Réunion publique du Comité NWBCW Paris

La réunion du Comité NWBCW (« No War But the Class War » - contre la guerre, pour la guerre de classe) à Paris s'est tenue en décembre. Trente à trente-cinq internationalistes se sont réunis et ont pu discuter de la marche à la guerre généralisée et de leurs possibles réponses. La réunion a été découpée en deux parties. La première partie a traité de la situation internationale et la deuxième s'est interrogée sur ce que pouvait faire le Comité contre la guerre.

Il faut noter tout d'abord le nombre important de présents malgré une autre réunion réunissant, pas loin, d'autres internationalistes et une grève de trains. Il y avait bien longtemps que l'on avait vu une telle assemblée de révolutionnaires à Paris. Bien évidemment cette réunion a montré l’hétérogénéité des participants, ce qui est tout à fait normal compte-tenu de l’état de ce milieu qui ne s'est plus parlé depuis longtemps. En soi, cette réunion est déjà un phénomène à prendre en compte et une réussite. C'est le signe que l'inquiétude et que les interrogations sur la situation politique sont grandes dans toutes les têtes.

La marche à la guerre

La présentation était axée sur plusieurs points traités à coup de serpe afin de laisser plus de place à la discussion. Les aspects traités ont été généralement acceptés et développés par l'assemblée.

I° point – Gravité de la situation générale caractérisée par :

  • une crise économique gravissime camouflée par la guerre et la période du Covid,
  • une crise environnementale,
  • la prolifération de virus dans les élevages industriels et par répercussion sur les populations,
  • crise alimentaire en perspective entraînant une crise migratoire depuis les régions pauvres
  • et par dessus tout, la guerre qui implique pour la première fois depuis la deuxième guerre mondiale directement les grandes puissances impérialistes : la Russie, et les États-Unis et l'OTAN.

II° point – C'est donc une guerre impérialiste qui touche les grandes puissances. Pendant la guerre froide, à part l'épisode de Cuba, l'URSS et les États-Unis n’ont pas été impliqués en conflit directement.

III° point – La guerre en Ukraine est l'arbre qui cache la forêt. Le but des États-Unis au travers de cette guerre est de mettre tous ses alliés en ordre de marche pour se retourner ensuite contre la Chine. Ce que la Chine a très bien compris en restant, pour l'instant, au second plan.

Qu'est ce qu'ont déjà gagné les États-Unis dans cette guerre ?

  1. Resserrement de l'OTAN. L'armée européenne chère à Macron a beaucoup de plomb dans l'aile. Elle ne verra pas le jour dans l'immédiat.
  2. Affaiblissement de l'UE à tout point de vue, militaire et économique. On a constaté le sauve-qui-peut pour l'obtention du gaz et la compétition entre les différents États européens. Le pays qui a le plus à perdre dans ce nouveau maelström économique est le pilier de l'Europe : l'Allemagne. Son modèle économique est mort. Car presque la majorité de son énergie provient de la Russie et une grande partie de son industrie est liée avec la Chine : l'usine du monde et l'acheteuse de ses machines outils.
  3. Renforcement de l'OTAN avec la Suède et la Finlande à un moment où les routes maritimes du pôle nord deviennent stratégiques.
  4. Tentative de remise au pas de la Turquie qui pendant toute cette période a joué cavalier seul.
  5. Affaiblissement de la Russie et son renvoi dans les bras de la Chine. Dans ce cas, la Russie serait phagocytée par la Chine. Il pourrait y avoir une autre hypothèse, le retour de la Russie dans le giron des États-Unis pour obtenir ainsi plus de marge de manœuvre dans le camp américain.

IV° point – La marche à la guerre ne peut donc que continuer et s'intensifier.

Les États-Unis se sont dégagés de l'Afghanistan où ils n'avaient plus rien à gagner. En fait, ils tentent de régler tous les problèmes annexes dans le monde, comme peut être la question iranienne, pour poursuivre la politique d'encerclement de la Chine de façon plus décidée.

  1. Les États-Unis avaient bâti en Asie-Pacifique une alliance pour la sécurité, le Quad (Quadrilateral Security Dialogue) qui était un groupe de coopération réunissant l’Inde, le Japon, l’Australie et les États-Unis. Il a vu le jour en mai 2007 puis plus sérieusement en 2017.
    Mais, depuis lors, les États-Unis ont créé l'AUKUS qui a un caractère nettement militaire contre la Chine. Cet évènement contribue à renforcer les interrogations en Inde sur la politique des États-Unis en tant que partenaire. En effet, cette annonce s’accompagne d’une livraison de sous-marins à propulsion nucléaire à l’Australie, provoquant ainsi la rupture d’un contrat avec Naval Group (une entreprise française) signé en 2016 et qui prévoyait la vente de douze sous-marins à propulsion conventionnelle. La diplomatie française voulait faire cavalier seul en regroupant les pays asiatiques qui ne désiraient pas d'affrontements militaires entre les États-Unis et la Chine. Elle a été bien « douchée » dans la vente de ses sous-marins à l'Australie. Le discours des États-Unis a été compris 10 sur 10 : « ceux qui ne sont pas avec moi sont contre moi. »
  2. Aujourd'hui cela ne suffit plus. Une nouvelle alliance « indo-pacifique » voit le jour regroupant les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie : AUKUS (acronyme de l'anglais Australia, United Kingdom and United States). Certains spécialistes disent que c'est une nouvelle « doctrine Monroe »(1) pour l'océan Indien. L'Inde n'a plus voix au chapitre, elle est rangée dans « l’espace stratégique » de l’océan Indien. Les États-Unis ont déjà fait l’objet de critiques lorsque, en avril 2020, la Navy a mené une opération de « Liberté de Navigation » dans la zone économique exclusive indienne sans le consentement de New Delhi.
    Les États-Unis, clé de voûte de cette alliance, réaffirment avec l'AUKUS leur détermination à contenir la Chine. La France ne peut y voir qu’un nouvel affaiblissement de l'UE, laquelle prônait une politique de conciliation entre les grands impérialistes. On constate encore aujourd'hui les contorsions de Macron face à la politique agressive des États-Unis.

V° point – Bien évidemment ce qui précède est le scénario idéal pour les États-Unis. Car la guerre impérialiste mondiale est risquée entre les puissances nucléaires. Le nucléaire sert à la dissuasion. Il semble que ce ne soit plus le cas parce que notamment l'on parle de nucléaire tactique qui serait moins dangereux ; on danse sur la terreur !

Il y a, peut-être, un autre scénario qui pourrait permettre de stopper la montée des tensions. Bien sûr, la compétition croissante entre la Chine et les États-Unis n’est pas uniquement militaire. Elle comporte une importante dimension économique, on parle d’ailleurs de guerre économique sino-américaine. Ce serait le remake de la politique de containment (« endiguement ») de la guerre froide en direction de l'URSS. La Chine comme la Russie étouffée ne pourrait plus suivre en armement.

VI° point – Pourquoi ce changement de stratégie des États-Unis vers la guerre? Parce que la Chine aura un armement égal à celui des États-Unis à l'horizon 2050 selon ses objectifs. D'ici à 2050, l'armée chinoise pourrait ainsi prendre un avantage définitif sur l'armée américaine. Le temps presse pour les États-Unis.

La guerre généralisée avançant à grand pas, il y a urgence pour les internationalistes de s'organiser contre la guerre mondiale. Au bout du compte seule la révolution peut mettre fin au capitalisme moribond mais qui peut encore être mortel.

Nos appuis sont la nécessité pour la bourgeoisie de développer l'économie de guerre, ce qui va pressurer les travailleurs et par conséquent les mettre en mouvement. C'est de cela que les États ont peur, c'est notre force. On voit déjà comment les travailleurs sont attaqués partout dans le monde et comment ils ressentent la situation dans leur chair.

Nous ferions fausse route si nous jugions la situation à partir des luttes de la classe d'aujourd'hui. Face à l'intensification des cadences de production de l'armement de guerre, les réactions ouvrières seront tout autres. Par ailleurs les États vont se « blinder » (police, etc..) contre les populations. Pour nous il est nécessaire de créer des réseaux de défense en cas de nécessité pour la clandestinité. (Référence aux époux Thalmann pendant la II° Guerre mondiale).(2)

Il faut affirmer plus que jamais que seule la classe ouvrière peut mettre fin à cette barbarie. D'où le seul mot d'ordre à l'ordre du jour : Révolution pour abattre le système et mettre fin définitivement à la guerre.

Après une discussion très ouverte et intéressante au cours de laquelle il n'y a pas eu de grandes divergences sur notre analyse de la situation, nous sommes passés à la deuxième partie de la discussion, c'est-à-dire sur les propositions du Comité NWBCW. Pourquoi des Comités ? Parce que, comme nous l'avons vu ci-dessus, la guerre impérialiste va marquer de plus en plus la situation politique dans la période devant nous. Ne soyons pas immédiatistes ! Si par le passé les Comités n'ont pas répondu à la situation, c'est parce que la marche à la guerre n'était pas, à cette époque, avérée ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Sur quelles bases créer un Comité NWBCW

Sur la base de l'héritage que nous a légué le mouvement ouvrier internationaliste dans sa lutte contre les deux alliances impérialistes, la base minimale de coopération impliquerait les points suivants :

  1. Contre le capitalisme, l'impérialisme et tous les nationalismes. Aucun soutien à chaque Capital national, au « moindre mal » ou aux États en formation, aux « Démocraties » contre les « Totalitarismes ».
  2. Pour une société où les États, le travail salarié, la propriété privée, l'argent et la production pour le profit sont remplacés par un monde de producteurs librement associés.
  3. Contre les attaques économiques et politiques que la guerre actuelle, et celles à venir, vont déchaîner contre la classe ouvrière.
  4. Pour la lutte auto-organisée de la classe ouvrière, pour la formation de comités de grève indépendants, d'assemblées de masse et de conseils ouvriers.
  5. Contre l'oppression et l'exploitation, pour l'unité de la classe ouvrière et le rassemblement des authentiques internationalistes.

Les minorités révolutionnaires doivent agir maintenant pour préparer la voie au mouvement de classe international plus large de demain.

La discussion a fait ressortir qu'avec la propagande et la dénonciation de la guerre par tous les moyens à notre disposition, il y avait tout un panel d'autres actions pratiques possibles (presse, tracts, appels, réunions publiques, manifestations...) et pour cela il suffisait de regarder parmi les actions des internationalistes pendant les deux conflits impérialistes mondiaux.

  • Rappel dans une période d'extrême famine en Grèce en 1942-43 le pillage des dépôts alimentaires fait par la population face aux staliniens qui voulaient les saisir pour la Résistance. Le groupe UCI et Stinas, ont, sur l'accord de la foule, pu les écarter pour donner la nourriture à la population.
  • Rappel de l'aide aux déserteurs allemands comme le faisaient le GRP-UCI (Groupe révolutionnaire prolétarien - Union des Communistes internationalistes) et les RKD (Revolutionären Kommunisten Deutschlands) et comme le fait la CNT-AIT avec l'initiative Olga Taratuta et le soutien d'Asembleia en Ukraine et du KRAS en Russie. Les RKD travaillaient avec des associations comme les Quakers qui ne les ont jamais trahis. Car ce n'est pas forcément à nous de gérer les cas de désertion dans le détail. Il faut savoir se servir des capacités d'associations spécialisées dans ces questions qui agissent très professionnellement.
  • Enfin, les actions plus classiques au sein des luttes des ouvriers comme les grèves générales dans lesquelles le PCint a largement participé en Italie du nord en 1943 ou le GRP et d'autres à Renault en France en 1944.

Une discussion générale montrant de désaccords importants a permis de préciser ce que nous entendions par la création de Comités NWBCW.

Un appel a été lancé pour la réflexion plus vaste autour de ces questions. En conclusion un certain nombre de camarades présents ont dit vouloir participer au Comité ou être informés de ses initiatives. Personne ne s'arrogeait le droit de les moquer, de les critiquer et de les négliger. Ce sont de vaillants combattants de notre classe qui s'impliquent dans la lutte de classe, nous les saluons.

Nous n'avons aucune illusion sur la réussite immédiate et le développement de ces Comités dans les mois qui viennent. Mais nous savons ne pas juger les choses au jour le jour et tomber dans l'immédiatisme. Nous savons qu'au fur et à mesure de la marche à la guerre puis de son intensification, ils deviendront de plus en plus nécessaires. Nos mots d'ordre sont à comprendre en lien avec toute la nouvelle période qui vient et qui modifie très fortement notre appréhension de la politique.

Cela ne veut pas dire que nous arrêtons notre propagande et nos actions (celles de la TCI ou d'autres en dehors du Comité) dans les luttes ouvrières et sociales. Par contre il faudra de plus en plus savoir lier les luttes sur le terrain économique et social avec la lutte contre la guerre, car la bourgeoisie, après avoir réclamé notre sueur, réclamera notre sang. Dans ce cadre, nous ne pouvons négliger aucune force prolétarienne et internationaliste qui se manifestera. Nous les appelons au contraire à nous rejoindre dans le combat titanesque de demain contre la guerre impérialiste.

M.O.
Bilan et Perspectives
23 janvier 2023

Notes:

(1) La doctrine Monroe (2 décembre 1823) prévoyait que l'Europe devait être chassée de l'Amérique qui devait devenir le domaine réservé des États-Unis qui, par conséquent, n'interviendraient pas dans les affaires européennes.

(2) Combats pour la liberté, La digitale, 1997.

Wednesday, February 1, 2023