Le syndicalisme de base : lutte politique ou lutte contre les politiciens ?

Nous publions cet article de Battaglia Comunista pour instruire ceux qui nous accusent, -sans grande réflexion peut être ou plutôt après une lecture rapide de nos textes-, de ne pas dénoncer correctement les syndicats officiels comme les syndicats de base. Nous n'avons jamais agi avec ces organes de l’État bourgeois. Peut être confondent-ils le nécessaire militantisme avec tous les ouvriers au sein de la classe ouvrière ainsi que la volonté de pousser jusqu'au bout les luttes actuelles, avec une soit-disant collaboration imaginée avec ceux qui les entraînent par contre dans des voies de garage ? C'est le minimum qu'il faut avoir, c'est à dire bien lire et écouter ce que nous défendons, quand on s'étonne de ne pas pouvoir mener des actions communes. Nous refusons de rentrer dans le jeu des petites attaques sordides et de jouer au plus malin ou au « chat et à la souris » alors que la marche à la guerre généralisée actuelle exigerait plus de hauteur d'esprit et de responsabilité politique.

Groupe Révolutionnaire Internationaliste

Poursuivant notre analyse du syndicalisme "alternatif" (1), nous nous appuyons sur la lettre ouverte des SI Cobas adressée aux autres syndicats de base, visant à organiser une action unitaire le 1er mai.

On y lit notamment qu'ils sont "contre les politiques bellicistes, anti-prolétariennes, racistes et répressives du gouvernement Meloni". Cela suppose qu'ils doivent décider s'ils luttent pour le pouvoir ou s'ils s'inscrivent dans la perspective pas si lointaine de devenir la barrière bourgeoise de gauche contre les revendications politiques que, avec la lutte pour de meilleures conditions de vie et de travail, la classe ouvrière porte en elle, mais sans être encore capable de les exprimer.

Les relations sociales du capital déterminent les intérêts particuliers de la classe dominante (alias la bourgeoisie), composée des patrons et de leurs représentants politiques. Ils ne sont que la personnification du capital et aucun changement au sein de ce régime économique, au sens socialiste, n'est et ne sera jamais possible.

L'unité tant souhaitée des syndicats de base se limite donc à la lutte pour le pouvoir, réduite à une stratégie d'opposition à tous les partis constitutionnels, sans jamais proposer d'alternative sociale réelle et viable, comme celle, révolutionnaire, du renversement de l'État et de la conquête du pouvoir par le prolétariat.

L'absence d'unification des luttes et des grèves, pratique habituelle des syndicats dits de base (sans parler des syndicats traditionnels...), témoigne à suffisance de cette tendance du syndicalisme à fragmenter le prolétariat. Pour eux, la lutte contre l'ennemi commun de classe passe après les multiples manœuvres de renforcement de leur propre organisation, avec une perspective politique qui ne dépasse donc pas l'opportunisme désormais inné de la forme syndiquée de la lutte de classe.

En outre, la mention, contenue dans la "lettre" des SI Cobas, des objectifs prédateurs de la bourgeoisie internationale, réduit l'impérialisme à une division entre opprimés et oppresseurs de type colonial, posant une alliance possible naturellement dans une perspective anti-impérialiste, entre les peuples "opprimés" sans distinction de classe, comme s'il s'agissait de sociétés et de nations qui, étant opprimées, ne sont pas capitalistes d'une manière ou d'une autre. C'est inacceptable ! La théorie de l'impérialisme de Lénine est ici réduite à une vieille carcasse cassée, utile aux petites manœuvres de concurrence déguisées en internationalisme.

Attribuer les raisons de la crise du système, qui ne peut être résolue que par la destruction à grande échelle du capital excédentaire, tant en termes d'êtres humains que de moyens de production, à la volonté de politiciens individuels ("la réforme des retraites voulue par Macron") ou de tout le cirque parlementaire ("les attaques sur les salaires directs et indirects que les patrons et les gouvernements de toutes les couleurs politiques ont provoquées...") réduit le potentiel révolutionnaire des luttes ouvrières à un simple réformisme. Il est vrai, bien sûr, que les attaques sont menées par les patrons et leurs gouvernements "de toutes les couleurs". Mais si l'on ne dit pas qu'il s'agit là de l'expression de la crise historique du capital - qui, pour survivre, ne peut que "prendre" au prolétariat - elle véhicule implicitement l'idée qu'une lutte syndicale plus décisive pourrait contraindre les patrons et leurs valets politiques à modifier leur politique économique et sociale, dans le cadre d'un système aux prises avec une crise historique. Ainsi, l'apparente radicalité des revendications syndicales (hausse des salaires, hausse de l'impôt sur la fortune), est totalement illusoire et irréaliste, car elle suppose une classe qui vise la conquête du pouvoir politique et non la simple traduction de la colère dans un radicalisme syndical qui n'a pas de réponse réelle à la crise.

Ils sont figés dans l'éternelle attente, ou plutôt l'illusion, d'une vie meilleure, avec les effets prévisibles de démoralisation et de renoncement à la lutte, s'il n'y a pas d'autre but politique que la lutte contre tel ou tel politicien. Et les patrons leur en sont très reconnaissants !

Notre perspective est basée sur l'unification des luttes des travailleurs d'en bas, au-delà et en dehors des étiquettes syndicales, mais c'est exactement le contraire qui se produit, c'est-à-dire que les réalisations de la classe ouvrière - quand on peut parler de réalisations - passent pour des réalisations syndicales, apportées d'en haut, alors que la conscience du véritable acteur de la scène historique : le prolétariat international, est ignorée. Au lieu de cela, le syndicalisme a toujours eu tendance, à de rares exceptions près, à contrôler la lutte des travailleurs et à la maintenir dans les limites de la compatibilité avec le capitalisme.

Ce n'est pas l'organisation, mais, à l'heure actuelle, la désorganisation syndicale qui s'est historiquement confirmée.

Il ne s'agit pas de ne pas partager les revendications immédiates et concrètes des travailleurs qui n'arrivent à la fin du mois qu'en faisant des pieds et des mains, si tant est qu'ils y arrivent, mais de déchirer ce voile idéologique qui recouvre les aspirations réformistes, opportunistes ou tout au plus corporatistes que poursuit la logique de la bureaucratie syndicale ; ouvrir à l'action directe de la classe ouvrière les choix à faire au quotidien pour améliorer ses conditions de vie et de travail, en luttant directement contre l'ennemi de classe, le patron, et pas seulement ses représentants, qui se relaient sans cesse au pupitre de la démagogie bourgeoise. C'est une lutte menée sur le lieu de travail, par la grève et en brisant, même temporairement, la chaîne du profit et de l'exploitation. À quoi servent les grèves annoncées des mois et des mois à l'avance ou les marches rituelles sans interruption de la production ? Disons les choses telles qu'elles sont : elles servent à l'autojustification du syndicat.

Soit la lutte des classes se déroule sur un terrain directement politique, soit la logique de la délégation, dans le cadre de la domination capitaliste dans sa forme actuelle de décadence impérialiste, ne produira jamais de gains concrets, ni en termes de revendications, ni surtout en termes de conscience de classe.

Au contraire, nous travaillons à ce que les travailleurs les plus conscients politiquement rejoignent les rangs du parti révolutionnaire, dans le but de diffuser au sein de la classe des militants et des armes révolutionnaires inconciliables avec les revendications réformistes, tout comme les intérêts de classe de la classe ouvrière (entendue au sens large) sont inconciliables avec ceux des patrons, avec l'objectif urgent et actuel de former la classe révolutionnaire "pour elle-même".

GK
Battaglia Comunista

Notes :

(1) Pour les articles précédents mentionnant les syndicats de base en Italie, voir par exemple :Class Solidarity with the Arrested Workers in Piacenza, Italy: The Capitalist Attacks Are Already Beginning, Italy: Class Solidarity with the FedEx and Texprint Workers, Demonstration and Strike of Peroni Workers at Tor Sapienza (Rome), Two Comments on Recent Events around SiCobas in Italy

Saturday, November 11, 2023