À propos de la "victoire" maoïste au Népal

C’est maintenant officiel, la guerre civile népalaise est terminée. À peine sept mois après que des manifestations importantes aient forcé le roi Gyanendra à renoncer à l’essentiel de ses pouvoirs, le Parti "communiste" du Népal (Maoïste) et les sept principaux partis politiques parlementaires ont signé un accord de paix en novembre, mettant ainsi fin à un conflit qui a fait près de 14000 morts en dix ans. Les maoïstes népalais proclament maintenant que leur but à court et à moyen terme n’est ni le socialisme, ni même une prétendue "Démocratie Nouvelle", mais bien la construction du capitalisme comme l’a candidement annoncé leur dirigeant suprême Prachanda. Pour le parti népalais, la figure de proue de l’internationale maoïste (le soi-disantMouvement Révolutionnaire Internationaliste), la guerre civile qu’il a menée et les tâches qui l’attendent pour les décennies à venir consistent à liquider le féodalisme et ses vestiges; comme si la forme monarchique ne contenait pas déjà un contenu essentiellement capitaliste; comme si le capitalisme dans sa phase impérialiste n’avait pas déjà affirmé sa domination absolue dans tous les recoins de la terre. Ainsi, Dev Bahadur Gurung, un des principaux dirigeants maoïstes déclarait au Rising Nepal (1) que "le PCN (M) ne s’opposait pas à la mondialisation et à la libéralisation économique ou à l’économie de marché" à la condition qu’ils servent les intérêts de l’économie nationale, une économie qui devrait être la plus "dynamique" du Sud-est asiatique d’ici dix ans selon son camarade Prachanda.

Il va sans dire que les exploiteurs sont ravis du "réalisme politique" des maoïstes. La Bourse népalaise n’en finit plus d’afficher des résultats positifs faisant preuve de sa confiance et de son optimisme. Le ministre des Affaires étrangères du Canada, Peter MacKay a salué l’accord tout comme le Secrétaire général des Nations Unies qui s’est félicité de ce pas dans la construction d’un "État démocratique et inclusif".

Prachanda, devenu l’enfant chéri des médias et donnant maintenant ses conférences de presse dans les hôtels les plus chics de Katmandou, n’a de cesse de prétendre que son "néo-socialisme" est "la première grande expérience planétaire du 21e siècle". Mieux, les maoïstes népalais vantent la "valeur universelle" de "la voie de Prachanda". Cette voie consiste à préparer des élections en 2007, qui devront se prononcer sur le maintien ou non de la monarchie népalaise et, dans le cas du maintien, de sa forme. D’ici là, il y l’appel au calme, le cantonnement des soldats maoïstes sous la surveillance bienvenue et bienveillante de l’ONU (faut-il rappeler le rôle de cette institution impérialiste?) et la construction du capitalisme népalais.

Ici et là, il y a eu chez les maoïstes des voix pour s’élever contre cette "trahison". En France, en Colombie et en Inde, il y en a qui s’insurgent contre cette "révision" du marxisme, contre cet abandon de la lutte pour le socialisme en ce trentième anniversaire de la mort du "Grand Timonier" Mao Zedong. C’est dire jusqu’à quel point les mythes les plus éculés de l’histoire peuvent encore peser sur les épaules des générations nouvelles. Il n’y a jamais rien eu de socialiste ou de marxiste dans la Chine mao-stalinienne. Tout système se basant sur le travail salarié, quelques soient ses prétentions reste capitaliste. Et le capitalisme d’État dans l’Empire du Milieu sous Mao Zedong a été particulièrement brutal. Sa prétendue Grande Révolution Culturelle Prolétarienne (qui n’avait rien à voir avec la révolution, ni avec la culture et encore moins avec le prolétariat) n’a été qu’une sanglante et sournoise mobilisation de masse dans le cadre d’une lutte factionnelle plus meurtrière encore que les purges staliniennes des années 30. Et elle suivait des campagnes aussi, sinon plus létales encore comme les "Cent Fleurs" ou le "Grand Bond En Avant". Toutes ces opérations destructrices menées par Mao lui-même contre son peuple culmineront de son vivant par l’entente négociée avec l’impérialisme américain et la rencontre spectaculaire avec Kissinger et Nixon, la reconnaissance à vitesse record du régime Pinochet, et l’entreprise de collaboration de classe à l’échelle planétaire qui avait pour nom la Théorie des Trois Mondes. En annonçant une nouvelle étape préparatoire à la "Démocratie Nouvelle", Prachanda révise peut-être un peu le maoïsme classique mais peu nous importe, car le maoïsme n’a jamais été autre chose qu’un sous-produit de la contre-révolution stalinienne.

Prachanda semble l’ignorer, mais les prolétaires eux savent à quel prix et au dépens de qui on construit une "économie dynamique" dans le cadre du marché et sous la domination de l’impérialisme. Du haut de ses montagnes, le maoïsme népalais n’a accouché que d’une souris et Prachanda a fait la preuve qu’il n’est qu’un rat de plus à rogner l’espace vitale de l’humanité et à déformer et trahir l’essence même du mouvement communiste.

Notre programme

À l’encontre de l’illusion stalinienne du socialisme dans un seul pays, contre la conception dépassée d’un programme minimum à réaliser avant le programme maximum et contre le piège de la prétendue révolution par étapes, nous affirmons: À l’existence internationale du prolétariat et ses perspectives historiques, correspondant à la domination internationale du capital, se joint l’unicité internationale de son programme historique. Une classe unique et internationale, donc un programme unique et international. Concrètement, cela veut dire que nous rejetons n’importe quelle hypothèse politique qui verrait le prolétariat s’accommoder à d’autres classes sociales et à d’autres programmes en vue de traverser des phases économiques ou de construire des formations sociales ou étatiques intermédiaires entre l’ordre capitaliste actuel et la société socialiste de demain. Au Népal, comme partout ailleurs sur la planète, le socialisme reste la seule alternative à la barbarie capitaliste.

Ni stalinisme, ni maoïsme! Vive la révolution prolétarienne mondiale!

Le Groupe Internationaliste Ouvrier

(1) 21 0ctobre 2006.