Thèses sur les tactiques communistes dans les pays de la périphérie capitaliste

Préambule

Avec la domination universelle du capital sur la société, le prolétariat est devenu une classe universelle. Ceci est confirmé par les deux caractéristiques fondamentales du terme “prolétariat”: une classe en soi et une classe pour soi.

En tant que classe en soi - c’est-à-dire, élément variable du capital dans le processus de production et de reproduction - le prolétariat suit le destin du capitalisme international. À cette époque avancée de l’impérialisme, ce destin a maintenant été atteint: la domination absolue dans chaque coin de la planète. En tant que classe pour soi - l’adversaire historique de la classe qui a le contrôle du mode de production capitaliste - le prolétariat ne pourra faire valoir son propre programme d’émancipation qu’à l’échelle internationale.

Le socialisme est international ou il n’est pas. Depuis plus de soixante-dix ans la Gauche communiste (spécialement la Gauche italienne) a défendu le principe fondamental du mouvement communiste dans ses luttes contre l’assaut contre-révolutionnaire dont le point de départ idéologique est l’illusion du “socialisme dans un seul pays”.

L’hypothèse de construire le socialisme dans un seul pays trahissait le cadre méthodologique et les acquis scientifiques du marxisme mais devait être employée pour justifier la construction économique de l’URSS, après la guerre et la révolution, sur la base nationale du capitalisme d’État. Une telle reconstruction capitaliste a été rendue possible parce que la révolution avait éliminé la faible structure économique bourgeoise de la propriété privée classique et elle fut facilitée par l’échec de la vague révolutionnaire des années 20.

Avec l’existence du prolétariat et de ses perspectives historiques, reflétant la domination internationale du capital, vient le programme unique du prolétariat.

Ainsi, une classe, un programme! Concrètement, cela signifie que nous rejetons l’idée que le prolétariat devrait agir aux côtés d’autres classes ou d’accepter d’autres programmes pour développer des phases économiques ou pour établir une société ou un État quelque part entre l’ordre bourgeois actuel et la future dictature du prolétariat - qui est l’instrument pratique et indispensable de la construction du socialisme.

À partir de ce principe méthodologique découle une autre question importante à laquelle le mouvement communiste international doit donner une réponse claire pour éliminer toute ambiguïté. La distinction entre un programme maximum ou minimum a-t-elle un sens?

Cette distinction entre les deux programmes fut un trait caractéristique de la seconde Internationale. En se concentrant sur le programme minimum les organisations de la seconde Internationale ont repoussé toute perspective de réaliser le programme maximum (c’est-à-dire, le pouvoir prolétarien et l’édification du socialisme) premièrement en le mettant de côté et par la suite en le trahissant ouvertement.

La III Internationale n’a pas réussi à résoudre ce problème. Quoique son programme et sa plateforme étaient ceux de la révolution socialiste - opposés en paroles et en actes aux idées réformistes et à la médiation avec les forces de la bourgeoisie - l’Internationale n’a pas réussi à établir une thèse claire et définitive à ce sujet.

C’est la tâche du mouvement communiste international actuel de résoudre cette vieille ambiguïté, en déclarant clairement que le Parti communiste n’a qu’un seul programme: la dictature du prolétariat pour l’abolition du mode de production capitaliste et la construction du socialisme.

C’est ce qui distingue le Parti communiste de tous les autres partis et des organisations petites bourgeoises, et même du reste du “camp prolétarien” qui n’a aucune perspective sur le résultat final du mouvement de classe prolétarien. En défendant et en poursuivant ce programme, le prolétariat peut assurer la création de son instrument politique indispensable.

Les tactiques particulières du Parti communiste peuvent être adaptées de temps à autre pour des situations spécifiques mais doivent être subordonnées à l’ensemble des objectifs programmatiques.

Dans tous les cas, les objectifs partiels, contingents et tactiques ne peuvent être assimilés aux objectifs programmatiques du Parti communiste. Ceci revient à dire qu’ils ne peuvent pas et ne doivent en aucun cas faire partie du programme communiste.

Toute dérogation à ce principe mène inévitablement à de sérieuses erreurs. Pour clarifier ce point à l’aide d’un exemple simple, abordons la question des organisations de base du prolétariat. La centralisation nationale et internationale des conseils ouvriers sur la base de leur unité territoriale et productive; l’établissement des besoins sociaux; la gestion de la production qui en découle et le contrôle de son organisation, etc. - tout ceci est dans le programme communiste. D’autre part, le programme communiste ne comprend pas - cela étant une tactique communiste - la libération de la classe ouvrière du carcan syndical par son organisation autonome à l’endroit de travail et/ou territorial d’assemblées, coordonnées et centralisées par des délégués élus et révocables.

Voici un autre exemple: bien que le temps nous ait appris que le suffrage universel et la démocratie (obtenues en Europe de l’Ouest) ne sont plus des objectifs stratégiques, cet héritage de la seconde Internationale demeure un legs important dans toute les organisations de gauche, extra parlementaires y compris, qui interprètent tout ce qui est démocratique comme objet de leurs attentions et/ou de leur solidarité inconditionnelle.

Lorsque nous définissons les lignes générales tactiques de la politique communiste pour les pays en périphérie nous devons d’abord tenir compte des nouvelles formes de l’opportunisme réformiste qui se prétend “révolutionnaire” et assigne des tâches programmatiques arriérées et inférieures au Parti communiste et de ce fait remplace le programme communiste par un programme bourgeois.

À moins que le programme ne soit communiste, les cadres et l’organisation dans son ensemble ne peuvent suivre la ligne communiste. En réalité, une fois que le programme va à l’encontre de la ligne d’action communiste pour le mouvement et durant la lutte, alors l’organisation ne suivra que plus aisément une direction non communiste.

Thèse no 1

La foule de définitions données aux pays en dehors des métropoles impérialistes (“pays en voie de développement”, pays sous-développés, pays dominés, etc.) reflète l’éventail des réponses idéologiques de la bourgeoisie et de la petite bourgeoisie au problème de définir leur situation dans le cadre global du monde contemporain.

Pays en voie de développement. Ce terme est utilisé par ceux qui, animés par une idée bourgeoise rassurante du progrès, considèrent l’ensemble des peuples comme une collectivité qui arpente la même voie de développement, chacun avec des objectifs identiques, se différenciant seulement par le temps requis pour accomplir le parcours.

Les partisans de cette définition ne tiennent surtout pas compte de l’histoire économique et sociale différentes de ces sociétés, sans parler de considérer leur rôle subordonné imposé de l’extérieur par un mode de production capitaliste qui a atteint sa phase impérialiste. Puisque leur théorie et leur méthodologie ignorent ces faits, ils produisent des rapports et des chiffres basés sur l’hypothèse (pour eux une évidence) qu’un jour un pays comme l’Ouganda sera comme l’Australie aujourd’hui.

Pays dominés. C’est la définition de ceux qui en partant de prémisses empruntées au marxisme ont développé leurs idées de façon dangereusement unilatérale. Même si ces idées sont valides en elles-mêmes (par exemple, c’est précisément la domination impérialiste qui a exercé son emprise sur l’économie de ces pays), la méthodologie mène à des conclusions erronées. Ceux qui débutent avec le concept de “pays dominés” sont conduits à établir des théories sur la libération indépendamment - au moins pour une période indéterminée - de la révolution prolétarienne. Le concept de “pays dominés” implique nécessairement des “pays dominants”. Mais une dichotomie semblable exige une classification rigide d’attributs qui sont appliqués mécaniquement pour reconnaître et distinguer les “pays dominés” des “pays dominants”. Maintenant, il est parfaitement facile de définir les États-Unis (USA) ou l’Allemagne comme des “pays dominants”, mais ce n’est pas aussi aisé pour des pays comme l’Italie ou l’Afrique du Sud.

En tenant compte des critères adoptés par les théoriciens des “pays dominés” il y a une longue liste de pays qui méritent les deux définitions (du Venezuela au Brésil, de l’Inde à la Corée du Sud, de l’Espagne à l’Afrique du Sud): ces pays sont à la fois dominés par des centres impérialistes qui y dictent des lois favorisant leurs propres investissements de capital financier et la division du travail correspondante. Mais ces pays en dominent aussi d’autres, comme ils font partie du réseau financier international et qu’ils possèdent un complexe industriel étendu et une composition organique du capital élevée.

Thèse no 2

Aucune définition ne peut donc englober la multiplicité et la complexité des phénomènes qui s’assemblent pour déterminer l’essence de ces pays. Une définition peut, et doit, exprimer en termes généraux la position que ces pays occupent en relation avec les citadelles de l’impérialisme. Ainsi, seulement l’examen attentif de n’importe lequel de ces pays pourra établir ses caractéristiques principales, comment elles affectent la dynamique sociale et économique, et conséquemment la ligne tactique pour les communistes.

Par exemple, puisque les relations sociales et économiques de l’Inde ne peuvent être considérées comme étant semblables à celles de l’Ouganda, nous avons adopté le terme “pays de la périphérie capitaliste” pour établir une distinction générale entre eux et les pays “métropolitains” tout en laissant ouverte la possibilité d’établir les différences nécessaires entre eux.

Le concept de centre et de périphérie exprime la conception marxiste de la période historique actuelle. Ayant superposé les lois du marché international et les mécanismes économiques qui s’y rattachent sur les différentes formes économiques et sociales pré capitalistes, l’impérialisme domine dans les coins les plus reculés de la planète.

Les relations de production en vigueur dans une plantation d’un pays donné peuvent ne pas être typiquement capitalistes (c’est-à-dire, une relation de travail salarié entre une main-d’œuvre libre et les propriétaires du capital et des moyens de production), mais ces plantations fonctionnent dans un marché capitaliste international et la population de ce pays vit avec ce qu’elle peut acheter dans ce marché. Ainsi, le capitalisme exerce une domination réelle sur une société qui n’a pas une structure typiquement capitaliste. Le Niger et la Malaisie, le Togo et la Colombie font ainsi partie intégrale du marché capitaliste international du monde capitaliste, mais ils sont en périphérie du système qui a son centre des pays comme les USA, l’Allemagne ou le Japon.

Jusqu’à la chute du Mur de Berlin et à l’implosion du bloc impérialiste soviétique, le monde était divisé en deux blocs dirigés par les USA et l’URSS. Les pays non-alignés (l’Inde, l’Égypte et quelques autres) purent survivre en équilibre précaire en utilisant d’une façon ou d’une autre à leur propre avantage l’antagonisme entre ces deux adversaires.

La fin du bloc soviétique a ouvert les hostilités pour le partage des dépouilles entre les pays métropolitains restants: les raisons et les conditions d’existence des “pays non-alignés” venaient de disparaître, tandis que leur situation à la périphérie demeurait identique.

Thèse no 3

Le concept de pays périphériques au système impérialiste mondial permet de détailler pays par pays, ou groupe par groupe, les éléments de base d’une analyse marxiste.

Le centre du système capitaliste attire dans son orbite ces pays par l’exportation de marchandises et de capitaux, l’importation de matières premières et de produits agricoles, et leur intégration dans le système international de la division du travail.

Au même moment, en incorporant chaque pays dans son propre cycle de reproduction et d’accumulation, le capitalisme exporte dans ces pays ses propres contradictions. En se superposant lui-même et ses lois économiques à des sociétés d’origine différente, le capitalisme impérialiste les attire directement dans son cycle d’accumulation et dans l’entrelacement de ses contradictions économiques et des antagonismes de classe. Les différents modes et relations de production rencontrés par l’impérialisme sont assujettis aux intérêts impérialistes et aux politiques qui y sont associées. Les vieilles relations économiques continuent mais avec une importance diluée, et ainsi les relations sociales et politiques traditionnelles sont également marginalisées.

En un sens, la perpétuation des relations économiques pré capitalistes et des systèmes sociaux et politiques “pré-bourgeois” était nécessaire et propice à la domination de l’impérialisme.

Nécessaire dans le sens que la superposition du capitalisme n’est pas déterminée par une volonté opiniâtre de domination sociale et politique, mais par les besoins économiques généraux du capital.

Les régions géopolitiques sous-développées sont d’abord des sources de matières premières et de main-d’œuvre bon marché et ensuite de débouchés d’investissement pour le capital (productif ou parasitaire). Ceci ne pouvait ni ne peut signifier l’embourgeoisement immédiat de cette société malgré la transformation rapide de toute activité de production, du travail en général, en des formes capitalistes.

Mais le maintien de rapports de production pré capitalistes est aussi propice à la domination du capitalisme impérialiste. D’un côté, le contraste entre les conditions de vie et de travail du prolétariat industriel et le reste des masses déshéritées assure que la classe soit divisée. D’autre part, cela signifie que les tensions sociales et politiques qui en découlent culmineront sur le terrain du progressisme bourgeois.

Ainsi, cette contradiction apparente entre le monde arriéré, pré capitaliste et un monde capitaliste international avancé trouve les raisons et les instruments de sa propre domination.

Par dessus tout, grâce au maintien des rapports patriarcaux et à la puissance des institutions politiques et administratives, en conjonction avec les rapports sociaux et civils traditionnels de ces pays, la solidité de la domination économique du capital international est assurée.

L’adaptation graduelle (ou accélérée, lorsque nécessaire) des structures sociales et des institutions politiques au schéma capitaliste conventionnel est une conséquence de la domination économique réelle du capital et de la subordination de ces pays aux lois internationales du marché capitaliste.

En conclusion, il n’y a pas de contradiction entre la domination capitaliste et le maintien de relations économiques pré capitalistes et les structures sociales qui peuvent même être une condition à cette même domination.

Thèse no 4

Le maintien des vieilles relations économiques et sociales et leur subordination aux intérêts de la domination impérialiste internationale signifient que les formations politiques et sociales des pays périphériques diffèrent de celles des citadelles métropolitaines.

Cette différence ne concerne que les couches sociales qui peuvent exister entre les deux classes fondamentales. Ce n’est pas une différence entre les classes fondamentales et historiquement antagonistes: le prolétariat et la bourgeoisie.

La diversité des structures sociales est ainsi une diversité dans les formes de la domination et de l’oppression de la bourgeoisie sur le prolétariat et sur l’ensemble des couches sociales sans pour autant nier l’existence de ces deux classes.

Il est indéniable que dans les pays comme le Niger et la Bolivie il existe des couches sociales et des classes autres que le prolétariat et la bourgeoisie. Elles constituent l’héritage des systèmes sociaux qui ont précédé la domination impérialiste. Mais cela ne signifie pas que les éventuels antagonismes contingents entre ces différentes couches sociales intermédiaires et le régime de la classe dirigeante actuelle puissent faire passer au second plan l’antagonisme historique entre le prolétariat et la bourgeoisie puisque c’est précisément cet antagonisme qui reflète la domination du capital sur la société.

Même les études économiques et sociologiques bourgeoises démontrent clairement que lorsque survivent des couches sociales et des classes différentes atypiques du capitalisme elles tendent à se désagréger, en d’autres mots, elles sont en phase de disparition. Ce qui tend à s’accroître c’est “l’ampleur de la prolétarisation des couches autrefois employées dans des économies traditionnelles de subsistance et de commerce local (voir Tendances générales de la composition de classe, Prometeo no 8, page 8).

Thèse no 5

La diversité des structures sociales, le fait que le mode de production capitaliste s’est imposé en bousculant le vieil équilibre et que la continuation de son existence est basée et se traduit par la misère croissante pour les masses de plus en plus prolétarisées et déshérités, l’oppression et la répression politique deviennent nécessaires pour les subjuguer. Tout ceci conduit à une radicalisation potentiellement plus importante de la conscience dans les pays périphériques que dans les sociétés des métropoles. Radicalisation ne signifie pas nécessairement à gauche, comme l’a démontré la recrudescence du fondamentalisme islamique suite aux soulèvements des masses appauvries (Algérie, Tunisie, Liban). La révolte réelle des masses est le résultat des conditions objectives d’hyper exploitation et est toujours et nécessairement exprimée en termes idéologiques et politiques par ceux qui ont une présence active dans une situation donnée.

En général, la domination du capital dans ces pays ne signifie pas toujours sa domination totale sur la société, et n’implique pas non plus le type de subjugation collective à l’idéologie et à la légalité capitaliste des pays métropolitains. Dans plusieurs de ces pays l’intégration politique et idéologique des individus dans la société capitaliste n’est pas encore un phénomène de masse comme dans les pays métropolitains parce que l’individu exploité, appauvri et opprimé n’est pas encore un individu/citoyen des centres capitalistes d’origine.

  • Les révolutionnaires doivent en tenir compte en établissant leurs plans d’action et d’intervention.

Les conditions sont différentes dans les pays périphériques. Ici le capital ne peut établir sa domination de la même façon que dans son berceau, les centres métropolitains.*

La démocratie bourgeoise - l’arme la plus efficace pour la préservation du capital - a une existence précaire et donc “différente” dans les pays périphériques. Ici, pas besoin de l’opium de la démocratie pour amener les masses à se soumettre mais plutôt la rigueur de la répression. Ainsi, même les demandes pour les libertés bourgeoises les plus élémentaires deviendront probablement la forme politique prise par les luttes qui sont créées par des conditions concrètes matérielles extrêmes. L’expérience sud-américaine - Salvador, Nicaragua, Mexique, Colombie - confirme cette éventualité.

Néanmoins, il est tout de même probable que la diffusion du programme communiste y sera plus facile et que le niveau d’attention reçue par les communistes révolutionnaires sera plus élevé que celui atteint au sein des sociétés capitalistes avancées.

Ces “meilleures” conditions doivent nécessairement mener à la possibilité d’organiser un plus grand nombre de militants autour du Parti révolutionnaire comparativement aux pays des métropoles.

Thèse no 6

La possibilité que des organisations de masse dirigées par des communistes n’est pas la même chose que la direction révolutionnaire des syndicats. Ceci n’implique pas non plus la conversion du Parti communiste en parti de masses.

Cela signifie plutôt l’opportunité pour le Parti communiste d’organiser de puissants groupes territoriaux et d’entreprise comme instruments d’agitation, d’intervention et de lutte.

Même dans les pays périphériques, les syndicats - organismes qui négocient les prix et les termes de vente de la force de travail - conservent les caractéristiques générales et historiques de tous les syndicats. De plus, comme le démontre une expérience récente en Corée, les syndicats agissent comme négociateurs des intérêts du capital envers la classe ouvrière.

Ainsi, même si les syndicats demeurent un des endroits où les communistes agissent, interviennent, font de la propagande et de l’agitation, ils ne peuvent être - et ils ne seront jamais - des instruments pour un assaut révolutionnaire.

Donc ce n’est pas la direction des syndicats qui intéresse les communistes, mais la préparation - en dedans et en dehors - de leur dépassement, qui est atteint par les organisations de masse du prolétariat qui se préparent à l’assaut du capitalisme.

Les militants communistes organisés en parti sont la force motrice et avant tout l’avant-garde politique dans la formation d’organismes de lutte de masse et par la suite de la lutte pour la conquête du pouvoir. Le parti ne sera que plus puissant lorsqu’il aura appris à organiser les instruments appropriés à travers les régions où il a une influence directe.

Pour ces raisons, même dans les pays périphériques il est possible d’organiser des groupes territoriaux communistes.

Territoriaux parce qu’ils rassemblent les prolétaires, les semi prolétaires et les plus déshérités sous l’influence directe du Parti communiste; communistes parce que justement dirigés selon les lignes communistes; concrètement cela signifie qu’ils seront animés et guidés par des membres du Parti et par des organisations du Parti.

Thèse no 7

La “bourgeoisie nationale” de chaque pays périphérique n’est nationale que par le certificat de naissance de ses membres et par le type particulier des institutions politiques oppressives qu’elle accorde à sa propre section “nationale” du prolétariat. Mais la bourgeoisie des pays périphériques fait partie de la bourgeoisie internationale qui domine le système d’exploitation dans son ensemble parce qu’elle est en possession des moyens de production sur une échelle internationale. En tant que tel, chaque section nationale de la bourgeoisie participe avec une responsabilité égale et partage le même destin historique dans la division de la plus value qui est extorquée internationalement du prolétariat.

Nous employons délibérément les termes “en possession” des moyens de production et non “propriétaire” parce que ce terme implique une forme juridique particulière de la propriété qui peut prendre plusieurs formes jusqu’à ce qu’elle soit niée. Il est d’une importance fondamentale de remarquer que la propriété formelle de l’État des moyens de production a) n’élimine pas les relations de l’exploitation capitaliste; b) n’élimine pas l’existence de la classe qui s’approprie matériellement la plus value produite.

Dans plusieurs pays périphériques en particulier, les quelques industries qui ne sont pas la propriété de multinationales sont légalement la propriété de l’État. Ceci ne change en rien le fait que la classe capitaliste existe et qu’elle reçoit de l’État une large portion de la plus value produite par ces industries sous la forme d’intérêts dans leur compte de banque, et qu’elle participe avec son capital financier aux spéculations du capital international à travers le monde.

De plus, dans plusieurs pays périphériques les capitalistes qui possèdent des plantations et des domaines agricoles (où les relations pré capitalistes existent souvent) dédiés à la monoculture pour l’exportation, en retirent des profits gigantesques, n’investissent même pas dans la production industrielle de leur propre pays (malgré les théories mystificatrices du développement industriel) et participent en lieu et place à la circulation du capital financier dans le marché international. En fait, ils investissent dans des banques et des institutions internationales de crédit - ou dans les obligations de crédit locaux ou d’autres pays - qui à leur tour opéreront dans le domaine de la production industrielle où la rentabilité est plus élevée et où le champ d’opération est l’ensemble de la planète.

Cette “bourgeoisie nationale” n’est pas plus intéressée à s’éloigner du sous-développement et de la domination de l’impérialisme que la bourgeoisie américaine. Les divergences entre la bourgeoisie d’un pays périphérique et la bourgeoisie métropolitaine concernent la façon de se répartir la plus value et l’importance du poids des taxes à payer avant de déposer sa part de butin à la banque. Ces divergences et conflits ne concernent pas, et ne concerneront pas, la substance de la relation d’exploitation entre le travail et le capital. Au contraire, ils ne se défendront que mieux ensemble face au danger représenté par le prolétariat.

La nature périphérique de ces pays donne un caractère périphérique à leurs bourgeoisies respectives en rapport aux concentrations des capitaux métropolitains. Cela a comme conséquence une forme de subordination de l’un envers l’autre et donc une tendance naturelle pour chaque bourgeoisie de chercher à redéfinir sa propre position en modifiant ou en renversant les rôles. De toute façon, ces rôles impliquent toujours l’exploitation du prolétariat.

Thèse no 8

Les sections de la “bourgeoisie nationale” qui à cause de leur faiblesses économiques résultant de différents facteurs, ne sont toujours pas directement impliquées dans les cercles internationaux du capitalisme, ou qui ne participent pas encore directement à l’exploitation conjointe du prolétariat international, revendiquent souvent leur place à la table de partage. De telles demandes peuvent bien sûr prendre la forme d’opposition à la relation de domination économique et politique que le capital métropolitain a établi sur ces pays. Mais cette opposition ne peut être confondue avec l’antagonisme historique entre le prolétariat et la bourgeoisie. Elle ne peut non plus être utilisée en aucun cas sous forme d’alliance de classe dans la lutte du prolétariat contre le capital et les centres impérialistes.

De cette opposition entre les deux sections, les frictions et les désaccords peuvent être utilisés, mais cela ne signifie nullement une alliance, même temporaire, avec un côté ou l’autre. Plutôt ces divergences internes au sein de la bourgeoisie internationale peuvent faciliter la lutte du prolétariat - dans le sens de l’affaiblissement relatif d’un ennemi lors de certaines situations historiques. Mais seulement les opportunistes contre-révolutionnaires peuvent croire que la tactique du prolétariat devrait consister en une alliance avec une partie de l’ennemi de classe dans le but défaire l’ensemble de la classe ennemie. De telles “tactiques” ne sont pas autre chose que l’asservissement du prolétariat aux intérêts d’une section de la bourgeoisie; elles font partie de toute la dynamique de renforcement et d’auto préservation du mode de production capitaliste.

Ce qui est arrivé au Nicaragua et ce qui est en train de se produire au Chiapas au Mexique démontre qu’une fraction de la bourgeoisie est prête à utiliser tous les moyens nécessaires pour canaliser la colère des défavorisés et des masses opprimées afin de servir ses propres intérêts. Les masses se trouvent ainsi sujettes à une nouvelle oppression, avec un groupe d’exploiteurs qui en a remplacé un autre.

Thèse no 9

À l’époque de l’impérialisme, les tactiques prolétariennes excluent absolument toute forme d’alliance, même temporaire, avec toute section de la bourgeoisie. Une politique prolétarienne ne reconnaît aucune fraction de la bourgeoisie comme “progressiste” ou “anti-impérialiste”, arguments qui ont été utilisés plusieurs fois à travers l’histoire pour justifier des tactiques de front uni.

Même si les Thèses sur les questions nationales et coloniales du 2e Congrès de l’Internationale communiste déclarent:

... la pierre angulaire de la politique de l'Internationale Communiste, dans les questions coloniale et nationale, doit être le rapprochement des prolétaires et des travailleurs de toutes les nations et de tous les pays pour la lutte commune contre les possédants et la bourgeoisie.

Thèse no 4

Lorsqu’ils arrivent aux rapports réciproques entre l’Internationale communiste et le mouvement révolutionnaire dans les pays arriérés et dominés, elles affirment:

Pour défaire le capital international, lors des premiers pas vers la révolution dans les colonies, la collaboration d’éléments bourgeois nationalistes révolutionnaires est utile.

Thèses supplémentaires sur les questions nationales et coloniales, 2e Congrès de l’Internationale communiste, le 28 juillet 1920

Ainsi - comme il est universellement reconnu par tous les courants qui se réfèrent d’une façon ou d’une autre à la 3e Internationale, ces thèses affirment clairement la nécessité d’une alliance prolétarienne ou d’une collaboration avec les forces nationales de la bourgeoisie révolutionnaire. C’est Lénine qui a clarifié les idées directrices des Thèses pendant le Congrès lui-même.

Premièrement:

En premier lieu, quelle est l'idée essentielle, fondamentale de nos thèses? La distinction entre les peuples opprimés et les peuples oppresseurs.

Lénine, Rapport de la commission nationale et coloniale, Oeuvres complètes, volume 31

Deuxièmement:

La deuxième idée directrice de nos thèses est que, dans la situation internationale d'aujourd'hui, après la guerre impérialiste, les relations réciproques des peuples et tout le système politique mondial sont déterminés par la lutte d'un petit groupe de nations impérialistes contre le mouvement soviétique et les États soviétiques, à la tête desquels se trouve la Russie des Soviets. Si nous perdons cela de vue, nous ne saurons poser correctement aucune question nationale ou coloniale, quand bien même il s'agirait dit point le plus reculé du monde.

Lénine, op. cit.

Troisièmement:

En troisième lieu, je tiens à attirer tout particulièrement l'attention sur la question du mouvement démocratique bourgeois dans les pays arriérés. Cette question, précisément, a provoqué certaines divergences. Nous avons discuté pour savoir s'il serait juste ou non, en principe et en théorie, de déclarer que l'Internationale Communiste et les partis communistes doivent soutenir le mouvement démocratique bourgeois des pays arriérés; cette discussion nous a amenés à la décision unanime de remplacer l'expression mouvement “démocratique bourgeois” par celle de mouvement national révolutionnaire.

Lénine, op. cit.

La première “idée directrice” répond aux critères propagandistes, mais n’est pas acceptable en termes de ligne de principe. La division entre peuples opprimés et oppresseurs est un leurre. D’un côté elle présume que le prolétariat métropolitain fait partie des oppresseurs, de l’autre elle introduit le concept que la bourgeoisie des pays périphériques est opprimée tout comme le prolétariat de ces mêmes pays.

La seconde “idée directrice” est celle, centrale, qui permet justement dans la formulation qu’en fait Lénine de saisir l’esprit global des Thèses. Ceci, mis à part les erreurs méthodologiques mentionnées précédemment, signifie que le nœud du problème est essentiellement laissé sans solution.

En fait, dans le même discours Lénine a clarifié la perspective:

Si le prolétariat révolutionnaire victorieux mène parmi eux une propagande systématique, si les gouvernements soviétiques les aident par tous les moyens à leur disposition, on aurait tort de croire que le stade de développement capitaliste est inévitable pour les peuples arriérés. Dans toutes les colonies dans tous les pays arriérés, nous devons non seulement constituer des cadres indépendants de militants, des organisations du parti, non seulement y poursuivre dès maintenant la propagande en faveur de l'organisation des Soviets de paysans, en nous attachant à les adapter aux conditions précapitalistes qui sont les leurs, mais encore l'Internationale Communiste doit établir et justifier sur le plan théorique ce principe qu'avec l'aide du prolétariat des pays avancés, les pays arriérés peuvent parvenir au régime soviétique et, en passant par certains stades de développement, au communisme, en évitant le stade capitaliste.

Lénine, op. cit.

L’Internationale n’a ni établi ni même développé théoriquement une telle thèse, mais il était évident que l’idée derrière les thèses du 2e Congrès était d’unir les mouvements de libération nationaux aux côtés des travailleurs de l’État russe et de l’Internationale elle-même. Ceci faisait partie d’une stratégie globale (soutien économique et politique, etc.) qui visait à les garder détachés de l’orbite de l’impérialisme mondial et ainsi aider à l’avancement du socialisme. Le fait même d’être économiquement aidé par l’État de la dictature du prolétariat (la Russie soviétique et possiblement d’autres états avancés où la révolution aurait été victorieuse) et ensuite matériellement soutenus dans la lutte contre l’impérialisme, en aurait fait des forces réellement anti-impérialistes dans la stratégie globale de la révolution socialiste internationale. Le positionnement stratégique, bien que fondé sur l’usage aberrant de termes tel que “peuples” et “pays”, pouvait apparaître valide, c’est-à-dire, efficace. En réalité ce n’était pas le cas, même dans le sens immédiat, comme l’a démontrée la tactique employée en Turquie.

Ce qu’a soutenu Lénine est vrai: sans tenir compte de l’existence de la Russie soviétique en lutte avec les États capitalistes, la question nationale ne peut être correctement posée.

Il ne faut pas oublier qu’au moment où se tenait le 2e Congrès de l’Internationale tous tenaient pour acquis l’imminence d’une révolution prolétarienne, tout au moins en Europe. Cet espoir, qui serait bientôt amèrement balayé, a inspiré Lénine à développer cette tactique extrême d’admettre des alliances temporaires avec les bourgeoisies nationales en lutte contre les États capitalistes européens. Cela aurait ouvert un front supplémentaire pour le combat contre le capitalisme occidental qui serait rapidement devenu des adversaires affaiblis face au progrès du socialisme - les pays arriérés “sautant” ainsi carrément au stade capitaliste.

Cette conviction que la révolution en Europe était imminente ajoutée à la perspective tactique audacieuse de Lénine explique de façon cohérente la “troisième idée guide” des thèses du congrès.

Au 2e Congrès, la discussion commencée en commission entre les thèses de Lénine et celles de l’Indien Roy (qui insistait sur la distinction entre le mouvement bourgeois démocratique national et “la lutte des paysans sans terre contre toutes les formes d’exploitation”) se termina par l’utilisation d’un échappatoire verbal. L’expression “bourgeoisie démocratique” originalement utilisée par Lénine en parlant des mouvements de libération nationaux a été remplacée par “bourgeoisie révolutionnaire”. À la suite de cette discussion c’est Lénine lui-même qui en vint à dire qu’il fallait ...remplacer presque partout l'expression “démocratique bourgeois” par celle de “national révolutionnaire”. Dans le même discours Lénine reconnaît implicitement qu’il n’est peut-être pas correct de dire que sur le plan des principes l’Internationale et les partis communistes doivent appuyer le mouvement démocratique bourgeois. Mais l’urgence “unanimement” reconnue était de lier ces mouvements d’une façon ou d’une autre au processus révolutionnaire que tout le monde croyait en plein essor dans les pays avancés. De nouveau, Lénine lui-même demanda à l’Internationale des études théoriques plus poussées à ce sujet. La révolution internationale n’a pas eu lieu. L’Union soviétique développa sa politique nationaliste sur la base du capitalisme d’État et développa ses politiques internationales et celles de l’Internationale communiste selon ses propres intérêts.

Le 3e Congrès a pratiquement ignoré le sujet. Au 4e Congrès, les pires éléments des thèses ambiguës du 2e Congrès commencèrent à se consolider. Tout cela laissait entrevoir la tragédie chinoise, le développement du “léninisme” en dogme et le soutien à tout mouvement national qui pouvait être utile de quelque façon que ce soit aux intérêts russes.

Ce qui a commencé comme une théorie fragile, comme une perspective politique ambiguë, s’est transformée en une théorie de soutien à une politique de maintien de l’impérialisme. Mais le problème qui avait été posé demeurait sans réponse théorique: À l’époque de l’impérialisme et dans les pays où le capitalisme est “importé”, est-ce que la bourgeoisie nationale joue un rôle révolutionnaire qui peut d’une façon quelconque être inclus dans la stratégie révolutionnaire du prolétariat international? En pratique la réponse à une telle question s’est avérée un “Oui” opportuniste, au mépris des thèses plus valides de Lénine sur l’impérialisme telles qu’exprimées dans L’impérialisme, stade suprême du capitalisme. Ces thèses de fait disent “Non”. La bourgeoisie nationale des pays arriérés est telle parce que justement liée par mille fils aux impérialistes centraux et à leurs opérations mondiales au niveau financier, industriel et politique. Sa croissance ne peut donc se faire qu’à l’intérieur de l’ensemble de la dynamique impérialiste et non pas contre celle-ci. Les conflits qui se développent sur tel ou tel front, avec tel ou tel pays impérialiste, ne sont pas des conflits de classe mais sont des luttes à l’intérieur du mécanisme capitaliste et sont cohérentes avec sa logique.

Les “révolutions nationales” sont donc destinées à se terminer sur le terrain de l’équilibre entre les pays impérialistes, font partie de la configuration des États et des gouvernements capitalistes et sont liés à tel ou tel front de l’impérialisme.

De fait la Russie a longtemps été un de ces centres impérialistes.

Thèse no 10

Les communistes internationalistes considèrent comme des ennemis directs ces organisations politiques bourgeoises et petites bourgeoises qui, au nom du progrès, du développement économique ou de la démocratie politique, prêchent ou tentent d’atteindre une alliance entre le prolétariat et la bourgeoisie; et qui conséquemment prônent la paix sociale et le report de la lutte de classe prolétarienne.

Nous repoussons donc toute forme d’alliance ou de front uni, même temporaire, pour atteindre des phases intermédiaires hypothétiques entre la situation actuelle de la domination capitaliste et la dictature du prolétariat. Dans le cas où des mouvements donneraient naissance à de soi-disant “nouvelles démocraties” ou des régimes ou gouvernements de “démocratie révolutionnaire”, les communistes internationalistes mettront de l’avant le véritable programme communiste et joueront un rôle révolutionnaire authentique.

Des forces existent qui, tout en protestant qu’ils s’opposent au type de léninisme que nous venons d’examiner, maintiennent la nécessité d’appuyer les sections “révolutionnaires” de la bourgeoisie et de la petite bourgeoisie pour établir une sorte d’État intermédiaire entre l’État démocratique bourgeois et la dictature du prolétariat. Ils justifient leurs tendances opportunistes en s’appuyant sur la théorie que le prolétariat ne serait pas prêt, en raison de l’état subjectif de son développement et du déséquilibre des rapports de classes existantes, à assumer son rôle révolutionnaire autonome avec sa dictature de classe. Mais:

  • Le manque de préparation hypothétique du prolétariat pour assumer son rôle historique ne justifie pas une alliance avec l’avant-garde politique avec les forces bourgeoises. Une telle alliance non seulement ne facilite pas le développement révolutionnaire du prolétariat, mais est carrément un obstacle.
  • Si un État qui a surgi de mouvements sociaux et insurrectionnels n’est pas une dictature du prolétariat, il s’agit d’un État bourgeois. Cet État ne permettrait pas d’améliorations aux conditions de vie du prolétariat sauf pour maintenir la paix sociale. Même dans ce cas, il exigerait en retour la fin de la lutte de classe pour garantir des niveaux de production suffisants pour permettre aux entreprises individuelles et à l’économie dans son ensemble la survie du pays dans le marché capitaliste international. Il est sans équivoque qu’une telle politique est contre les intérêts autant de la classe ouvrière nationale que ceux du prolétariat international, et que toutes les tendances politiques impliquées dans l’administration et la direction de cet État en porteraient la responsabilité.
  • Cette soi-disant “immaturité” du prolétariat qui l’empêche d’agir de façon autonome signifie que toute alliance avec les sections “démocratiques” ou “révolutionnaires” de la bourgeoisie implique sa subordination à cette même bourgeoisie. En d’autres mots, il est impossible pour toute tendance prolétarienne d’influencer ce régime “intermédiaire” de l’intérieur sans abandonner ses tâches politiques révolutionnaires et donc de trahir sa classe. Soit le prolétariat est assez vigoureux pour mener à bien sa propre révolution ou alors il est subjectivement et objectivement trop faible pour le faire. Dans ce cas ses organisations politiques doivent travailler à le renforcer par la lutte de classes contre l’État bourgeois, de toutes les façons possibles.
  • La thèse opposée - l’idée que les organisations politiques prolétariennes peuvent développer les conditions pour la révolution à l’intérieur de la structure même de l’État bourgeois - nous ramène aux formulations étapistes, essentiellement réformistes de la seconde Internationale et au pire national-communisme. Peu importe combien de mots ou de phrases révolutionnaires sont criées, les organisations opportunistes qui soutiennent ces idées seront dévoilées comme contre-révolutionnaires sur les points politiques cruciaux et dans le cours du mouvement insurrectionnel vivant des pays périphériques.
  • La tâche principale des organisations communistes internationalistes est la préparation politique et organisationnelle pour l’assaut de classe contre le capitalisme à l’échelle nationale dans chaque pays où elles opèrent. Ceci est basé sur la stratégie qui comprend que seul le prolétariat international est capable de renverser le pouvoir capitaliste et de construire une société socialiste. Ainsi, ces organisations ne peuvent concevoir de plan tactique qui prévoie des stades intermédiaires dans le processus révolutionnaire vers la dictature du prolétariat dans un pays donné et qui ignore la balance internationale des rapports de classe. Dans une situation qui est encore défavorable internationalement le seul stade “intermédiaire” (qui lui demeure permanent) est la lutte de classes. Mais il ne manquera pas de conditions plus favorables dans les rapports internationaux de classe - dans le sens que la bourgeoisie trouvera sur son chemin un prolétariat puissant qui le confronte lui et son appareil impérialiste. Alors les organisations politiques prolétariennes devront s’imposer d’adopter des tactiques offensives dans le but d’édifier la dictature du prolétariat.

Thèse no 11

Dans les pays périphériques les communistes internationalistes n’incluent pas dans leur programme un régime qui garantit les libertés fondamentales et des formes de vie démocratique. Leur but est d’établir la dictature du prolétariat qui va au-delà des libertés bourgeoises en donnant au prolétariat, organisé en conseils ouvriers, la tâche d’émanciper toute la société des chaînes du capital.

Ils se feront les défenseurs les plus décidés et les plus consistants de la liberté. Ainsi, ils démasqueront les organisations bourgeoises et petites-bourgeoises qui font campagne pour un régime démocratique bourgeois tout en se préparant à le renier par la suite - pour les meilleurs intérêts de la domination capitaliste dans les pays avancés. Ceci est la mise à jour d’une devise révolutionnaire traditionnelle: retourner les réformes contre les réformistes.

Thèse no 12

Lorsqu’ils font face à toute persistance du mouvement nationaliste, les mouvements communistes font la distinction entre l’expression nationaliste du mouvement et ses racines profondes. Elles peuvent être identifiées par l’oppression sévère et la profonde pauvreté que l’occupation étrangère ou la domination directe engendre pour les masses.

Sur la base de cette distinction, les communistes dénoncent le caractère bourgeois du nationalisme et son incapacité à résoudre les problèmes de pauvreté et de surexploitation qui accablent les masses prolétariennes et les démunis de la région. Pour soutenir cette accusation les communistes internationalistes doivent agir à l’intérieur de la lutte concrète des masses contre l’oppression et la surexploitation en harmonie avec les demandes générales de la classe ouvrière. Le travail d’agitation, de propagande et de lutte politique autour de ces questions mènera à l’accentuation du caractère de classe du mouvement de lutte et conséquemment à son unité fondamentale avec la lutte du prolétariat des pays du centre.

Les mouvements de masse nationaux ne sont pas le résultat de la simple existence d’organisations nationalistes bourgeoises. Au contraire, ils sont dus à la large volonté de lutte des masses opprimées, démunies et surexploitées que le nationalisme bourgeois utilise dans sa propagande et ses tentatives d’en prendre la direction.

Les programmes des organisations nationalistes bourgeoises proclament que la seule solution aux problèmes dramatiques des masses est la conquête de leur propre identité nationale et une base territoriale qui garantirait l’égalité des droits, la liberté de mouvement et les libertés démocratiques bourgeoises en général. Selon eux, cela suffirait à assurer le développement et la prospérité pour tous et toutes.

De cette façon, ils lient à leurs politiques les couches sociales et politiques qui veulent lutter contre l’impérialisme. Elles nourrissent ainsi l’illusion que la libération nationale, ou même la poursuite d’objectifs nationalistes, permet de miner les bases de l’impérialisme et son affaiblissement général par rapport aux forces de la révolution.

La solution nationale ne règle en rien les problèmes qui motivent les mouvements de masse dans ces pays:

  • Avec la création d’un État bourgeois national la double exploitation qui a mené les masses à la lutte continue. Elle ne prend plus les formes claires de la domination économique et de l’exploitation de forces d’occupation ou de domination politique directe et de l’exploitation de capitalistes agissant au nom du capital - elle prend maintenant la forme de l’exploitation des masses ouvrières et paysannes qui revêt les habits d’un capital national. Cependant, il continue à obéir aux lois de la division internationale du travail et du marché international du capital financier.
  • Jusqu’à présent, la création de chaque État national est survenue avec le soutien et le patronage d’un des fronts impérialistes. Ils n’ont jamais miné les bases de l’impérialisme ni modifié la balance des rapports de classe en faveur du prolétariat international. L’implosion et l’effondrement d’un de ces fronts (celui de l’Union soviétique) et la situation actuelle de redistribution des cartes parmi les centres métropolitains n’altèrent en rien la structure générale. (Pour le moment il est suffisant de remplacer les termes “un des fronts impérialistes” par les termes “un des centres métropolitains”.) Au contraire, l’union des masses sous la bannière du nationalisme et derrière des leaders politiques nationalistes renforce la domination impérialiste en retirant des sections nationales entières de la classe prolétarienne de son rôle d’antagonistes du capital. Ceci est d’autant plus vrai, quand chaque aspect du mouvement de masse devient subordonné aux objectifs nationalistes, ne laissant aucune place et droits au prolétariat de combattre les capitalistes et l’exploitation de la bourgeoisie immédiate.
  • Puisque la solution nationale en elle-même - la création d’un État, démocratique ou non -implique un conflit avec la puissance qui occupait ou qui dominait précédemment, elle favorise les ennemis de cette puissance au niveau de la compétition impérialiste pour la division du monde en zones d’influence économique et politique. Le départ d’un État de la périphérie d’une métropole, tandis qu’il affaiblit cette dernière, renforce un adversaire qui admet dans son orbite un nouvel État.

Thèse no 13

Par conséquent les organisations communistes dans les pays où il existe “une question nationale” n’utilisent aucune revendication nationaliste dans leur agitation et leur propagande. Ils reprendront plutôt les problèmes fondamentaux dans leur slogans et leurs orientations pour la lutte, en les liant à la situation concrète des masses opprimées et en démontrant que les nationalistes bourgeois les utilisent pour parvenir à leurs fins contre révolutionnaires.

Aux prolétaires et aux déshérités à qui l’occupation étrangère apparaît comme la cause de tous leurs maux, les communistes ne préconiseront pas la conquête d’un État national mais la conquête de conditions de vie et de travail plus humaines; l’unité de classe avec les prolétaires de tous les pays vers l’objectif commun de la dictature du prolétariat et du socialisme international.

Ceci est d’autant plus vrai et important dans les situations où le nationalisme dégénère dans le localisme le plus rustre et le plus réactionnaire comme cela a été le cas des divers groupes scissionnistes insensés qui ont causé la désintégration de la Yougoslavie. En fait, ce n’est même pas l’”oppression étrangère” qui fait l’objet de cette démagogie belliqueuse mais la minorité ethnique locale. De la façon la plus réactionnaire qui soit, tout ce qui est différent devient l’ennemi - la pauvreté extrême, la richesse, la langue ou la religion. Dans ce type de situations, où l’idéologie obscurantiste a déjà remplacé les plus élémentaires principes de solidarité de classe, il est d’autant plus nécessaire - même si cela est beaucoup plus difficile - de réaffirmer ces principes de base de la solidarité de classe. C’est la pré condition essentielle pour la renaissance du mouvement communiste révolutionnaire.

Publié par le BIPR, Milan 25-27 avril1997. Traduction révisée, Montréal - juillet 2009