Manifestations contre le confinement. Luttes de la classe ouvrière en Australie

Au moment de la rédaction de cette prise de position, le nombre de cas actifs de COVID-19 en Australie s'élève à un peu plus de 23 000, la Nouvelle-Galles du Sud et le Victoria (sud est) représentant la majeure partie de ce chiffre. Entre ces deux États, le nombre moyen de cas est d'environ 2 000 par jour. Le nombre de décès approche maintenant les 1 400 depuis le début de la pandémie et près de 300 personnes sont en soins intensifs. La Nouvelle-Galles du Sud est confinée depuis la fin du mois de juin et le Victoria depuis le début du mois d'août. Au niveau national, un peu plus de 58% des personnes de plus de 16 ans ont désormais reçu deux doses de vaccin.

Depuis juillet, des manifestations et des émeutes (connues sous le nom de "freedom rallies") ont régulièrement lieu dans les grandes villes comme dans certaines petites villes d'Australie, les plus importantes ayant eu lieu à Melbourne, Sydney, Adélaïde, Perth et Brisbane. Les participants à ces événements sont non seulement contre la vaccination obligatoire et opposés aux pseudo confinements mis en place par l'État, mais ils ne veulent pas non plus que les travailleurs soient payés pour rester à la maison, pour assurer notre protection et celle de nos proches. Cette même foule rejette également les masques et les vaccins en général. En effet, nombre d'entre eux minimisent la menace que représente le coronavirus, voire nient, contre toute évidence empirique, son existence.

Ces rassemblements sont dominés par des éléments de la petite-bourgeoisie, qui se soucient peu ou pas du tout du bien-être des travailleurs et s'insurgent plutôt contre la fermeture forcée de leurs entreprises pendant le confinement, ce qui signifie pour eux des profits moindres. Les propriétaires de petites entreprises dans les secteurs touchés, tels que la construction, sont les principaux particpants. C'est ces mêmes éléments qui ont colporté plusieurs théories conspirationnistes et antisémites et qui ont embrassé avec enthousiasme les figuresde l'extrême droite les plus violemment xénophobes.

Même si ces événements ont été suivis par des travailleurs, dont certains ont pu participer à de petites manifestations ou bloquer des autoroutes pour manifester leur résistance individuelle aux restrictions de santé publique, ils ne représentent aucune sorte de réponse authentique de la classe ouvrière. Il s'agit plutôt d'un nouvel exemple monstrueux dans lequel une fraction de la classe ouvrière s'est laissé mobiliser pour lutter dans l'intérêt d'un groupe de patrons - les petits capitalistes - contre un autre - les grands capitalistes et la bureaucratie d'État. Dans l'ensemble, ces événements ont divisé la classe ouvrière, en particulier dans des secteurs tels que la construction et les transports. Au lieu de rassembler les travailleurs dans une lutte collective pour des intérêts communs, contre l'exploitation, ils ont considérablement étrillé ces perspectives.

Aucune réponse prolétarienne organisée n'a émergé de ces manifestations. Comment le pourrait-elle? Étant donné la base du mouvement, ceux qui ont le plus à gagner de ses revendications concrètes ne sont pas les travailleurs, mais plutôt la petite-bourgeoisie qui a vu les affaires aller à vau-l'eau pendant la pandémie. La réponse prolétarienne, pour autant qu'il y en ait eu une, est venue de nombreux travailleurs de la santé et de la construction, qui se sont opposés à ces manifestations et se sont prononcés en faveur de la fermeture des entreprises non essentielles et de l'établissement de chèques pour que les gens restent chez eux et se fassent vacciner.

L'activité réelle de la classe ouvrière

À l'opposé de ces manifestations, dont les revendications, les tactiques d'organisation et de lutte, ainsi que la composition, sont toutes caractéristiques des petits-bourgeois, il y a eu une authentique réponse de classe à la crise économique et de santé publique en Australie sous la forme de mouvements de grève au cours des mois de septembre et d'octobre de cette année, bien qu'elle ait eu lieu en grande partie dans le cadre syndical. Les travailleurs ont cherché eux-mêmes mais difficilement à maintenir ces luttes malgré leur isolement à des secteurs et des lieux de travail spécifiques.

D'autre part, les fermetures imposées par les autorités gouvernementales en réponse à la pandémie ont rendu la population de plus en plus dépendants des achats en ligne et de l'"économie des petits boulots" - c'est-à-dire du travail à la pièce au XXIe siècle - pour acquérir les produits de première nécessité. L'une des conséquences de cette situation est que les postiers et les livreurs, ainsi que l'infrastructure logistique dont ils dépendent, ont été complètement débordés, tandis que les entreprises qui ont le plus profité et connu la plus forte croissance pendant la pandémie n'ont pas augmenté de nouveaux recrutements pour compenser la croissance de la demande globale. Résultat : les travailleurs de ces secteurs sont contraints de faire plus de travail pour le même salaire.

Il est clair que les travailleurs ont pris conscience de leur situation et de l'amélioration de leur pouvoir de négociation vis-à-vis des patrons. Au cours de la dernière semaine de septembre, des milliers de travailleurs de Startrack et de FedEx se sont engagés dans une action de grève, quittant le travail dans tout le pays au cours de deux manifestations distinctes de 24 heures. Ils ont exigé la garantie de la sécurité de l'emploi et l'octroi aux travailleurs intérimaires des mêmes conditions et avantages que celles des employés réguliers.(1)

À Melbourne, des centaines de travailleurs de l'usine de chocolat Cadbury ont organisé une grève d'une journée. Ces travailleurs protestaient contre la politique de l'entreprise consistant à recourir à des contrats occasionnels plutôt qu'à offrir la sécurité de l'emploi à ses employés. En effet, certains travailleurs de cette usine ont des contrats occasionnels depuis dix ans.(2) En Australie-Méridionale, environ 170 des 280 travailleurs de Berri Estates, la plus grande cave de l'hémisphère sud, se sont mis en grève afin d'empêcher une aggravation de leurs conditions actuelles.(3) Après que les patrons aient refusé pendant des mois de négocier avec eux, les conducteurs de train de la Nouvelle-Galles du Sud ont fait grève pendant quatre heures, réclamant de meilleurs salaires et conditions de travail. Ils ont discuté d'une nouvelle action de grève.(4)

La nécessité d'une véritable lutte de la classe ouvrière

Ces rassemblements contre le confinement ont souvent tourné à la violence, non seulement contre la police qui cherche à maintenir un semblant d'ordre public propice au profit, mais aussi contre des passants innocents.(5) Tenter d'intervenir dans ces événements confus en tant que communiste mettant en avant la position politique de la classe ouvrière n'apporterait probablement que des ennuis aux révolutionnaires (que ce soit de la part des manifestants eux-mêmes, des flics ou de l'exposition au virus) sans réelle chance d'influencer les participants aux violances. Par contre, il y a un réel besoin d'une réponse efficace de la classe ouvrière à la pandémie et aux conditions forcées à endurer ; comme d'habitude, quand il y a une crise, les exploités finissent indubitablement par la payer. Les attaques actuelles et nouvelles contre la classe ouvrière sous la forme d'insécurité de l'emploi, de stagnation et de baisse des salaires, de moratoires sur les retraites, des augmentations des loyers et des factures des services publics, avec des réductions des prestations sociales préparent les préludes d'une véritable riposte prolétarienne. C'est pourquoi, il faut cesser de s'aligner avec les petits-bourgeois. En tant que communistes et travailleurs, nous condamnons sans équivoque l'incompétence de l'État à mettre en œuvre des mesures de confinement, les ordres de rester à la maison et les compensations financières, ainsi que les maladresse dans le déploiement des vaccins, qui a contribué à alimenter l'épidémie actuelle de coronavirus.

Les "rassemblements pour la liberté", comme on les appelle cyniquement, ne constituent pas une véritable alternative, mais représentent un "redoublement" néfaste, pour ainsi dire, de ces politiques désastreuses.

des Communistes internationalistes d'Océanie
6 octobre 2021

Notes

(1) Startrack strike Australia : thenewdaily.com.au

(2) Cadbury workers strike for a sweeter deal (Les travailleurs de Cadbury se mettent en grève pour un meilleur accord) : sheppnews.com.au

(3) Berri winery strike (grève des caves vinicoles) : abc.net.au

(4) Strike to cause disruptions to NSW trains (La grève perturbe les trains en Nouvelle-Galles du Sud) : sheppnews.com.au

(5) Anti-lockdown protesters violently clash with police in Melbourne. (Des manifestants contre le confinement se heurtent violemment à la police à Melbourne) : theguardian.com

Monday, October 11, 2021