Manifester contre la mobilisation, oui ! Se débarrasser du capitalisme qui réclame notre sang, c'est mieux !

Mercredi 21 septembre, à Moscou, Vladimir Poutine a annoncé, dans une adresse à la nation, la mobilisation partielle qui devrait concerner 300 000 réservistes. Cette mobilisation devrait relancer l’offensive en Ukraine, commencée le 24 février.

La guerre vient de passer à un autre niveau, un niveau supérieur. La mobilisation de la population est une question très grave. C'est une situation inconnue depuis longtemps en Europe, la guerre contre d'autres pays européens. Et maintenant, il va falloir faire accepter cet oukase par la population.

Déjà, un demi million(1) de Russes avaient quitté leur pays depuis l’invasion de l’Ukraine le 24 février. Le phénomène s'amplifie depuis l’annonce de mercredi. Les sites des compagnies aériennes ont été pris d’assaut après l’allocution de Vladimir Poutine. Des files d’attente se sont également formées aux postes-frontières avec la Géorgie et la Finlande durant la nuit. Évidemment, cet exode n'est le fait que des Russes qui possèdent assez d'argent pour s'expatrier.

La conscription touche également l'Ukraine. Un certain Oleksii disait à un journaliste de « Slate » : «Certains disent que le gouvernement utilisera cette application [ Diia. Une application du gouvernement qui centralise, en format numérique, tous nos documents administratifs ] pour mobiliser massivement, puis pour localiser précisément, immédiatement, les appelés... Aucune chance d'échapper à la conscription, donc ».(2) Depuis le 24 février, la première et la plus dure de ces restrictions est instaurée : désormais, tout homme ukrainien entre 18 et 60 ans ne peut plus quitter le territoire.(3) Sur le plan répressif, la conscription est devenue une nouvelle punition : à celui qui ne respecte pas la loi on impose, plutôt que la case prison ou une amende, le passage au centre de recrutement. En Russie aussi, le pouvoir offre la libération des prisonniers après la guerre s'ils acceptent de s'engager dans des bataillons.

En Russie, le fait nouveau est les manifestations de rue.

À travers la Russie, l’annonce de cette mobilisation a été accueillie par des manifestations improvisées durant toute la journée dans 39 villes notamment à Moscou, à Saint-Pétersbourg, à Iekaterinbourg, etc.(4) Au moins 1332 personnes ont été arrêtées mercredi.(5) Il s’agit des plus importantes protestations dans le pays depuis celles ayant suivi l’annonce de l’offensive en Ukraine.

Les manifestants ont scandé « Non à la guerre! » et « Pas de mobilisation! ». Dans certains services de police, le plan « Forteresse » a été annoncé afin de protéger les postes de police.

Mais les manifestations n'avaient jamais cessé : depuis le 24 février jusqu'au 21 septembre, on compte 16 500 arrestations au total.

Des Russes interpellés lors des manifestations contre la mobilisation partielle se sont vus imposer un ordre de conscription pendant leur détention, rapporte le groupe de défense des droits OVD-Info. À Moscou, un manifestant a appris qu’il risquait une peine de dix ans de prison s’il s’y opposait. Selon OVD-Info, au moins 1310 manifestants ont été arrêtés hier (21 septembre) seulement pour Moscou. Malgré le fait qu'il soit très difficile de manifester face à ce régime de terreur, des manifestations ont eu lieu partout. « Tout le monde a peur. Je suis pour la paix et je ne veux pas avoir à tirer. Mais c’est très dangereux de sortir maintenant, sinon il y aurait eu beaucoup plus de gens », a expliqué un manifestant à Saint-Pétersbourg.

Et maintenant va t-on voir une réaction des travailleurs et de l'ensemble de la population ?

La bourgeoisie ne se trompe pas. Les déserteurs russes sont refusés par certains pays européens. Jan Lipavský, ministre des affaires étrangères tchèque, a déclaré dans un communiqué obtenu par l’AFP : « Je comprends que les Russes fuient les décisions de plus en plus désespérées prises par Poutine. Mais ceux qui fuient leur pays parce qu’ils ne veulent pas remplir un devoir imposé par leur propre État ne remplissent pas les critères pour recevoir un visa humanitaire » (« live » du Monde, 22 septembre). La Finlande(6) est actuellement le seul membre de l’UE frontalier de la Russie à laisser passer des citoyens russes, mais encore faut-il qu'ils soient munis de visas Schengen. Les bourgeoisies impérialistes s'affrontent dans la guerre mais dès qu'il s'agit d'une réaction contre la guerre et le refus d'être leur chair à canon, elles sont toutes d'accord pour refuser l'accueil de ceux qui « ne veulent pas remplir leur devoir [patriotique] imposé par leur propre État ».

Il est clair que la guerre est le mode de vie des bourgeoisies en crise. Hier comme aujourd’hui, le sacrifice des populations est le résultat inévitable de ce mode de vie barbare. La seule force capable d'engager un bras de fer avec la bourgeoisie est la classe ouvrière, en commençant par la grève en masse. C’est seulement par sa lutte que pourra être paralysé le bras meurtrier des impérialismes rivaux.

Nous n’avons que nos chaînes à rompre pour accéder à un monde meilleur, contre un capitalisme qui prend l'eau de toute part : crise économique, crise sanitaire, crise de l'environnement, famine, inflation galopante faisant fondre nos salaires. Aussi faut-il résolument soutenir le refus des prolétaires qui, des deux côtés de l’affrontement en cours, se refusent à servir de chair à canon. Le seul combat qui vaille d’être mené, c’est la lutte de classe anti-capitaliste contre la chute de la société vers la barbarie.

M.O.
Bilan et Perspectives
Le 22 septembre 2022

Notes :

Image : V. Kirillin, commons.wikimedia.org

(1) Le Monde, 22 septembre 2022

(2) slate.fr

(3) Les pays de l'UE limitrophe de l'Ukraine ont fait respecter cette décision ukrainienne depuis lors.

(4) ovd-news.translate.goog

(5) 479 détenus à Saint-Pétersbourg, 49 à Iekaterinbourg, 30 à Permien,26 à Tcheliabinsk, 23 à Oufa, 18 à Krasnoïarsk, 17 à Voronej, 14 à Krasnodar, 13 à Tver, 12 à Saratov, 11 à Kaliningrad, 9 à Irkoutsk, 8 à Arkhangelsk, 6 à Novossibirsk, 4 à Oulan-Oudé, etc....

(6) On apprend ce matin que la Finlande aussi ferme ses frontières aux appelés russes.

Tuesday, September 27, 2022