Luttes ouvrières en Turquie. « Nous ne voulons pas de syndicats, nous avons mis sur pied des conseils ouvriers »

Les grèves en cours dans le secteur de l’automobile dans la ville de Bursa au nord-ouest de la Turquie soulèvent plusieurs questions importantes qui sont d’intérêt autant pour les communistes que pour les militants et les militantes du mouvement ouvrier en général.

Au moment d’écrire ces lignes (le 18 mai 2015), il y a quatre usines en grève : Renault, TOFAS (un partenariat avec FIAT), Coşkunuz et MAKO (deux sous-traitants de pièces automobiles). Il y a plus de quinze milles grévistes en cause. La grève a commencé à Renault à la relève du quart de nuit jeudi le 14 mai, alors que l’ensemble des 5000 salarié-es ont dressé des piquets de grève. Depuis, la grève s’est étendue aux trois autres usines et encore d’autres entreprises ont déclaré leur intention de rejoindre le mouvement dans les prochains jours.

L’ensemble des grévistes mettent de l’avant trois grandes revendications : la première est l’obtention du même contrat gagné par la menace d’une grève à Bosch au mois d’avril dernier assurant une augmentation de salaire de 60%. La seconde est l’exigence du retour au travail sans sanction de tous les travailleurs et de toutes les travailleuses impliqué-es dans la lutte. La dernière est le retrait du syndicat Türk-Metal de toutes ces usines et le droit de choisir leurs propres entités représentantes.

La ville de Bursa est une des plus industrialisée en Turquie et est le principal centre de production automobile, qui est le principal secteur d’exportation du pays. On y retrouve aussi plusieurs autres secteurs industriels. Les travailleurs et les travailleuses des autres usines de la ville appuient la grève par des manifestations et on note des mouvements similaires dans les usines automobiles de la ville avoisinante de Izmit.

La période récente en a été une de grandes tensions dans l’industrie métallurgique turque, alors qu’une grande colère s’est exprimée, non seulement contre le syndicat principal, Türk-Metal, mais aussi contre le syndicat moins important, mais plus à « gauche » Birleşik Metal-Iş. Türk-Metal est souvent qualifié de sangsue par les prolétaires et les évènements à Bosch ont mené à la désaffiliation des ouvriers pour rejoindre Birleşik Metal. Il y sont revenue depuis. Les démissions de Türk-Metal à Renault au début du mois de mai ont menées à une courte grève qui s’est terminée avec la réintégration de 16 travailleurs démis pour avoir quitté le syndicat.

Il y aussi eu une grève nationale des métallurgistes au mois de janvier appelé par Birleşik Metal qui a été déclarée illégale par le gouvernement, puisque allant à l’encontre de « l’intérêt national ». Dès la deuxième journée de ce mouvement, le syndicat a ordonné le retour au travail, même si plusieurs salarié-es continuèrent la lutte.

Il y a deux choses à retenir de cette lutte. La première est la façon dont elle s’est étendue rapidement à travers le secteur et semble avoir mobilisé la classe ouvrière de la ville dans son ensemble. Plusieurs autres usines ont organisé des manifestations de solidarité. Les conjointes des grévistes ont manifesté et marché en direction des usines. De toute évidence, les prolétaires se renforcent en s’unissant dans la lutte. La rapidité avec laquelle cette lutte s’étend est alarmante à la fois pour les patrons et pour l’État. Le gouverneur local a tenté d’intervenir et la direction des usines Renault et TOFAS a mis fin à la production. La deuxième est le rejet complet du syndicat. Türk-Metal est le plus grand syndicat sectoriel en Turquie et fait partie de Türk-Iş.; la plus grande confédération syndicale du pays. Même selon les critères de sa confédération nationaliste de droite, Türk-Metal est un syndicat particulièrement répugnant avec une longue histoire d’assauts contre des travailleurs par son appareil. Les grévistes de Renault ont mis sur pied leur propre comite de grève et les travailleurs et les travailleuses des autres usines ont déclaré que le comité de Renault les représente toutes et tous. Cela indique non seulement la volonté de prendre en main leur propre lutte, mais aussi leur détermination de ne pas se laisser diviser usine par usine. Les prochains jours verront si cette unité peut être maintenue et si cette grève peut continuer à s’étendre.

D.Valerian

18 mai 2015

Monday, June 1, 2015