Ossétie du Sud - Un pivot du “Grand Jeu” impérialiste

Depuis 1992, la question de l’Ossétie trouble le Caucase. Comme tous les autres nationalismes, le nationalisme ossète fait partie d’un jeu impérialiste rendu plus ardu par la crise internationale. Les forces motrices qui ont entraîné la Géorgie à attaquer la petite région autonome du Caucase et celles qui ont incité la Russie à se servir de son armée en soutien aux sécessionnistes ossètes contre le gouvernement de Tbilissi se trouvent bien au-delà de ce que le récit immédiat des évènements locaux voudrait bien nous le laisser croire.

Pour commencer, la question ossète implique la lutte entre la Russie et la Géorgie. Les Russes ne peuvent tolérer que le gouvernement Saakaschvili se rapproche des États-Unis et encore moins son objectif déclaré de devenir membre de l’Otan en tant que pion de Washington dans cette région de l’ex-empire soviétique. Cela, avec l’Ukraine constituerait un front anti-russe le long de sa frontière mi-sud. La Géorgie veut accélérer son occidentalisation par ce récent coup de force où elle a explicitement appelé à une intervention américaine. Ainsi, elle espère résoudre la question ossète en sa faveur, de présenter cette résolution à l’ennemi russe comme un fait accomplit et être reconnue comme la future tête de pont des intérêts occidentaux dans le Caucase, avec tous les nouveaux avantages politiques et économiques que ce nouveau statut entraîneraient. Spécifiquement, le conflit avec l’Ossétie du Sud pourrait ouvrir la porte aux intérêts américains qui, grâce à la Géorgie de Saakaschvili, pourraient contourner le contrôle russe existant et donner aux États-Unis une emprise totale sur le contrôle et le transport des richesses énergétiques de la Caspienne.

Pour cette raison, le conflit entre la Russie et la Géorgie (États-Unis) est centré autour de la nécessité pour les deux parties de contrôler les pays qui sont proches ou attenant la rive ouest de la mer Noire (l’Ossétie du Nord, mais aussi le Daghestan). Cette région est importante pour le passage des futurs gazoducs et oléoducs qui transporteront des matières énergétiques en Europe et qui requièrent l’exclusion de toute forme d’ingérence de la compétition. La Russie planifie la construction, grâce à des investissements énormes, d’un gazoduc (le South Stream) qui pourrait acheminer du gaz vers l’Europe en provenance de la région de la mer Caspienne via la mer Noire. Ce gazoduc serait muni de deux terminaux, un dans la zone sud (la Grèce, le Kosovo, ou les Pouilles), l’autre plus au nord vers l’Autriche. Mais le point critique du projet se situe sur la rive est de la mer Noire, en Ossétie et au Daghestan. Le plan prévoit qu’un tronçon du gazoduc - celui qui va de Vladikavkaz (Ossétie du Nord) jusqu’aux abords de Tskhinvali - traversera complètement le territoire de l’Ossétie du Sud, pour ensuite se diriger vers les ports russes de la mer Noire.

Et c’est là que le conflit cesse d’être régional et prend les dimensions d’un affrontement inter impérialiste entre la Russie et les États-Unis, avec leurs objectifs de gagner l’hégémonie dans la région en faisant pression sur leurs alliés, en punissant leurs adversaires, en encourageant l’agression et les ripostes militaires, avec pour seul objectif de créer les meilleures conditions pour atteindre leurs intérêts respectifs. Ce n’est pas pour rien que l’action militaire géorgienne a reçu l’appui des Américains - il faut se souvenir que le gouvernement des États-Unis s’est servi de son aviation pour transporter 2000 soldats géorgiens d’Afghanistan directement en Ossétie du Sud - et que la réaction des Russes a été immédiate, planifiée et violente au point de l’hystérie.

Enfin, les événements tragiques en Ossétie confirment que :

  1. À l’époque impérialiste, toutes formes de revendications nationales, réelles ou supposées, spontanées ou artificiellement provoquées, quelque soit la bannière politique et les objectifs qu’elles se donnent, seront toujours absorbées par la lutte inter impérialiste avec aucune possibilité de jouer un rôle autonome autre que d’aider la bourgeoisie locale à servir ses intérêts et faire partie d’une des formations impérialistes.
  2. La crise économique dévastatrice qui traverse le monde capitaliste exacerbe la compétition et le potentiel de conflit sur tous les marchés internationaux, des marchés financiers aux marchés de matières premières et n’exclut pas l’usage de la force.
  3. De la même manière, les marges pour définir les prétendues crises régionales sont réduites à zéro et chaque question controversée est “résolue” par la force. Plus que jamais, la guerre est devenue l’instrument par lequel l’impérialisme cherche à régler ses problèmes.

En cette période historique, les contorsions du capital ne peuvent que signifier de plus en plus d’attaques contre les conditions de vie du prolétariat. Elles ne peuvent que produire plus de pauvreté et la famine pour des centaines de millions d’être humains, quand elles ne les écrasent pas tout simplement avec ses chars d’assaut. La dévastation comme résultat de conflits armés partout où les intérêts essentiels du capital sont menacés, voilà la condition nécessaire pour maintenir la formation économique fondée sur le profit et l’exploitation.

Les événements dans la toute petite Ossétie du Sud sont une manifestation tragique de ce monde barbare dans lequel il n’y pas d’autres secours à attendre qu’une puissante résurgence de la lutte des classes.

F.D.