Guerre en Ukraine : La position internationaliste

CWO réunion publique sur Zoom “Guerre en Ukraine – La position internationaliste” du 13 March 2022

Compte rendu de la première réunion publique du CWO sur Zoom qui a été bien suivie, malgré le fait qu'un certain nombre de nos propres membres étaient au travail et ne pouvaient pas y participer. La réunion a commencé par l'introduction ci-après.

Introduction du CWO : Une nouvelle éscalade dangereuse

Toute personne qui pense que l'invasion de l'Ukraine n'est pas une nouvelle escalade dangereuse dans l'histoire du monde n'a pas prêté attention à son changement, ou bien se replie-t-elle follement sur elle-même.

"Une nouvelle guerre froide" ?

L'année dernière, le renforcement des troupes russes a donné lieu à de nombreuses spéculations journalistiques sur une "nouvelle guerre froide". À la mi-décembre, nous avons rejeté cette analogie historique plutôt désinvolte. Elle n'était pas étayée par un examen de la manière dont les conditions qui ont permis d'éviter une confrontation directe entre les principales puissances impérialistes pendant la guerre froide ne sont plus réunies.

Pemier facteur dont nous devons nous souvenir. L'URSS et les États-Unis sont sortis de la Seconde Guerre mondiale en tant que puissances impérialistes victorieuses. Ce ne sont pas des puissances qui se sont senties flouées à l'issue de la Première Guerre mondiale comme l'Allemagne (en raison d'un traité de paix humiliant) et l'Italie (qui s'est sentie flouée des gains promis par ses alliés français et britanniques). Aucune des deux "superpuissances" n'était en aucun cas "révancharde", ou, comme les États-Unis appellent la Chine d'aujourd'hui : "révisionniste".

Deuxièmement, la rivalité entre les anciens alliés de la dernière guerre, était déjà ouverte en 1947, mais à cette époque, le boom de l'après-guerre commençait à prendre forme. Les taux de croissance sont rapidement devenus sains partout et nous sommes entrés dans ce que les Français ont appelé "Les trente glorieuses". Lorsque cette période s'achève au début des années 1970, les règles d'engagement sont déjà fixées. La politique américaine formulée en 1947 était fondée sur l'"endiguement" du "communisme" plutôt que sur son renversement, comme l'Occident avait été tenté de le faire pour la république soviétique naissante en 1918. Après 1945, l'URSS stalinienne s'était contentée de la vision téléologique selon laquelle l'Occident capitaliste imploserait inévitablement et adopterait ainsi ce qu'elle persistait à appeler le "socialisme réellement existant". C'est ce modèle de société que les marxistes révolutionnaires ont toujours considéré comme étant un capitalisme d'État. En fait, l'URSS avait ses propres contradictions capitalistes et a été confrontée aux mêmes problèmes que l'Ouest après 1973 (y compris par une augmentation des grèves sauvages(1)). Au fur et à mesure que ses taux de croissance diminuaient, elle ne pouvait plus financer son emprise impérialiste à l'étranger ni satisfaire les besoins de sa population sur son territoire. Les solutions de Gorbatchev ne font que contrarier les apparatchniki qui, en tentant de le renverser, font s'écrouler le château de cartes de l'Union soviétique.

Mais pour comprendre l'importance de la guerre actuelle, nous devons comprendre ce qui différe aujourd'hui par rapport à la guerre froide. Tout d'abord, le boom de l'après-guerre est oublié depuis si longtemps que seuls ceux d'entre nous qui ont un certain âge peuvent s'en souvenir. Deuxièmement, la Russie n'est pas une puissance satisfaite - elle cherche à faire renaître au minimum certaines de ses anciennes sphères d'influence.

Prenons ces deux facteurs séparément.

La longue période à la fin du cycle d'accumulation

La fin du boom d'après-guerre a été un choc pour les fans du capitalisme et, en effet, très peu de marxistes de la classe ouvrière ont reconnu que le miracle économique n'était pas dû à l'intelligence du baron Keynes, mais au fait que la Seconde Guerre mondiale avait détruit tant de valeur qu'un nouveau cycle d'accumulation était encore possible. Dans les années 1970, les jeux étaient faits. La tendance constante à la baisse du taux de profit s'est réaffirmé et l'abandon de l'accord de Bretton Woods d'après-guerre, selon lequel le dollar était aussi bon que l'or, a ouvert une nouvelle période d'inflation et de chômage. C'est cette situation qui a amené beaucoup d'entre nous, au Royaume-Uni (comme ailleurs), à découvrir les idées de la Gauche communiste. Nous avons vu que la crise était fondamentale pour le système et pas seulement pour le "choc pétrolier" comme on nous l'avait dit à l'époque. En nous inspirant de l'histoire, nous avons supposé que la crise allait, en peu de temps, non seulement produire des attaques massives contre la classe ouvrière, alors que le capitalisme tentait de soutirer davantage de profits aux exploités, mais aussi intensifier le mouvement impérialiste vers la guerre généralisée. Le socialisme ou la barbarie étaient à nouveau à l'ordre du jour. Et c'est ce qui s'est passé, mais dans ce monde capitaliste moderne où les États ont un plus grand contrôle sur le marché qu'au début du 20e siècle, nous n'avons pas su apprécier tous les expédients auxquels les capitalistes pouvaient avoir recours pour maintenir le système à flot.

Cela a commencé par l'abandon du contrôle des "des secteurs clés de l'économie" dans de nombreux États et s'est poursuivi par la déréglementation de la finance. Le capital bancaire reprenait désormais au sein du pouvoir capitaliste traditionnel une importance qu'il n'avait pas eue jusqu'alors sous le keynésianisme. Ces facteurs ont conduit à une désindustrialisation partielle des anciennes puissances capitalistes et au transfert de leurs investissements vers des économies à bas salaires. La mondialisation a été une coopération entre l'Occident (principalement le capital financier américain) et la Chine. Il s'agissait d'une relation de dépendace qui a permis d'accroître la richesse d'une nouvelle classe moyenne chinoise et de produire des produits de base bon marché pour les États riches en capital. Ce « modèle » économique a permis d'amortir le choc de toutes les réductions des salaires qui ont eu lieu depuis la fin des années 1970. Alors que la finance occidentale s'est gavée de capitaux spéculatifs. La richesse accumulée par la Chine a modifié l'équilibre de l'économie mondiale. Les idéologues cccidentaux avaient pensé que l'adoption de l'économie de marché mettrait automatiquement fin au règne du parti communiste chinois. Non seulement cela ne s'est pas produit, mais cela a accru la puissance mondiale de la Chine. La Chine, qui s'est affirmée au fur et à mesure de sa croissance, est désormais ouvertement qualifiée de "révisionniste" par l'actuel président américain. Joe Biden a également annoncé que la Chine ne deviendra jamais la première puissance mondiale sous son mandat. De plus en plus, la politique occidentale, notamment américaine, oblige la Chine et la Russie à former une alliance de encore plus étroite, tant sur le plan économique que militaire.

Après 1991

Nous avons déjà expliqué cela plus en détail dans notre article sur l'Ukraine et Taïwan sur le site, donc nous allons juste rappeler les deux facteurs clés qui ont amené l'agression russe actuelle. Après l'effondrement de l'URSS en 1991, des économistes américains comme Larry Summers et Jeffery Sachs sont arrivés et ont conseillé aux Russes de tout privatiser immédiatement. Le résultat a été un désastre économique qui a vu l'économie plonger sous Eltsine et, pire encore, l'économie une fois privatisée tomber dans les mains de ceux qui avaient réussi à mettre la main sur de l'argent liquide (pas toujours légalement), créant ainsi une classe d'oligarques issus principalement de l'ancien appareil d'État. Lorsque Poutine, qui avait démissionné du KGB à la chute de l'URSS, est arrivé au pouvoir, il a mis ces oligarques au pas en les emprisonnant ou en forçant à partir à l'étranger ceux qui ne se pliaient pas à la ligne de l'État. Poutine a également commencé à rétablir le pouvoir soviétique dans ses anciennes frontières en écrasant les rebelles tchétchènes. Il a ensuite eu la chance que les prix du pétrole et du gaz augmentent, ce qui lui a valu d'être crédité du renouveau économique. Profitant de cette popularité initiale, il n'a pas hésité à assassiner ses opposants et à régulièrement truquer les élections. Il n'a cependant cessé de s'insurger contre les promesses non tenues de l'Occident selon lesquelles l'OTAN ne s'approcherait pas des frontières de la Russie. En 2005, lors d'un discours au Kremlin, il a déclaré que l'effondrement de l'URSS était "le plus grand désastre géopolitique de notre époque". Il ne déplorait pas la disparition du système stalinien, mais la faiblesse de l'État russe qui a suivi.

L'expansion de l'OTAN s'est poursuivie après l'élection de Poutine à la présidence de la Russie en 2000. La crise actuelle trouve réellement ses racines ici. Les États baltes ont adhéré en 2004, ce qui a permis à l'OTAN de se trouver à quelques heures de route de Saint-Pétersbourg, la ville natale de Poutine. La même année, la crise ukrainienne a débuté lorsque la révolution orange, financée et soutenue par des organisations occidentales, appuyées par l'ambassade des États-Unis et des personnalités comme John McCain (le célèbre "Bomb, bomb l'Iran !" en 2008), a renversé l'élection frauduleuse de Victor Ianoukovitch. Quelques années plus tard, Poutine a réagi en accusant l'Ukraine de siphonner le gaz des gazoducs qui traversent son territoire et a même coupé l'approvisionnement en gaz de l'Europe pendant quelques jours pour souligner la puissance de la Russie. La révolution orange, qui était censée amener l'Ukraine dans l'orbite de l'UE et de l'OTAN, a également commencé à s'effondrer. L'économie de l'Ukraine, comme celle de la Russie, est dominée par les oligarques. La différence est que Poutine a ses oligarques sous contrôle. En Ukraine, les oligarques promeuvent leurs propres créatures pour devenir président, ce qui a conduit à l'effondrement spectaculaire de l'alliance entre Iouchtchenko et Timochenko, de sorte que les oligarques du Donbass ont réussi à faire revenir Ianoukovitch comme président légitimement élu. Lors de l'élection, ce dernier avait promis de rester en dehors de l'OTAN, mais de travailler à l'entrée dans l'UE. Lorsqu'il s'est soudainement retiré des négociations avec l'UE en 2014, les forces pro-occidentales, encouragées par l'ambassade des États-Unis et financées par les mêmes organisations qu'en 2004, sont à nouveau descendues dans la rue lors du Maïdan. Lorsque la première vague de répression a échoué, Yanoukovitch a fui à Moscou et la guerre civile entre les ultra-nationalistes des deux camps a embrasé le Donbass. Les séparatistes pro-russes auraient probablement perdu si Poutine n'avait pas envoyé des renforts. 14 000 personnes sont mortes à cette époque et depuis lors dans ce qui était un conflit continu de "faible intensité" jusqu'à l'invasion russe du 24 février.

Le conflit actuel

Ce qui nous amène au conflit actuel. Comme nous l'avons dit dans d'autres articles, la crise a débuté avec la réaction de Poutine au réarmement et à la réorganisation de l'armée ukrainienne avec l'aide de l'OTAN. Sa solution a été de rassembler des troupes à la frontière pour menacer d'invasion. Tout au long de l'année 2021, les effectifs de ces troupes ont augmenté et diminué en fonction de la menace émanant de l'Occident. Lorsque Biden a fait des gestes conciliants au cours de l'été, 10 000 soldats ont été retirés, mais lorsque les Ukrainiens ont réussi à anéantir une batterie d'artillerie séparatiste russe à l'aide d'un drone fourni par la Turquie, membre de l'OTAN, des troupes supplémentaires sont arrivées à la frontière du Donbas, suivies de manœuvres militaires en Biélorussie. Les négociations frénétiques n'ont pas donné à Poutine ce qu'il voulait : la neutralisation de l'Ukraine. En effet, la position ukrainienne sur l'adhésion à l'OTAN s'est durcie au lieu de s'adoucir, compte tenu du soutien qu'elle recevait des États-Unis. Vers la première semaine de février, Poutine est passé du poker diplomatique à la roulette russe nucléaire.

Non seulement Poutine a envahi l'Ukraine, mais il a menacé de déclencher une guerre nucléaire contre toute intervention extérieure. Dès le 8 février, Poutine a averti Macron que "nous n'avons pas la même puissance que l'OTAN. Cependant, nous avons des armes nucléaires." Il a enchaîné le jour de l'invasion en grognant : ceux "qui tenteraient d'interférer avec nous doivent savoir que la réponse de la Russie sera immédiate et entraînera des conséquences que vous n'avez jamais connues auparavant." Selon Le Figaro, le ministre français des Affaires étrangères, Le Drian, a rétorqué : "Vladimir Poutine doit aussi comprendre que l'Alliance atlantique est une alliance nucléaire."

Ce qui rend ces bruits de bottes encore plus inquiétants, c'est que nous savons que les deux parties ont envisagé d'utiliser des armes nucléaires dites tactiques "sur le champ de bataille". Toutefois, il est peu probable que cela s'arrête là, d'autant plus que nous vivons à une époque impérialiste, une époque de guerre totale où le "champ de bataille" est partout (comme les citoyens de Marioupol ne le savent que trop bien actuellement et tragiquement). Nous savons également que le Conseil national du renseignement américain a envoyé un rapport à Biden en mars 2021 dans lequel il conclut que l'utilisation d'armes nucléaires "est plus probable dans cet environnement géopolitique compétitif". La crise économique mondiale persistante contraint les différents acteurs impérialistes à des préparatifs de plus en plus importants pour une guerre généralisée. Le commandant sortant des forces américaines dans le Pacifique, l'amiral Davidson, a prédit qu'une telle guerre se produirait dans les six prochaines années, même s'il la voit d'abord avec la Chine.

Et ce qui se passe dans cette invasion de l'Ukraine est l'exact opposé de ce que les deux parties veulent. Leurs actions n'ont fait que consolider la ligne impérialiste de leurs ennemis. Poutine a fait plus pour raviver l'unité de l'alliance occidentale que n'importe quel président américain. Entre-temps, l'insistance de l'Occident à amener les forces de l'OTAN jusqu'aux frontières de la Russie a contraint cette dernière à devenir de plus en plus dépendante de la Chine, tant en termes de commerce que de coopération militaire. Plus les États-Unis qualifient la Chine de puissance "révisionniste", plus elle se montrera à la hauteur de ce titre et la Chine, bien qu'elle ne soit pas aussi désespérée que la Russie, n'a jamais caché son objectif de devenir l'État le plus puissant du monde au milieu du siècle. Tout comme la violence russe unit les puissances de l'OTAN, les sanctions occidentales rapprochent les deux puissances eurasiennes.

Comme nous l'avons dit à maintes reprises récemment, le changement climatique n'est pas la seule menace qui pèse sur notre avenir à tous et la menace d'une guerre impérialiste généralisée est aujourd'hui plus proche qu'à aucun moment depuis 1945.

La réponse de la classe ouvrière ?

Ce qui rend la situation encore plus dramatique, c'est qu'elle arrive à la fin d'une longue période de recul de la classe, conséquence de la restructuration imposée à nos capitalistes mondiaux du fait des suites de la crise. Cette crise n'a pas disparu. Le système est criblé de dettes depuis que les États ont renfloué les banques après 2008. Une décennie d'austérité n'a pas permis la relance. Et les tensions sociales que cela créait, s'accéléraient vers la fin de l'année 2019 avant que la pandémie ne frappe. Elles n'ont fait que s'aggraver depuis. Avant même de maîtriser quelque peu la pandémie grâce aux vaccins, les États capitalistes du monde entier se sont préparés à faire payer une fois de plus à la classe ouvrière les échecs du système. La guerre en Ukraine ne fait que l'exacerber. Les prix des carburants augmentent et les pertes de céréales ukrainiennes (13% du total mondial) sur les marchés du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord conduisent déjà à des avertissements d'émeutes de la faim comme celles qui ont précédé le "printemps arabe".

Que peuvent faire les travailleurs et les révolutionnaires ? Toutes les situations de guerre commencent par nous noyer dans une marée de propagande et de mensonges. La "Belgique chanceuse" de 1914 se reflète dans "l'Ukraine héroïque" de 2022. La ferveur nationaliste sera attisée et toute section de travailleurs agissant ne serait-ce que pour défendre leur niveau de vie sera dénoncée comme "traîtres à leur nation". Même le véritable désastre humanitaire qui se déroule sur les écrans devant nous sera utilisé pour favoriser la mobilisation guerrière en Occident. Elle est déjà citée par certains (généralement des généraux à la retraite) pour justifier l'élargissement de la guerre.

Nous devons nous inspirer des actions des travailleurs dans le passé. Lorsque Lénine a appelé au "défaitisme révolutionnaire" en 1914, il a été largement tourné en dérision. Mais ce qu'il faisait, c'était poser un jalon pour l'avenir - en bref, donner une direction politique à une lutte qui n'avait pas encore commencé. Dans les ouvrages qu'il publie au cours des deux années suivantes, il expose les positions classiques du marxisme en partant du principe que "les travailleurs n'ont pas de pays". Il appelle à s'opposer à toutes les formes de militarisme et aux annexions impérialistes, tout en appelant à la fraternisation entre les travailleurs, y compris ceux qui portent l'uniforme, et surtout à la nécessité de transformer la guerre impérialiste en une guerre de classe. Dans le même temps, il s'attaqua à ceux qui, au sein de la Deuxième Internationale, avaient abandonné leurs positions de classe, soit pour le pacifisme, soit pour le soutien pur et simple d'un impérialisme ou d'un autre.

Les révolutionnaires travaillaient alors sous une pression énorme, car le massacre était déjà bien entamé. Aujourd'hui, nous ne sommes pas encore dans la guerre généralisée, ce qui nous donne un peu plus de temps, mais nous avons reculé en tant que classe pendant la majeure partie de quatre décennies. Nous devons commencer à construire un mouvement internationaliste qui soit à la fois anti-guerre et anticapitaliste. Nous avons déjà la base programmatique héritée du passé révolutionnaire de la classe ouvrière mondiale pour comprendre ce qui doit être fait. Cela nous permet déjà de dénoncer ceux qui se réclament des titres de "socialiste", "communiste" et "anarchiste" qui prennent parti pour un impérialisme "moindre mal" ou un autre. Nous devons également rejeter le pacifisme. Notre slogan n'est pas seulement "Pas de guerre", comme certaines personnes courageuses en Russie l'ont utilisé. "Pas de guerre" signifie seulement arrêter de se battre et retourner chez nous (c'était la position de Kautsky en 1914). Nous n'aimons pas la situation dans laquelle nous étions - nous devons faire en sorte que la classe ouvrière au sens large comprenne le lien entre la guerre et le système capitaliste en crise. La seule solution à long terme aux guerres du capitalisme est de se débarrasser du système qui les engendre.

Il ne faut pas se laisser décourager par le manque de réaction actuel. Une réponse immédiate de la classe ouvrière est peu probable. Nous devons nous rappeler que si c'est la révolution de la classe ouvrière qui a finalement mis fin au massacre impérialiste du premier monde, ce processus n'a commencé qu'après trois ans de misère, de meurtres et de privations croissantes. Nous sommes encore au pied du mur de la renaissance de la lutte des classes et celle-ci se heurte à de nombreux obstacles. Outre l'héritage de décennies de recul, ce qui n'est pas un mince facteur, il y a le montagne d'une propagande que les travailleurs du monde entier doivent surmonter.

Il y a cependant quelques signes positifs. Avant même que ce conflit n'éclate, des groupes de travailleurs en grève cherchaient de nouveaux moyens d'organiser la résistance à l'exploitation. Aux États-Unis, en Espagne et en Turquie, les grèves se multiplient alors que les prix augmentent et que les salaires restent stables. En Iran, les travailleurs ont trouvé des moyens ingénieux de poursuivre la lutte, comme dans le cas des travailleurs du pétrole. Et les travailleurs de Haft Tappeh, qui ont appelé l'année dernière à la création de nouveaux soviets, ont déjà publié plusieurs déclarations contre la guerre qui font le lien avec le système.

Les capitalistes et les gouvernements capitalistes utilisent leurs politiques pour le profit et l'investissement de diverses manières.
La répression, les arrestations et les emprisonnements, la torture et les exécutions, le chômage et le sans-abrisme, et parfois la guerre et le meurtre de personnes innocentes qui ne jouent aucun rôle et ne tirent aucun bénéfice de la guerre, si ce n'est la mort et le déplacement.
Cette guerre n'est pas notre guerre !
Notre guerre est celle de la classe ouvrière contre la classe capitaliste, contre l'oppression, l'exploitation et la discrimination.
Démantelons les gouvernements capitalistes dans toutes les parties du monde afin de nous débarrasser de la guerre, de l'insécurité, de la pauvreté, etc.
Vive la solidarité internationale de la classe ouvrière !

Déclarations des travailleurs de Haft Tappeh

Nous avons même entendu parler de grèves sauvages en Russie contre l'effondrement du rouble à cause de la guerre. Les travailleurs migrants turcs de Kazan ont ainsi obtenu une forte augmentation de salaire. Il serait encore plus encourageant que la classe ouvrière russe en général suive leur exemple. Compte tenu de l'effondrement du rouble, cela semble déjà possible. Il ne doit plus y avoir de sacrifices pour le capitalisme, que ce soit en temps de guerre ou de paix.

La classe ouvrière révolutionnaire n'a que deux armes. Sa conscience et ses organisations. L'une est liée à l'autre. Plus les travailleurs seront conscients du fonctionnement du système, plus ils verront la nécessité de s'organiser. Cette organisation prendra différentes formes mais, d'une part, ils doivent essayer de réunir l'essentiel de leurs forces dans des assemblées, des comités de grève, des conseils, et d'autre part, ils doivent se donner une boussole politique. Celle-ci ne se formera pas par accident et sera toujours minoritaire, mais par les efforts conscients des travailleurs révolutionnaires reliant la lutte quotidienne et la lutte contre la guerre impérialiste à un avenir différent et meilleur. Nous avons vu trop d'exemples au cours des années où le manque d'organisation politique de la classe a conduit des mouvements prometteurs à se ranger derrière des agendas démocratiques bourgeois ou petits bourgeois. Nous devons devenir politiques et nous devons avoir une organisation internationale guidée par un programme auquel la grande masse de la classe peut adhérer - un programme qui bannit l'exploitation capitaliste et ses états dans le débarras de l'histoire. Personne ne peut prétendre que ce sera facile, mais nous avons une nouvelle génération de jeunes travailleurs qui arrivent à la gauche communiste internationaliste, une génération qui est mieux éduquée et moins intégrée dans le système que jamais auparavant. C'est vers eux que nous devons nous tourner pour construire la nouvelle internationale. Cette crise de la guerre ne fait que souligner le fait que nous devons sortir et porter ce message aux couches les plus larges de la classe ouvrière mondiale. Lui seul est capable de sauver l'humanité des horreurs présentes et futures que le capitalisme nous impose.

La discussion

Le point fondamental de l'introduction, à savoir que nous sommes témoins d'un point de basculement fondamental dans l'histoire de l'impérialisme, a été accepté par la plupart des participants. Cependant, certains ont fait valoir que ce n'était pas aussi grave que nous l'avions laissé entendre, car les alliances nécessaires à un conflit plus généralisé n'étaient pas encore en place. La classe ouvrière européenne, selon eux, ne peut être mobilisée pour la guerre et la consolidation des blocs est encore fragmentaire (en soulignant le fait que NordStream 2 est suspendu et non terminé et que la Turquie est ambiguë dans ses relations avec les deux parties). D'autres ont semblé admettre que l'invasion de l'Ukraine était une étape sérieuse vers une guerre généralisée, mais n'en ont pas tiré la conclusion que nous devrions nous concentrer sur la façon dont les révolutionnaires devraient réagir. Selon un participant, la situation est plus sombre que nous ne l'avons décrite. Elle n'était pas analogue à celle de 1914 ou de 1939 et ni la vision générale d'une alternative à la société capitaliste ni le programme communiste pour réaliser une nouvelle société n'existent.

Certains camarades ont tenté de faire face à la situation actuelle, les plus précises venant du CCI et de l'AWW.(2) Le premier a soutenu que la Gauche Communiste devrait produire une déclaration commune contre la guerre, arguant qu'elle aurait plus de poids en tant que déclaration venant de la Gauche Communiste dans son ensemble. L'orateur du CCI a semblé insinuer que le TCI avait déjà rejeté la proposition, mais le président de la réunion a fait remarquer que non seulement nous avions pris acte de la proposition du CCI plus de deux semaines auparavant, mais que nous y avions répondu dans les deux jours. Nous avions demandé au CCI de clarifier sa position sur la guerre actuelle et de préciser à qui, selon elle, l'appel qu'elle n'avait pas encore rédigé devait être envoyé, mais deux semaines plus tard, nous n'avons toujours pas de réponse.

Le camarade de l'AWW a mis l'accent sur le fait que les travailleurs de Liverpool avaient refusé de décharger des navires russes comme un indice d'un possible début de résistance de classe. Il a ensuite informé l'assemblée que l'AWW avait signé le document « Transnational Social Strike »(3), bien qu'il soit "un peu pacifiste", afin d'obtenir une coopération plus large dans la lutte contre la guerre, plus de 100 organisations dans le monde l'avaient signé.

Les camarades du CWO ont répondu que, malheureusement, le boycott des produits russes à Liverpool, comme d'autres au Royaume-Uni et en Europe, était en fait mené par les syndicats, qui s'identifient comme toujours au capital national et "font le travail des patrons". Il ne s'agissait pas d'actions de classe indépendantes contre les deux camps dans cette guerre. Nous étions également très critiques à l'égard des signataires du document « Transnational Social Strike », qui comprenait non seulement des sociaux-démocrates réformistes, mais aussi divers partisans de la libération nationale (des impérialistes "outsiders" "opprimés" qui peuvent s'identifier à l'Ukraine dans cette guerre contre un agresseur plus puissant).

La contribution la plus éloquente est venue d'un camarade qui a rejoint la réunion depuis la Russie. Il nous a raconté qu'avant l'attaque, toutes les chaînes de télévision russes disaient que l'invasion était une "hystérie occidentale", etc. Même le ministère des affaires étrangères semblait n'avoir aucune idée de l'imminence d'une invasion, et a eu l'air stupide quand elle s'est produite. Il a ajouté que les sanctions occidentales ne faisaient que consolider l'emprise du régime de Poutine sur la population russe qui a cru aux mensonges du régime sur les "opérations militaires spéciales". La préparation d'un conflit plus large des deux côtés s'intensifie.

Un camarade du CWO a ramené la discussion sur un sujet plus large en posant la question de la position de la Chine par rapport à cette guerre. Cela nous a permis de développer le point principal selon lequel le monde se divise désormais clairement en deux camps, tant sur le plan militaire qu'économique. Derrière l'Ukraine se trouvent les États-Unis et derrière la Russie se trouve la Chine. Ce sont les véritables antagonistes et déjà la Chine aide prudemment la Russie sur le plan économique comme sur le plan militaire.

Nous avons conclu la réunion en remerciant les camarades de leur participation - c'était en effet le signe qu'ils reconnaissaient la gravité de la situation dans laquelle le monde était plongé. Pour notre part, nous pensons que les communistes d'aujourd'hui sont préparés, sur le plan programmatique, à faire face à la crise en reconnaissant qu'il s'agit de la dernière étape, inévitable, de la crise du capitalisme qui dure depuis des décennies, et en tirant les leçons de l'expérience de la classe ouvrière dans le passé. Nous savons que l'invasion de l'Ukraine n'est qu'un épisode dans une situation de plus en plus dangereuse qui menace de se généraliser, si ce n'est maintenant, du moins plus tard. Même le gouvernement britannique, en mars 2021, a discrètement inversé quatre décennies de réduction des armes nucléaires et s'est engagé à augmenter son stock nucléaire de 40%. Le problème reste que nous n'avons toujours pas de résistance de classe de masse aux attaques du capital, et ce depuis longtemps. Vous pouvez avoir toute la préparation théorique que vous voulez, mais les révolutionnaires en dehors d'un réel mouvement de classe sont impuissants. Il est nécessaire qu'une nouvelle internationale ouvrière révolutionnaire contribue à la fois à la création d'un tel mouvement et serve de garde-fou contre la pénétration d'idées anti-ouvrières dans la lutte. Nous avons vu comment les mouvements prometteurs précédents n'ont donné naissance à aucune formation politique et sans cela, la conséquence est toujours qu'ils finissent soit dans la défaite et la dispersion ou pire, dans l'emprise d'un nouveau mouvement à l'intérieur de l'ordre capitaliste. Nous considérons que le document sur la grève sociale transnationale va dans cette dernière direction. Il est évident qu'il y a un grand pas à franchir de là où nous sommes maintenant à une véritable internationale. Notre proposition serait le développement du mouvement No War but the Class War qui initié au Royaume-Uni en 2002-2003 contre l'aventure impérialiste en Irak. Cela va au-delà des limites de la "gauche communiste" pour englober des individus et des organisations qui comprennent ce que signifie le défaitisme révolutionnaire. Cela signifierait aller au-delà du cri actuel de "non à la guerre" pour dire "à bas la guerre", et le système capitaliste qui produit la guerre impérialiste. Nous devons maintenant développer cela à l'échelle internationale. Et cela ne peut pas se contenter de déclarations sur papier, aussi essentielles soient-elles - notre objectif doit être d'organiser et de porter cela à la classe ouvrière mondiale, car seuls les exploités peuvent mettre un terme aux massacres continus que le capitalisme continue de produire.

Communist Workers’ Organisation

Notes:

(1) Cf. : « Syndicalisme et Libertes en Union Sovietique », Editions Maspero. Il s'agit d'une histoire des grèves sauvages en URSS qui s'est déroulée comme en Occident dans les années 60-70.

(2) Angry Workers of the World cf traduction de leur discussion sur la guyerre, traduction Yves Coleman : « Que feriez-vous si vous étiez en Ukraine ? » Est-ce une bonne question ? Résumé d'un débat sur l'Ukraine au sein de Angry Workers of the World mondialisme.org

(3) Le réseau TSS existe maintenant depuis trois ans, il s’est construit dans les centres sociaux en Italie, en lien avec blockupy à Francfort. Il contribue à construire des liens directs entre syndicalistes.

Monday, March 28, 2022