Thèses de Radek sur l'impérialisme (1915)

Les guerres que le capitalisme déclenche aujourd'hui, et celles qui sont encore à venir, sont le produit de l'époque impérialiste. Notre compréhension de la signification de l'impérialisme repose sur plus d'un siècle d'expérience et de réflexion. Nous devons beaucoup aux révolutionnaires qui nous ont précédés et c'est dans cet esprit que nous avons traduit les thèses ci-dessous, rédigées en pleine Première Guerre mondiale.

Ces thèses ont été écrites vers septembre 1915 et publiées dans la Gazeta Robotnicza (Gazette des travailleurs), le journal de la faction "rozłamowcy"(1) de la Social-démocratie du Royaume de Pologne et de Lituanie (SDKPiL). Elles ont été signées par Karl Radek, Mieczysław Broński-Warszawski et Władysław Stein-Krajewski. En avril 1916, elles sont reproduites dans Vorbote (Héraut), le journal en langue allemande de la gauche de Zimmerwald, sous la direction d'Anton Pannekoek et d'Henriette Roland Holst. Après les avoir lues, Lénine y répond par une longue critique en faveur de l'autodétermination nationale, publiée en octobre 1916 (2). Le résultat de leurs divergences est que Vorbote ne paraît plus. Les thèses de Gazeta Robotnicza ont déjà été traduites en anglais en 1976, mais à notre connaissance, elles ne sont disponibles nulle part en ligne. Nous avons donc décidé de faire notre propre traduction, basée à la fois sur l'original polonais et sur la reproduction allemande.

Ce document ne doit pas être confondu avec les Thèses sur le droit des nations à l'autodétermination rédigées par Nikolaï Boukharine en novembre 1915 et cosignées par Gueorgui Piatakov et Evguénia Bosch (3). Lénine, déçu par Piatakov et Bosch qui ont signé les thèses de Boukharine, les attribue à l'influence de Radek :

Ils n'ont pas réfléchi. Ils n'ont pas lu. Ils n'ont pas étudié. Ils ont écouté deux ou trois fois Radek (il est atteint de la vieille maladie "polonaise" : il est confus à ce sujet) - et ils ont signé.

Lénine à A.G. Shlyapnikov, mars 1916

La vieille maladie "polonaise" était, bien sûr, l'opposition à l'autodétermination nationale. Cette position a été développée pour la première fois par Ludwik Waryński et son parti "Prolétariat" dans les années 1880, puis reprise par Rosa Luxemburg et le SDKPiL.(4) Radek, Broński et Krajewski faisaient tous partie de cette jeune génération qui s'est tournée vers la politique socialiste au tournant du siècle. Ils rejoignent le SDKPiL et participent à la révolution de 1905. Face à la répression, ils se sont réfugiés en Europe, étendant leurs relations politiques. Alors que Broński et Krajewski commencent à travailler en étroite collaboration avec Lénine et les bolcheviks, Radek rejoint Pannekoek et la Gauche de Brême en Allemagne. Dès 1912, Radek affirme que :

La vie intellectuelle du parti [allemand] [...] n'a pas suivi le rythme du développement capitaliste [...] Parce que le socialisme n'est pas une question "d'actualité" pour de larges cercles du parti, il n'est pas considéré comme une réponse concrète aux questions impérialistes. Le socialisme n'est pas présenté comme un cri de ralliement contre le cri de guerre impérialiste, mais les réponses sont plutôt recherchées en termes de Realpolitik.

Radek, Notre lutte contre l'impérialisme, mai 1912

Pour Radek et son entourage, "l'ère des luttes de masse a déjà commencé [...] la possibilité de conflits impérialistes, ainsi que de conflits économiques et politiques entre les forces de la réaction et la classe ouvrière, peut mettre le feu aux poudres à tout moment ". Radek, Broński et Krajewski se réfugient en Suisse, où ils peuvent continuer à publier la Gazeta Robotnicza. Internationalistes en théorie et en pratique, ils rejoignent tout naturellement la Gauche de Zimmerwald. Au moment de la révolution de février, ils se rangent tous du côté des bolcheviks. Alors que Krajewski est de retour à Varsovie en juin 1916, Radek et Broński sont avec Lénine lors du tristement célèbre voyage en train de Zurich à Petrograd (5). Dans les années qui suivent, Radek, Broński et Krajewski contribuent au processus de formation des partis communistes en Pologne et en Allemagne, et travaillent pour l'Internationale communiste et le Parti russe. À ce stade, cependant, ils abandonnent leur position antérieure sur la question nationale (Radek, dans un style particulièrement épouvantable, devient brièvement un défenseur du "bolchevisme national" en 1923). Finalement, ayant participé à des degrés divers aux oppositions anti-staliniennes, ils périrent tous dans les purges.

Mais avant et pendant la Première Guerre mondiale, ils ont défendu leur position sur la question nationale, même contre Lénine (avec lequel ils étaient par ailleurs en accord). Les thèses de 1915 constituent l'exposé le plus complet de leur point de vue à l'époque - point de vue qui, dans une large mesure, décrit encore la réalité dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui. Les auteurs comprennent que le capitalisme est entré dans l'ère impérialiste, ce qui signifie que la tâche du prolétariat n'est plus " l'extension ou l'expansion du capitalisme, mais son renversement ". Dans cette nouvelle période historique, les "appels à la position de Marx sur les questions nationales" ne sont plus pertinents. La solution à l'oppression nationale ne réside pas dans "l'établissement de nouveaux et le rétablissement d'anciens États nationaux", mais dans la lutte unie de la classe ouvrière internationale contre le système dans son ensemble. Ils considèrent toutes les discussions sur le "droit des nations à l'autodétermination" comme un héritage de la Deuxième Internationale corrompue, un "droit" qui non seulement ne peut être réalisé à l'époque impérialiste, mais qui est également inapplicable à la société socialiste (où la nation ne prendra plus le "caractère d'une unité politico-économique"). Ils mettent en garde contre le fait que, dans la pratique, le slogan "remplace la perspective sociale-révolutionnaire" et conduit à la division au sein du mouvement de la classe ouvrière. La conséquence en est visible aujourd'hui, puisque l'idée de nation a détrôné l'idée de classe dans une grande partie de la classe ouvrière (seule la petite minorité révolutionnaire s'accroche encore à cette dernière).

Là où les thèses laissent une certaine place à l'ambiguïté, et montrent peut-être des résidus du langage de la Deuxième Internationale, c'est en ce qui concerne les "droits démocratiques", ou la "lutte pour la démocratisation des conditions politiques dans le cadre du capitalisme". Il est clair, comme l'indiquent les auteurs, que "la lutte pour les revendications immédiates" doit être liée à la "perspective révolutionnaire", mais nous devons être clairs sur le fait que cela ne peut pas signifier la séparation du programme communiste en parties "minimales" et "maximales", comme soutenu par ailleurs (6). En fait, la révolution russe a posé la question d'une manière différente de celle à laquelle s'attendaient les auteurs des thèses - l'"abolition du tsarisme" a été le résultat de la lutte révolutionnaire de la classe ouvrière qui ne s'est pas arrêtée là, ainsi la vague révolutionnaire d'après-guerre a d'abord été déclenchée à l'Est "sous-développé" plutôt qu'à l'Ouest "mûr" (où le prolétariat, encore sous l'influence réformiste de ce qui restait de la Deuxième Internationale et face à une classe capitaliste plus puissante, n'a pas été en mesure de prendre le pouvoir).

Néanmoins, les thèses constituent un élément peu connu de la tradition internationaliste, et les dernières parties éclairent comment les militants révolutionnaires d'une "nation opprimée" sont parvenus à la conclusion que l'autodétermination nationale n'était pas une solution.

Dyjbas et Tinkotka
Organisation communiste des travailleurs
Octobre 2023

Notes sur l'introduction :

(1) En 1911, le SDKPiL se divise entre les "zarządowcy", qui soutiennent le centre du parti à Berlin, dirigé par Luxembourg et Jogiches, et les "rozłamowcy", qui ont des désaccords personnels, tactiques et organisationnels avec le centre et sont plus proches des bolcheviks. Ce clivage contribuera plus tard à ce que l'on appelle "l'affaire Radek", un incident particulier au cours duquel Radek est accusé d'avoir volé des ressources au parti et est exclu en 1912 par le centre du parti (Lénine et Pannekoek, entre autres, prennent sa défense). Ce qui unit les deux fractions, c'est leur position sur la guerre, la révolution et la question nationale, ce qui permet au SDKPiL de se réunifier en novembre 1916.

(2) Lénine, La discussion sur l'autodétermination résumée, marxists.org - marxists.org

(3) Disponible ici, mais malgré l'introduction, les thèses de Boukharine n'ont jamais été publiées dans les pages du Kommunist de 1915. marxists.org

(4) Sur Waryński et Luxemburg, voir : leftcom.org - leftcom.org

(5) Bien que Radek se soit vu refuser l'entrée en Russie et ait dû descendre à Stockholm.

(6) Voir Deux tactiques de la social-démocratie dans la révolution démocratique, Lénine : Deux tactiques de la social-démocratie dans la révolution démocratique - Préface (marxists.org)

Thèses de Gazeta Robotnicza sur l'impérialisme et l'oppression nationale

Adoptées par le comité de rédaction de Gazeta Robotnicza les 9 et 10 septembre 1915, publiées dans Gazeta Robotnicza, numéro 25, janvier 1916. Réimprimées dans Vorbote, numéro 2, avril 1916

I. Oppression nationale et social-démocratie internationale

1. L'impérialisme représente la tendance du capital financier à dépasser les frontières de l'Etat-nation pour conquérir outre-mer des sources de matières premières et des ressources alimentaires, pour réaliser des investissements et conquérir des marchés, en créant des États plus vastes et en fusionnant, même en Europe, des régions voisines et économiquement complémentaires, sans tenir compte de la nationalité de leurs habitants. Cette dernière tendance est également soutenue pour des raisons militaires, puisque l'impérialisme génère le besoin d'attaque et de défense en aggravant les contradictions entre les États.

Les tendances aux annexions coloniales et continentales de l'impérialisme signifient l'augmentation et la généralisation de l'oppression nationale, qui n'existait jusqu'à présent que dans les États multinationaux où, pour des raisons historiques et géographiques, une nation régnait sur les autres.

2. Cette oppression nationale est en contradiction avec les intérêts de la classe ouvrière. Cette même bureaucratie impérialiste, qui est l'organe de l'oppression nationale, devient également le support de l'oppression de classe du prolétariat de sa propre nation, elle applique tous les moyens utilisés dans la lutte contre la nation opprimée, contre son prolétariat en lutte c'est à dire celui de la nation dominante. En ce qui concerne la classe ouvrière de la nation opprimée, l'oppression nationale limite ainsi sa lutte de classe non seulement en diminuant sa liberté d'organisation et en abaissant son niveau social, mais encore en suscitant des sentiments de solidarité avec sa propre bourgeoisie nationale. Pieds et mains liés, politiquement corrompu par le nationalisme, le prolétariat de la nation opprimée devient un objet d'exploitation impuissant et donc un concurrent dangereux (en maintenant les salaires à un niveau bas et en brisant les grèves) des travailleurs de la nation opprimante.

L'État victorieux, en forçant des territoires étrangers à entrer dans son propre cadre, crée de nouvelles zones de guerre. L'État vaincu s'efforcera de récupérer ses territoires, parce qu'ils sont importants sur le plan économique et militaire, ou parce que les slogans de revanche nationale constituent la meilleure couverture pour la politique impérialiste de l'État vaincu.

3. Un parti social-démocrate doit donc s'opposer avec la plus grande énergie à la politique d'annexion de l'impérialisme ainsi qu'à la politique d'oppression nationale qui en est la conséquence. A l'affirmation impérialiste selon laquelle l'acquisition des colonies est nécessaire au développement du capitalisme, un parti social-démocrate répond qu'en Europe centrale et occidentale, comme aux Etats-Unis d'Amérique, le moment est déjà venu de transformer le capitalisme en socialisme, et que le socialisme n'a pas besoin de colonies, parce que les nations socialistes pourront fournir aux nations non développées une aide sociale désintéressée, de sorte que, sans avoir à les dominer, elles pourront recevoir en échange tout ce qu'elles sont géographiquement incapables de produire elles-mêmes.

La tâche historique du prolétariat, - maintenant pleinement réalisable -, n'est pas l'extension ou l'expansion du capitalisme, mais son renversement. A l'affirmation selon laquelle les annexions sont nécessaires en Europe pour la sécurité militaire de l'Etat impérialiste victorieux, et donc pour la sécurité de la paix, la social-démocratie répond que les annexions ne font qu'aggraver les contradictions et, ce faisant, augmentent le danger de guerre. Mais même si ce n'était pas le cas, la social-démocratie ne peut participer à l'instauration d'une paix fondée sur l'oppression des nations. Car si elle devait approuver une telle paix, elle ouvrirait un gouffre entre le prolétariat des nations dominantes et celui des nations opprimées. Le prolétariat de la nation dominante, en approuvant les annexions, serait responsable de la politique impérialiste et, par son soutien continu à cette politique, deviendrait le suppôt de l'impérialisme ; d'autre part, le prolétariat de la nation opprimée s'unirait à sa propre bourgeoisie, il considérerait le prolétariat de la nation dominante comme son ennemi. Au lieu de la lutte internationale du prolétariat contre la bourgeoisie internationale, nous aurions la division du prolétariat, sa corruption spirituelle. Il resterait complètement paralysé dans sa lutte contre l'impérialisme, tant pour ses intérêts quotidiens que pour le socialisme.

4. Le point de départ de la lutte de la social-démocratie contre les annexions, contre la conquête violente de nations opprimées dans les frontières de l'Etat conquérant, est le rejet de toute défense de la patrie qui, à l'époque de l'impérialisme, est le droit de sa propre bourgeoisie d'opprimer et de piller les nations étrangères. La lutte de la social-démocratie consiste à dénoncer l'oppression nationale comme une atteinte aux intérêts du prolétariat de la nation dominante, à revendiquer tous les droits démocratiques pour la nation opprimée, y compris la liberté d'agitation pour la séparation politique, puisque les principes démocratiques exigent que l'agitation, sous quelque forme que ce soit, soit combattue par les idées plutôt que par la force. En rejetant ainsi toute responsabilité pour les conséquences de la politique impérialiste d'oppression et en la combattant sans compromis, la social-démocratie n'est en aucun cas favorable à l'établissement de nouveaux postes frontières en Europe ou au rétablissement de ceux qui ont été démolis par l'impérialisme. Dans les régions où le capitalisme s'est développé sans État propre, l'évolution historique a montré qu'un État indépendant n'était en aucun cas une condition sine qua non pour le développement des forces productives et la mise en œuvre du socialisme. Là où la roue de l'impérialisme écrase un État capitaliste existant, sous la forme brutale de l'oppression impérialiste, la concentration politique et économique du monde capitaliste est donc accomplie, ce qui ouvre la voie au socialisme. La social-démocratie, s'appuyant sur les conséquences de cette concentration qui maintient les masses par l'oppression nationale et économique, doit éduquer les masses laborieuses de la nation opprimée et de la nation opprimante dans une lutte unie qui seule peut renverser l'oppression nationale et l'exploitation économique conduisant l'humanité, à travers l'impérialisme, vers le socialisme.

La social-démocratie dans les pays capitalistes développés peut concevoir le renversement de l'impérialisme non pas dans le retour aux anciennes formes, ni dans l'établissement de nouvelles et le rétablissement d'anciens États nationaux, mais dans l'appel : "À bas les frontières", pour ouvrir la voie au socialisme, car les relations économiques sont déjà mûres. Cette tâche donne également lieu au mot d'ordre de "À bas les colonies", qui couronne notre lutte contre l'oppression nationale de l'impérialisme. Les colonies sont des sources de nouveaux profits pour le capital, qui espère ainsi prolonger sa vie. Le capitalisme cherche même à en tirer une force physique en créant des armées indigènes qu'il utilisera contre le prolétariat révolutionnaire aussi facilement qu'il les utilise actuellement dans la guerre mondiale contre ses concurrents. Ce rejet international de l'expansion coloniale, qui ne peut être obtenu que par le prolétariat dans la lutte révolutionnaire, ne signifiera nullement une régression des pays capitalistes développés vers la barbarie, comme le prétendent les social-impérialistes. Depuis des années, dans les pays les plus importants de l'Est (Turquie, Chine, Inde), il y a une croissance notable des éléments bourgeois qui sont capables d'accomplir de façon indépendante les tâches de développement des forces productives qui sont encore en avance sur le capitalisme dans ces pays. En exigeant la renonciation à l'expansion coloniale du capitalisme européen, et en utilisant les luttes de la jeune bourgeoisie coloniale dirigées contre l'impérialisme européen pour intensifier la crise révolutionnaire en Europe, la social-démocratie sert à accélérer le moment où l'heure du socialisme sonnera aussi en dehors de l'Europe, elle soutiendra les luttes prolétariennes dans les pays coloniaux contre le capital européen et national, et essaiera également de faire comprendre au prolétariat colonial que son intérêt permanent exige une solidarité non pas avec sa bourgeoisie nationale, mais avec le prolétariat européen luttant pour le socialisme.

Pour conduire à la libération des masses nationalement opprimées, la lutte de la social-démocratie doit être une lutte sociale-révolutionnaire qui s'efforce de détruire la domination du capitalisme. Car ce n'est qu'en abolissant la propriété privée capitaliste que la classe ouvrière peut également abolir l'oppression nationale, qui n'est qu'une partie de la domination de classe. La société socialiste ne connaîtra pas l'oppression, mais conférera à toutes les nations le droit de décider collectivement de tous leurs besoins, et donnera à chaque citoyen la liberté de déterminer ses tâches avec les autres.

L'orientation de la lutte contre l'oppression nationale dans le vaste courant de la lutte révolutionnaire de masse pour le socialisme signifie que cette lutte ne doit pas être reportée à une époque incertaine, et que les peuples opprimés ne doivent pas non plus être rassurés quant à un avenir meilleur, puisque les conséquences révolutionnaires de l'époque impérialiste la préparent simultanément à la période de la révolution socialiste, au cours de laquelle le prolétariat brise toutes ses chaînes.

II. Le soi-disant droit des nations à l'autodétermination

La formulation du droit à l'autodétermination est héritée de la IIe Internationale. Dans la IIe Internationale, cette formulation a joué un rôle ambigu : d'une part, elle était censée exprimer une protestation contre tout asservissement national ; d'autre part, elle devait exprimer la volonté de la social-démocratie de "défendre la patrie". Sur les questions relatives aux nations individuelles, elle n'a été utilisée que pour éviter d'examiner leur contenu concret et leurs tendances de développement. Alors que les conséquences de la politique de défense de la patrie dans la guerre mondiale démontrent clairement le caractère contre-révolutionnaire de cette formulation à l'époque de l'impérialisme, son caractère trompeur en tant que formulation visant à articuler notre lutte contre l'oppression nationale reste, pour beaucoup, obscur. Puisqu'elle exprime clairement l'opposition aux tendances impérialistes d'oppression, certains sociaux-démocrates révolutionnaires (par exemple en Russie) la considèrent comme un outil nécessaire à notre agitation révolutionnaire. Bien que nous comprenions parfaitement l'objectif révolutionnaire prolétarien qu'ils poursuivent avec une propagande contenant le slogan du droit à l'autodétermination, nous ne reconnaissons pas cette formulation comme une expression correcte de notre lutte contre l'impérialisme. Les raisons en sont les suivantes:

1. Le droit à l'autodétermination ne peut être réalisé au sein de la société capitaliste

Les nations modernes représentent la forme politico-culturelle de la dictature de la bourgeoisie sur les masses qui parlent la même langue. Divisée en classes, la nation n'a ni intérêt ni volonté communs. La politique "nationale" est celle qui correspond aux intérêts des classes dominantes. Cela ne contredit en rien l'existence de la démocratie politique dans les différents pays capitalistes. L'influence de la domination économique du capital sur les masses, son traitement systématique et continu par tous les organes de l'État capitaliste (église, école, presse), permet à la bourgeoisie d'imposer de manière détournée la volonté du capitalisme à la majorité du peuple, et de faire passer la volonté du capitalisme pour celle du peuple. C'est cela la démocratie moderne ! Dans les relations entre les nations, ce sont les intérêts de la bourgeoisie la plus forte ou d'une union de plusieurs de ses groupes nationaux qui priment. Étant donné que le capital ne peut retarder son expansion jusqu'à ce qu'il ait acquis une influence économique et culturelle dans les régions où il veut s'étendre, ce qui prendrait des décennies, et qu'une telle expansion pacifique est souvent contrariée par la volonté conflictuelle d'autres groupes capitalistes et donc rendue impossible, les formes de démocratie politique sont éliminées dans les questions d'annexion de territoires étrangers, et la violence ouverte domine. Dans ce cas, le référendum ne peut être utilisé que comme une tromperie ouverte pour sanctionner des actes de violence. Il est donc tout à fait impossible, sur le terrain capitaliste, de faire de la volonté des nations un facteur décisif dans les questions de modification des frontières, comme l'exige le soi-disant droit à l'autodétermination.

Dans la mesure où cette exigence est interprétée comme si une partie individuelle d'une nation décidait elle-même de son appartenance à tel ou tel État, elle n'est pas seulement utopique - parce que le capital ne laissera jamais au peuple le soin de déterminer les frontières de son État - mais elle est aussi exceptionnelle et antidémocratique. Si les masses populaires d'un pays donné avaient entre leurs mains la décision concernant ses frontières, celle-ci devrait être prise au niveau de l'État tout entier, et non d'une province particulière. En effet, lorsqu'il s'agit d'un litige entre deux pays, la démocratie exige qu'un accord soit conclu entre leurs représentants démocratiquement élus. Si, par exemple, l'annexion de l'Alsace-Lorraine [alors Elsass-Lothringen] par la France y suscitait une question nationale - comme l'espère la partie de la population qui aspire à retourner dans l'Empire allemand -, si elle entraînait le danger d'une revanche de l'Allemagne, c'est-à-dire si celle-ci menaçait la France d'une nouvelle guerre, il est clair qu'il ne serait nullement démocratique de faire peser toutes ces conséquences sur le peuple français sans qu'il ait eu son mot à dire, sur la seule base de la volonté des Alsaciens.

2. Le droit à l'autodétermination est inapplicable dans une société socialiste

Le soi-disant droit à l'autodétermination est également utilisé avec la note qu'il ne sera réalisé que sous le socialisme et qu'il exprime donc notre aspiration au socialisme. Nous soulevons l'objection suivante. Nous savons que le socialisme abolira toute oppression nationale, parce qu'il abolira les intérêts de classe qui y conduisent. Nous n'avons pas non plus de raison de supposer que la nation, dans la société socialiste, prendra le caractère d'une unité politico-économique. Selon toute vraisemblance, elle n'aura que le caractère d'une unité culturelle et linguistique, car la division territoriale de l'espace culturel socialiste, pour autant qu'elle existe, ne peut se faire qu'en fonction des besoins de la production, de sorte qu'il n'appartiendra naturellement pas aux nations individuelles de décider de cette division sur la base de leur propre autorité (comme l'exige le "droit à l'autodétermination"), mais à tous les citoyens intéressés d'avoir leur mot à dire. L'adoption de la formule du "droit à l'autodétermination" pour le socialisme est une incompréhension totale du caractère de la communauté socialiste.

3. Les conséquences tactiques de l'utilisation de la formule du droit à l'autodétermination

Comme tout slogan utopique, elle répand de fausses conceptions sur le caractère des sociétés capitalistes et socialistes et induit en erreur le prolétariat dans sa lutte contre l'oppression nationale. Au lieu de dire ouvertement au prolétariat qu'il ne peut se libérer du danger de la détermination arbitraire de son sort par les besoins militaires et économiques d'un capitalisme déchiré par les contradictions, pas plus que du danger des guerres, sans avoir aboli le capitalisme, le mot d'ordre suscite des espoirs irréalisables dans la capacité du capitalisme à s'adapter aux intérêts nationaux des nations les plus faibles. Ainsi, le mot d'ordre, même contre la volonté de ceux qui le prêchent, remplace la perspective social-révolutionnaire, conséquence la plus importante de la guerre mondiale, par une perspective national-réformiste. Dans le programme du prolétariat des nations opprimées, le slogan du droit à l'autodétermination pourrait servir de pont vers le social-patriotisme. Comme le montre l'expérience des mouvements ouvriers polonais, ukrainien et alsacien, ce slogan sert d'argument au courant nationaliste au sein de la classe ouvrière, à l'espoir dans les partis bellicistes, par lesquels le front international du prolétariat est brisé.

Dans le programme du prolétariat des nations opprimées, présenté comme une solution à la question nationale, le slogan donne aux social-impérialistes l'occasion de présenter notre lutte contre l'oppression nationale comme un sentimentalisme historiquement injustifié, et donc de saper la confiance du prolétariat dans le fondement scientifique du programme social-démocrate. En effet, ils pourraient semer l'illusion parmi le prolétariat de la nation opprimée que, contrairement au prolétariat des nations opprimées, il dispose déjà de l'autodétermination de son destin, et qu'il est donc tenu de défendre son intérêt "commun", sa volonté, aux côtés d'autres sections de la nation. Cependant, si le slogan du droit à l'autodétermination est utilisé comme un droit qui ne pourrait être réalisé qu'à la suite de la révolution sociale, c'est-à-dire un droit qui nous conduit à la lutte pour le socialisme, alors - sans parler de l'impossibilité de l'autonomie d'un groupe national socialiste par rapport à l'intérêt général commun à tous - il est inadéquat. Parce que dans la période de transition, lorsque le socialisme est économiquement possible mais que la lutte de classe sociale-révolutionnaire n'a pas encore commencé, nos intérêts tactiques exigent que l'accent soit mis sur le slogan clair et non dilué du socialisme, de la révolution sociale, en tant qu'idée centrale qui élargit et renforce chaque partie de notre lutte.

4. Évaluation de la question dans une perspective historique

Tout appel à la position de Marx sur les questions nationales dans la période 1848-1871 n'a aucune valeur, car si Marx a soutenu la libération de l'Irlande et l'indépendance de la Pologne, il s'est simultanément opposé aux mouvements d'indépendance des Tchèques, des Slaves du Sud et d'autres. Au contraire, la position de Marx montre qu'il n'appartient pas au marxisme de formuler des positions sur des questions concrètes par le biais de "droits" abstraits. La position négative de la social-démocratie à l'égard de toute oppression nationale, comme nous l'avons montré dans nos thèses, est le résultat de l'incompatibilité entre les intérêts de classe du prolétariat et tout soutien aux classes dirigeantes. La position positive à l'égard de chaque problème national concret (de l'Alsace-Lorraine, de la Pologne, de la question des Balkans) ne peut réussir que sur la base de tendances concrètes de développement de cette question elle-même dans le cadre de l'ensemble de l'époque impérialiste.

Il est absurde de qualifier de proudhonienne la position proprement marxiste contre la formulation du droit à l'autodétermination. Le Proudhonisme a nié la question nationale et a voulu résoudre toutes les questions sociales non pas par la lutte des classes, mais par l'association de petits bourgeois. Les opposants marxistes au soi-disant droit à l'autodétermination ne nient pas la question nationale et refusent de reporter la lutte contre l'oppression nationale après la victoire du socialisme. S'ils ne peuvent en aucun cas être accusés de Proudhonisme, la méthode des partisans du droit à l'autodétermination peut être qualifiée d'application schématique des concepts démocratiques.

5. La social-démocratie polonaise et la question du soi-disant droit à l'autodétermination

Le SDKPiL a pris position sur la question polonaise sur la base de son analyse sur la tendance du développement économique de la Pologne en 1893. Les vingt années qui ont suivi dans l'histoire de la Pologne ont entièrement confirmé cette analyse, la dernière étant que, ni pendant la révolution de 1905/06, ni pendant la guerre mondiale, aucune classe sociale sérieuse n'a exprimé le moindre désir d'indépendance en Pologne. Le SDKPiL a rejeté le slogan du droit à l'autodétermination lorsqu'il a été évoqué au Congrès international de Londres en 1896, pour éviter de prendre position par rapport au slogan concret des sociaux-patriotes polonais, qui avaient inscrit la lutte pour l'indépendance de la Pologne sur leur bannière. Après que le slogan de l'autodétermination soit devenu un écran de fumée pour le social-patriotisme, les représentants de la social-démocratie polonaise ont lutté contre son adoption par le RSDLP dans son programme de 1903. Bien que cela se soit produit, la SDKPiL a rejoint le parti dans son ensemble en 1906 lorsque, d'une part, notre victoire décisive sur le social-patriotisme a réduit le risque qu'il invoque ce point du programme du RSDLP et que, d'autre part, la lutte révolutionnaire de masse a rendu impératif le rassemblement de tous les rangs en dépit de toutes les divergences d'opinion. De plus, cela a été possible parce que ce point du programme n'a joué aucun rôle dans l'agitation du RSDLP pendant la révolution, parce que nous avions nos propres représentants dans l'organe central de ce parti, et parce que nous jouissions d'une grande liberté d'expression et d'une grande liberté d'action. A l'époque de la contre-révolution, les questions nationales en Russie ont pris une grande importance politique et, par conséquent, une discussion s'est engagée sur la position de la social-démocratie, et les sociaux-démocrates polonais ont élaboré leur position sur ces questions de manière approfondie.

Nous avons justifié et développé cette position en général dans ces thèses. Nous avons appliqué cette position à la question polonaise dans une résolution spéciale de septembre 1915, que nous joignons ici pour montrer concrètement comment, à notre avis, l'agitation d'un point de vue social-révolutionnaire parmi les travailleurs des nations opprimées peut être menée à bien.

III. La question polonaise et la social-démocratie

1. L'attitude des classes possédantes pendant la guerre mondiale a montré avec une terrible clarté la vérité de l'affirmation du SDKPiL selon laquelle le développement du capitalisme a divisé les intérêts du capitalisme polonais en fractions opposées et les a liés aux intérêts des puissances qui les divisaient. Cet éclatement de la lutte pour l'indépendance a trouvé son expression dans le renoncement conscient de la bourgeoisie polonaise au mot d'ordre d'indépendance. Tout leur programme de guerre doit être réalisé non seulement par la violence militaire de l'un ou l'autre camp impérialiste, mais ils s'efforcent même de renforcer l'un de ces camps en réunissant les territoires polonais en son sein. Tous les programmes de guerre de la bourgeoisie polonaise sont dirigés contre l'indépendance de la Pologne.

La guerre mondiale a prouvé que la période de création d'États-nations en Europe était révolue. Dans la période impérialiste du capitalisme, chaque État vise à étendre ses frontières par des annexions et l'oppression de nations étrangères. L'attitude de la bourgeoisie polonaise dans tous les partages [autrichien, allemand, russe] a montré de manière flagrante que l'idéal de l'État-nation à l'époque impérialiste est un anachronisme, et confirme la validité de la position du SDKPiL sur l'aspiration à l'indépendance.

Le prolétariat polonais n'a jamais fait de l'indépendance nationale son objectif. Il est né de l'unification capitaliste des trois parties de la Pologne avec les États du partage et a mené sa lutte pour la démocratie, pour l'amélioration de sa situation économique, pour le socialisme dans le cadre des États historiquement existants, avec les prolétaires de toutes les autres nations. Ils ont cherché à détruire non pas les frontières existantes des États, mais plutôt le caractère de l'État en tant qu'organe d'oppression de classe et nationale. Aujourd'hui, à la lumière de l'expérience de la guerre mondiale, l'adoption du slogan de l'indépendance comme moyen de lutte contre l'oppression nationale serait non seulement une utopie néfaste, mais la négation des fondements les plus simples du socialisme. Ce mot d'ordre signifierait que l'on s'efforce de créer une nouvelle puissance impérialiste, une puissance qui s'efforcerait elle-même d'assujettir et d'opprimer les nations étrangères. Le seul résultat d'un tel programme serait l'affaiblissement de la conscience de classe, l'exacerbation des contradictions nationales, la division des forces du prolétariat et l'amplification de nouveaux dangers de guerre.

2. Le programme d'unification des terres polonaises sous la domination d'un des Etats impérialistes ou d'une coalition d'entre eux, tel que celui élaboré par les Austro-polonais ou les Russophiles polonais, est né au sein de la bourgeoisie polonaise de la volonté de renforcer sa propre position vis-à-vis des bourgeoisies des puissances de son partage, afin de s'assurer une plus grande part du butin impérialiste des terres polonaises.

D'autre part, chez les puissances partisanes de son partage, la tendance à l'unification des terres polonaises suscite à son tour des intérêts impérialistes à la fois stratégiques et généraux, qui nécessitent une extension du territoire national. Née des intérêts impérialistes des bourgeoisies au pouvoir tant en Pologne que dans les Etats partisans du partage, l'unification des terres polonaises sous la domination d'une grande puissance ou d'une coalition de grandes puissances ne pouvait être qu'un instrument de la politique impérialiste. Parce que ces intérêts impérialistes, à la fois généraux et spécifiquement économiques, exigent que les territoires polonais soient maintenus dans une soumission totale, ils ne peuvent pas leur permettre l'existence d'un système démocratique. Il ne saurait donc être question qu'une telle unification apporte ne serait-ce que la garantie minimale d'un libre développement social, seul aspect de la question nationale apportant un intérêt au prolétariat.

La question de savoir si la guerre conduira à l'unification des terres polonais en une entité affiliée à l'État victorieux dépendra de la guerre et de la situation diplomatique qui en découlera. La guerre pourrait également se terminer par le démembrement de ses terres avec de nouvelles annexions et une nouvelle division de la carte de la Pologne. En effet, les craintes que ces nouvelles divisions et les modifications de l'économie, des coutumes et des conditions juridiques qu'elles entraînent puissent étrangler son développement capitaliste, et, avec lui, le mouvement socialiste au parlement polonais, sont exagérées. Le degré relativement élevé de développement économique de la Pologne a déjà créé des forces productives capables de s'adapter à de nouvelles conditions, et le fait que le mouvement socialiste s'affaiblirait dans une partie de la Pologne est compensé par le fait qu'il gagnerait en force dans d'autres. Cependant, la nécessité d'une telle adaptation provoquerait une longue crise économique, dont le poids reposerait entièrement sur le dos du prolétariat.

Ce que nous avons dit ci-dessus se rapporte à l'idée de création un État tampon indépendant qui, soit dit en passant, est une utopie creuse pour de petits groupes impuissants. En réalité, cette idée signifierait la création d'un Etat polonais croupion, qui serait la colonie militaire de l'un ou de l'autre bloc des superpuissances, un ballon d'entraînement pour leurs intérêts militaires et économiques, un territoire d'exploitation pour les capitaux étrangers et le champ de bataille d'une future guerre.

3. Il s'ensuit que les intérêts du prolétariat - économiques, culturels et politiques - excluent tout soutien au programme de guerre de la bourgeoisie polonaise. La vieille politique prolétarienne, déterminée par les intérêts de classe du prolétariat, doit rester inchangée et la classe ouvrière n'a pas la moindre raison de l'abandonner en faveur d'un programme de guerre bourgeois. Le soutien à un tel programme, sans aucune justification et qui n'a aucune utilité réelle, signifierait l'abandon de l'action de classe indépendante, la conclusion d'une alliance avec la bourgeoisie en temps de guerre et, en fin de compte, le déraillement de la tactique du prolétariat pour de nombreuses années à venir. D'autre part, le prolétariat ne peut accepter la défense des frontières des Etats intéressés au partage, car à l'époque actuelle, tout Etat capitaliste est devenu un obstacle au développement, sans parler du fait que pour le prolétariat polonais, ces puissances ont été un organe, non seulement d'oppression de classe, mais encore d'oppression nationale.

Sans fermer les yeux sur tous les dangers soulignés ci-dessus qui surgissent pour le prolétariat dans le cas d'un nouveau partage de la Pologne, le prolétariat doit tenir compte du fait qu'ils ne peuvent être éliminés dans le cadre de l'époque impérialiste, tout comme tous les autres dangers de l'impérialisme, ils ne peuvent être éliminés sans la victoire du socialisme.

4. Que les questions générales que la guerre a soulevées, ne puissent être résolues, ni les intérêts nationaux-culturels du prolétariat polonais défendus avec succès à l'époque impérialiste, ne signifie nullement que le prolétariat doive "attendre" les bras croisés que l'avènement du socialisme le libère des nouveaux dangers et fardeaux de la guerre et des nouveaux dangers de l'oppression nationale. L'impérialisme est la politique du capitalisme au stade actuel de développement qui rend possible l'organisation socialiste de la production. Les sacrifices que le prolétariat fait dans la guerre, l'augmentation des charges fiscales, la réaction politique, la détérioration des conditions de travail, toutes les conséquences de la guerre pousseront le prolétariat vers la lutte révolutionnaire pour le socialisme, qui achèvera la prochaine époque historique. La lutte contre la guerre ouvre cette nouvelle époque. En montrant au prolétariat comment le capitalisme qui, au nom de ses propres intérêts, envoie les peuples à l'abattoir, déchire les nations, piétine les besoins nationaux, traite les masses comme du bétail muet, et en protestant contre ce gaspillage du sang des peuples, ce partage arbitraire des nations entre les superpuissances, ce redoublement de l'oppression nationale, nous préparons le prolétariat à la lutte révolutionnaire.

Que l'exacerbation de la crise politique permette déjà au prolétariat de jouer un rôle actif pendant la guerre, ou que ces luttes ne viennent que plus tard, le prolétariat ne poursuivra aucune politique séparatiste (défense du statu quo, lutte pour l'unification sous une seule puissance), ni ne poursuivra le rêve chimérique de l'indépendance de la Pologne. Il transformera ses protestations contre les conséquences de la guerre (sacrifice du sang, dommages économiques, annexions, oppression nationale) en lutte contre les causes de l'impérialisme. Le prolétariat polonais mènera cette lutte, en tant qu'effort conscient pour la révolution sociale, avant tout en solidarité avec le prolétariat international, en particulier avec celui des puissances pour le partage du pays.

Cette lutte sociale-révolutionnaire n'exclut pas la lutte pour la démocratisation des conditions politiques dans le cadre du capitalisme, comme l'abolition du tsarisme en Russie, ni la lutte pour les libertés nationales, comme l'extension de l'autonomie locale, provinciale et nationale. Au contraire, la perspective révolutionnaire doit renforcer l'ardeur du prolétariat dans la lutte pour les revendications immédiates, car la conscience que seule la révolution sociale peut ouvrir la voie à l'abolition totale de l'oppression de classe et nationale armera le prolétariat contre tout compromis politique qui saperait la lutte de classe.

Comité de rédaction de Gazeta Robotnicza
(Karl Radek, Mieczysław Broński-Warszawski et Władysław Stein-Krajewski)
Wednesday, January 24, 2024