CPE : démocratie directe

Le 5 novembre 2015, un petit groupe de 9 personnes relançait la lutte pour la survie des CPE (1). Une lettre signée par des centaines de personnalités québécoises et autres était publiée dans les principaux journaux et trouvait un écho jusqu’à l’assemblée nationale.

Le 18 décembre 2015 ce gouvernement nous humiliait en nous disant que ça fait 4 ans qu’on participe à la table de discussion sur la réforme du financement des services de garde; c’était pour nous faire parler. En un mot une manœuvre de diversion pour nous empêcher de se mobiliser.

Le 22 février 2016, ce gouvernent nous donne 15 minutes pour décider si on veut d’une bonification de l’allocation de transition qui passe de 20 millions à 40 millions permettant de soulager la coupure de 120 millions pour la première année seulement. Après avoir accepté, on se fait encore humilier par ce mensonge : l’allocation ne sert pas à soulager les coupes mais à payer un spécialiste pour nous aider à couper et à congédier. Ce piège, qui a fonctionné, a permis au gouvernement de casser d’un coup toute la mobilisation de l’hiver passé.

Est-ce qu’on est fatigué de faire rire de nous?

Ce gouvernement nous prend pour des cruches qu’on remplit de mensonges aux 4 ans (2), des contribuables qui se font vider leurs poches pour les remettre aux riches, des clients qui doivent repayer ce qu’ils ont déjà payé, des citoyens floués par des promesses non tenues. Mais on est plus que ça, nous sommes des êtres humains, des travailleurs.euses avec des besoins, une intelligence et un cœur.

Nos associations de CPE et nos syndicats voulaient prendre la direction de la lutte pour la survie de nos services de garde. Le CQSGE négociait secrètement avec le gouvernement pour aboutir à la pire trahison de l’histoire du réseau. L’AQCPE de son coté, a perdu la bataille. S’appuyant sur les directions et les conseils d’administration et refusant les assemblées générales de CPE, il signait une reddition en donnant son accord aux coupures. De leur côté, les syndicats, laissaient les CPE seuls à négocier (en dehors du Front Commun) face à un gouvernement affamé et pompant toute la qualité des CPE en coupant dans les conditions de travail. Nos associations et nos syndicats sont les marionnettes de l’État, les portes paroles des coupures, les porte-voix du slogan « on ne peut pas faire mieux dans la situation actuelle, il y a des coupures partout ». Leur manque de vision, de stratégie, de clairvoyance et de sous-estimation de la force de l’adversaire combiné à une méprise sur notre capacité à nous défendre font d’elles des généraux qui courent à notre perte. Des géants aux pieds d’argile.

Ce qu’on ne nous explique jamais, c’est pourquoi il y a des coupures. On nous dit d’un côté que nous n’avons pas besoin de couper et de l’autre le déficit gouvernemental n’aide pas l’économie. Notre système économique obéit à des lois qui lui sont propres. Les périodes de crise suivent nécessairement les périodes de prospérité. Aucun politicien ne peut rien y faire. Ce qu’ils font, c’est de mettre en place des contre-mesures, qui sont toujours les mêmes, diminuer les coûts de production (des produits et services) pour maintenir un taux de profit assez alléchant pour faire rouler l’économie. On va donc d’un côté couper dans les conditions de travail et de vie et de l’autre subventionner des entreprises en perdition. Il faut garder cela en tête quand on se bat contre le capital et son État : nous sommes en crise économique planétaire grave et la bourgeoisie fera tout pour nous obliger à plier, quitte à mettre cette planète à feu et à sang.

Mais on n’a pas dit notre dernier mot!

La résistance a la couenne dure. Il faut dire que le réseau des CPE nous a pris 40 ans pour le bâtir avec des sacrifices, des batailles qui nous ont permis de passer du bénévolat des années 70 à une reconnaissance de la profession d’éducatrice aux années 2000 et à son accessibilité. Reconnaissance de son expertise en petite enfance payée en conséquence. Reconnaissance d’une qualité contrôlée par les usagers.eres. et les travailleuses. C’est tout cela qui est remis en question dans les coupures.

On donne la parole et la décision aux concerné.e.s

Après la défaite de cet hiver, oui, la résistance s’organise. Pour la première fois depuis le début de cette lutte on donne la parole à ceux et celles qui sont concerné.e.s en assemblée publique: parents et éducatrices, dans un bar de Montréal et ensuite à l’initiative du CPE St-Édouard et des Trottinettes. En plus des assemblées générales de CPE, très peu quand même, se tiennent sur l’avenir de la lutte.

Les concerné.e.s, c’est nous, mais nous en situation de décision. Et la seule place où on lève la main pour signifier ou non notre accord et proposer ce sont les AG de CPE. Le droit aux voix ça commence là. La démocratie directe ça commence là. On ne peut pas s’attendre à avoir les 300,000 parents et travailleuses des CPE dans la rue sans qu’ils puissent participer aux décisions.

Alors que le mouvement hivernal se passait dans les principaux médias, avec des spécialistes et politiciens et qu’en bas, on formait des chaînes humaines sur une base volontariste, notre mouvement prend une autre forme. Ce mouvement, cette résistance nous appartient. Il nous appartient parce que c’est nous qui avons bâti ce réseau, pour nous et pas pour un homme ou une femme d’affaire. Pour nous parce c’est nous qui décidons dans nos CPE et pas un bureaucrate. Nous, ce sont les parents et les travailleuses, nous ne le répéterons jamais assez.

La démocratie directe

Mais voilà, on a un problème démocratique. On n’est pas très pressé de donner la parole, la décision et l’action à la base : aux parents et travailleuses. Comme si on voulait garder les décisions par une minorité. Comme si on voulait faire comme nos politiciens.nes. Sommes-nous capables de passer le test de classe, celui qui sépare la classe des travailleurs-euses d’avec l’idéologie néo-libérale/capitaliste? Première question du test : Quelle est la chaîne de décision dans un CPE? Posez la question dans vos CPE, aux parents sur le conseil, à la direction, aux travailleuses. Si on vous répond : Le ministère de la Famille, ensuite le conseil d’administration et ensuite la directrice, on oublie ainsi l’assemblée générale. Et pour avoir fait le test à différentes personnes, vous serez surpris des réponses. Même test pour votre syndicat : la déléguée syndicale locale est-elle la représentante du syndicat ou la celle des travailleuses?

Les assemblées générales

Les assemblées générales annuelles des CPE se tiennent au début de l’automne. Ce sera le moment de prendre en main cette lutte et la sortir du vedettariat et du bruit de quelques casseroles au coin de la rue pour en faire un large mouvement. Si on a gagné la bataille des médias et de l’opinion publique, nous n’avons pas gagné la guerre contre les coupures. Facebook s’est même retourné contre nous, certains employeurs/associations s’en servant contre nous. Élisons des comités de mobilisation dans nos AG. Donnons-leur des mandats précis et redevables à l’assemblée générale. Tentons de les fédérer au niveau provincial. Ce mouvement doit sortir des conseils d’administration et des bureaux de direction et aussi des officines syndicales, pour lier tous les parents et travailleuses.

On a une chance avec ce genre d’organisation de gagner une bataille!

Groupe internationaliste ouvrier – août 2016
Facebook : GIO – Groupe internationaliste ouvrier

(1) CPE : Centre de la petite enfance au Québec. Ce sont des services de garde contrôlés par les parents et sans but lucratif

(2) Aux 4 ans : les élections se font aux 4 ans au Québec et au Canada

Thursday, September 8, 2016