ, non pas parce que le référendum lui-même avait un sens intrinsèque, ou parce qu'il y avait une occasion de changement, même minime, des termes de l'austérité ou de remboursement de la dette. Le fait est que le parti au pouvoir, opérant sur un terrain nationaliste bourgeois, visait à embrouiller la conscience politique des travailleurs avec plus de fausses promesses et d’illusions. Leurs propositions économiques et financières spéciales conduisent nulle part, sauf à la préservation du système capitaliste bourgeoise, avec une insulte suprême qu’elle a été habillé comme quelque chose de radical.

Définir la nature, le but, et le piège du référendum représentait la première étape nécessaire à partir de laquelle s’en prendre au deuxième concept fondamental: la nécessité de la reprise de la lutte de classe. Dans ce cas, de la situation spécifique grecque de l'appel à la nécessaire reprise de la lutte de classe, elle devait être mise aux côtés de la dénonciation du référendum, si nous ne voulions pas la faire tomber du ciel comme un "OVNI". OUI à la reprise de la lutte de classe qui doit être la conséquence logique de la négation des objectifs du référendum. En bref, le oui à la lutte des classes aurait-il dû être liée au NON au référendum? Le jeu bourgeois du OUI et du NON à une politique d'austérité que tout le monde connaissait (Tsipras surtout), devait de toute façon être rejeté. Le voile aurait dû être déchiré d’un côté et d’un autre côté la manipulation exposée avant toute action. Appeler dans les lieux publics à la reprise de la lutte de classe, sans exposer la tromperie du référendum, sans dénoncer ses objectifs de préserver le système et pour exploiter la classe ouvrière, était, pour le moins, une erreur tactique.

Si le besoin pour la reprise de la lutte de classe est basé sur la "tactique" d'accepter de voter NON, alors nous sommes ouvertement en contradiction. C’est une façon très confuse de poser les questions envers les masses, parce que les deux orientations sont difficiles à concilier, sinon de façon hybride et sous une forme contradictoire: "Acceptez le référendum et allez voter, puis votez NON puisque la seule solution est la lutte de classe ». La lutte de classe non seulement ne peut pas provenir du référendum, qui est sa négation, mais doit se distinguer de lui depuis le début. Il est préférable d'être clair et direct dans les formulations politiques: on évite ainsi les malentendus et l’on donne des messages compréhensibles et sans ambiguïté. On pourrait faire valoir que la formulation «hybride» contient un autre message, qui dit, "nous devons être en mesure d'être adaptables, tactiquement intelligents, et non pas s’accrocher à des formulations, qui sont justes en soi, mais difficiles à exposer". L'intelligence tactique réside dans la capacité de trouver la formulation politique correcte pour dénoncer le système politique et le modifier. Pire encore obscurcir partiellement la question en ne disant qu’une partie de la réalité ou de façon contradictoire avec ses conséquences en termes de propagande, serait tout simplement une étape dangereuse vers le plus petit dénominateur commun qui pourrait emmener au bord de l'opportunisme. Nous ne pouvons pas éviter l'isolement (si tel était le principal souci, ce qui, en soi, ne devrait pas faire partie du terrain d'une organisation révolutionnaire) en édulcorant les positions politiques. Dans le cas contraire ce serait courir le risque d’être à la queue des masses, de leur arriération politique et d’être en retard politiquement tout en restant coincé d'abord avec un seul pied, puis une jambe et, en fin, avec l'ensemble du corps. L’intelligence tactique c’est autre chose pour rendre une politique compréhensible avec des moyens de communication nécessaires et une analyse correcte avec les slogans en conséquence, et avec une ligne politique correcte qui implique de ne pas changer au gré du temps avec des contradictions, la confusion aux limites de l'opportunisme.

FD - Dimanche 12 Juillet 2015
Monday, August 10, 2015