France après les élections : La bourgeoisie en ordre de marche

Merveille des merveilles de la démocratie. La bourgeoisie française a rapidement tiré les enseignements des crises politiques et sociales qui ont marqué le dernier quinquennat du sieur Macron – du mouvement des Gilets Jaunes aux grandes luttes contre la réforme des retraites, sans oublier le renforcement exceptionnel du totalitarisme bourgeois au moyen du confinement de dizaines de millions de personnes et sa gestion autoritaire de la lutte contre la pandémie. De toute manière la bourgeoisie a agi non pas pour la sauvegarde des populations mais pour la sauvegarde de son économie . En Angleterre, par exemple, c'était plus clair, au départ l'épidémie pouvait courir selon la théorie de « l'immunité collective ». En France, en Italie, les travailleurs dits de « première ligne » pouvaient encore s'entasser dans les métros et les transports en commun, ils n'étaient pas confinés dans la journée afin qu'ils puissent se rendre à leur travail. Pour la première fois, sans aucune réaction des syndicats et de l'ensemble des partis bourgeois de la droite à la gauche, les droits bourgeois du travail ont été violés sans vergogne jusqu'à suspendre le contrat de travail et le salaire sans prévoir de mesures de simple humanité. Une première ! Et la prochaine fois cela pourrait faire jurisprudence, la voie étant ouverte, il suffira de proclamer la défense de la population, pour recommencer, comme cela a déjà été fait pour les lois exceptionnelles contre le terrorisme qui devaient être exceptionnelles puis ont été inscrites dans la législation ! La bourgeoisie en profite pour améliorer son appareil répressif dans les entreprises.

Et ce n'est pas tout, elle prévoit de renforcer l’État policier par de nouvelles lois et l'embauche de nouveaux escadrons de gendarmerie et de police. La bourgeoisie s'attend à des réactions de la classe ouvrière face à l'aggravation de la situation politique et sociale. Elle aimerait, à la faveur de la guerre, décréter une unité nationale de tous les partis et pouvoir faire payer aux prolétaires les efforts de guerre.

Sur le plan politique, les politologues, à longueur de colonne, nous ont parlé des difficultés du nouvel exécutif pour gouverner avec une majorité affaiblie qui doit faire appel à des parlementaires des autres groupes politiques pour faire adopter ses textes de lois. Il n'en est rien.

C'est au contraire un coup de génie qui s'est passé avec les dernières élections. Les élections présidentielles se sont en définitive terminées comme les précédentes, avec la victoire annoncée d'Emmanuel Macron face à Marine Le Pen avec une augmentation de l’abstention. Mais la bourgeoisie fait mine de la regretter. D'une part, elle comprend que son cirque ne fait plus recette mais d'autre part, elle est tout à fait ravie que les plus démunis ne votent pas comme aux États-Unis où elle fait des pieds et des mains pour que l'électorat noir et latinos, entre autres, ne puisse pas s'inscrire facilement sur les listes électorales. Elle se fout particulièrement des abstentions, cela lui permet de les manipuler plus facilement. Mais elle doit faire croire qu'elle y croit encore mais surtout le faire croire aux ouvriers et aux couches populaires.

Mais le véritable coup de chapeau mérite d'être donné à la « gauche » qui a sorti de nulle part l'invention de la NUPES pour les dernières élections législatives de juin 2022. Le maintien de l’ordre bourgeois paraissait alors précaire - comme cela s'est vu ces dernières années - en l’absence d’une force politique de « gauche ». Sa victoire électorale devrait permettre de détourner les prolétaires de la lutte ouverte contre les capitalistes et leur État pour lui faire croire que la question sociale peut être résolue au Parlement.

C’est exactement ce vide de la « gauche » qu’entend combler la France Insoumise. Mélenchon n’a-t-il pas déclaré que sa victoire rendrait inutiles les luttes et les manifestations?

Mais aussi, il faut occuper le terrain social au cas où les luttes échapperaient à son contrôle. Les Insoumis préparent des manifestations de rue mais tout cela va être bien encadré, aux dates prévues d'avance, et permettre, en dernier ressort, de canaliser le mécontentement au parlement et derrière ses initiatives plutôt que dans des grèves.

L'on va se trouver dans un cirque politique au parlement pour amuser la galerie et les ouvriers et faire croire que les luttes sont maintenant inutiles. La fraction intelligente de la bourgeoisie qui veut la stabilité politique a compris qu'elle ne pouvait être assurée par « En Marche ». La stabilité politique ne peut pas non plus être assurée par la seule dualité En Marche - extrême droite. Le Rassemblement National a beau se présenter comme le premier «parti ouvrier» et mettre des revendications sociales dans son programme, mais il reste largement étranger au prolétariat comme le démontre son absence lors des luttes ouvrières.

Cet encadrement est d'autant plus nécessaire vu que la situation sociale, aggravée par l'augmentation du coût de la vie, est explosive partout dans le monde et également en Europe. L’inflation est vertigineuse au Royaume-Uni, mieux maîtrisée par les syndicats en Belgique, en Allemagne et en Espagne.

En France, la NUPES prend les devants en appelant mi-octobre à une manifestation pour "confronter cette mauvaise politique" du gouvernement.

De leur côté, la FSU appelle, avec la CGT et Solidaires, à la grève et à manifester le 29 septembre. Voilà le rôle de la « gauche », déboussoler les travailleurs et leur pourrir toute efficacité dans les luttes.

La bourgeoisie est bien en ordre de marche. Les prolétaires n'ont rien à attendre de ces supplétifs de la bourgeoisie qui leur tirent tout le temps dans les pattes. Ils doivent ne faire confiance qu'en leur organisation de lutte autonome et ne faire confiance qu'en eux-mêmes.

O.V. N.
septembre 2022

Notes:

Photo de : commons.wikimedia.org

Tuesday, September 20, 2022