140 ans de la Commune. La commune n’est pas morte!

Publier l’article suivant de la revue Bilan (revue du courant de la Gauche communiste italienne) nous permet de revenir sur un certain nombre de questions qui portent sur la période révolutionnaire.

A l’heure où il est de bon ton de la part des «Indignados» de prôner la non-violence et le pacifisme, il est nécessaire de rappeler que la bourgeoisie ne se laissera pas déposséder de son pouvoir sans réagir et sans faire subir encore

un douloureux calvaire (au) prolétariat [… qui] passera par un massacre [… comme celui des] ouvriers russes [… et] fera pâlir les hécatombes des bourreaux versaillais.

Bilan

Les ouvriers et les révolutionnaires ne doivent pas se faire d’illusions, c’est par le sang et par le feu qu’ils devront renverser l’ordre capitaliste. Et ce n’est pas parce que son économie vacille que nous en aurons fini avec cette bête immonde qui nous entraîne toujours plus dans la misère, le chômage et la guerre.

En commémorant les insurgés de 1871 nous n’affirmons donc pas une simple reconnaissance de ceux qui, par leur lutte héroïque montrèrent la direction vers laquelle se dirige le prolétariat, mais nous considérons ce moment comme une source d’enseignements.

Bilan

La Commune a appris aux révolutionnaires et aux prolétaires russes. A nous aujourd’hui de tirer tous les enseignements de la Commune russe d’Octobre. Nous savons aujourd’hui que tout le pouvoir doit rester aux conseils ouvriers, il ne doit pas être remis à certains spécialistes ou révolutionnaires même s’ils sont remplis des meilleures intentions du monde. Les enseignements d’Octobre sont fondamentaux. De même, il faut avec intransigeance affirmer qu’on ne tire jamais sur des ouvriers même s’ils se trompent. Il nous faut, en effet, bannir tout nouveau Kronstadt. On ne fera jamais la révolution à la place de la classe ouvrière. Répétons la phrase de Marx du Manifeste du parti communiste de 1948 «L'émancipation des travailleurs sera l'oeuvre des travailleurs eux-mêmes» et nous rajoutons ou elle ne le sera pas autrement.

Une des mesures fondamentales de la Commune a été soulignée par Marx.

La Commune se débarrasse totalement de la hiérarchie politique et remplace les maîtres hautains du peuple par des serviteurs toujours révocables, remplace une responsabilité illusoire par une responsabilité véritable, puisque ces mandataires agissent constamment sous le contrôle du peuple. Il sont payés comme des ouvriers qualifiés (1).

Il ne doit pas y avoir de sursalaires! La deuxième consiste dans la destruction de l’État bourgeois; Marx va plus loin en affirmant qu’elle a détruit tout État quel qu’il soit.

Ce pouvoir d’État est, en fait, la création de la bourgeoisie; il fut l’instrument qui servit d’abord à briser le féodalisme, puis à écraser les aspirations des producteurs, de la classe ouvrière, vers leur émancipation.
Toutes les réactions et toutes les révolutions n’avaient servi qu’à transférer ce pouvoir organisé - cette force organisée pour maintenir en esclavage le travail - d’une main à une autre, d’une fraction des classes dominantes à une autre. Il avait été pour les classes dominantes un moyen d’asservissement et de lucre. Il avait puisé des forces nouvelles dans chaque changement nouveau. Il avait servi d’instrument pour briser tout soulèvement populaire, pour écraser les classes laborieuses après qu’elles eurent combattu et reçu l’ordre d’assurer le transfert de ce pouvoir d’un groupe de ses oppresseurs à un autre groupe.
Ce ne fut donc pas une révolution contre telle ou telle forme de pouvoir d’État, légitimiste, constitutionnelle, républicaine ou impériale. Ce fut une révolution contre l’État lui-même, cet avorton surnaturel de la société; ce fut la reprise par le peuple et pour le peuple de sa propre vie sociale. Ce ne fut pas une révolution faite pour transférer ce pouvoir d’une fraction des classes dominantes à une autre, mais une révolution pour briser cet horrible appareil même de la domination de classe [souligné par nous] (2).

Nous ne pouvons que soutenir une telle formulation.

C’est pourquoi il nous faut critiquer l’article de Bilan qui va totalement à l’encontre du texte de Marx cité ci-dessus et fait une concession en parlant d’État prolétarien.

C’est par la critique de la Commune de Paris que les marxistes purent préparer les fondements idéologiques de la fondation de l’État prolétarien (3).

Il n’y a rien de plus éloigné de Marx que cette phrase. Pour nous comme pour Marx, il ne peut pas y avoir d’État prolétarien. Comme le Lénine de l’État et la révolution, il faut parler de demi-État ou d’État commune pour bien souligner que ce malheur représenté par l’État subsistant tant qu’il y a plusieurs classes sociales qui ont des intérêts divergents. Dans cette période de transition, cet État croupion devra tendre à perdre de son pouvoir et de sa puissance jusqu’à disparaître.

C’est ainsi qu’il n’y a rien de plus éloigné du marxisme que l’idée des staliniens du renforcement de l’État pour parvenir au communisme. C’est tout à fait l’inverse qui doit mener à la libération de l’humanité tout entière.

Les problèmes que soulève le dépérissement de l’État, proviennent du fait que le communisme n’arrive pas tout d’un coup après le renversement de la bourgeoisie comme un oiseau qui sortirait du chapeau de prestidigitateur. Après la révolution il y a une phase de transition entre la société ancienne, capitaliste et la nouvelle comme Marx le soulignait également dans ce même texte de La lutte civile en France.

La Commune ne supprime pas les luttes de classes, par lesquelles la classe ouvrière s’efforce d’abolir toutes les classes et, par suite, toute domination de classe […] mais elle crée l’ambiance rationnelle dans laquelle cette lutte de classes peut passer par ses différentes phases de la façon la plus rationnelle et la plus humaine.

Et c’est toute la différence qui consiste à aller vers la société libre et plus humaine, d’une société étatique dans laquelle l’État ne fait que se renforcer jusqu’au totalitarisme stalinien.

Voilà ce que nous commémorons dans les Communes révolutionnaires passées : les enseignements de l’histoire pour enfin apprendre à «nous diriger» vers la société communiste sans classe et sans État.

Aurélien

(1) K. Marx, La guerre civile en France, 1871.

(2) Idem.

(3) Dans d’autres textes de la Gauche communiste italienne, il y a une critique de cette notion d’État prolétarien.