Deux considérations sur le résultat du référendum constitutionnel

Le “ leader minimo ” Mateo Renzi [le président du conseil italien] a été battu à plate couture. Cela est dû, bien plus qu'à l'ambiance politique, au nombre de représentants des forces politiques qui ont participé à l'affrontement. Avec la personnalisation donnée par Renzi au référendum sur la modification de quelques aspects de la Constitution, “ ou je gagne ou je m'en vais ”, l'appel aux urnes a inévitablement pris une dimension politique pour ou contre Renzi lui-même, son gouvernement et son projet pour les réformes faites et à faire. La défaite se juge au nombre car du côté du Non, on trouve ses nombreux ennemis : la Ligue de Salvini [la Ligue du Nord], les Frères d'Italie de Meloni [i Fratelli d'Italia della Meloni], les restes de Forza Italia de Berlusconi réapparu, les centristes de tous genres et le Mouvement des 5 étoiles qui, selon les analystes habituellement bien informés, serait le premier parti d'Italie. En plus, sur le front du Non, se sont ajoutées la minorité du PD [Parti démocrate de Renzi], les différentes formations de la “ gauche radicale ” et même la CGIL [le principal syndicat italien] de Camusso-Landini (autre que l'ANPI, l'ARCI, les débris de la gauche improprement appelée “ radicale ”, dans et hors le parlement, les petits syndicats “ alternatifs ” jusqu'aux centres sociaux). Si les mathématiques ne sont pas une opinion, les statistiques ne donnaient pas d'issue favorable à Renzi et il en fut ainsi.

Moins prévus étaient les autres épisodes qui sont apparus avec et après le référendum. Le premier est que, bien qu'une partie du pouvoir ait fait campagne pour le Oui, comme la Confindustria [le MEDEF italien], des Centres financiers, la Confédération du commerce, qui espéraient continuer à profiter de la politique de Renzi, le Non a vaincu. Qu'est-ce que cela signifie ? Ça signifie que l'opposition se trouve aussi au sein des centres du pouvoir bourgeois et voyait se ranger sur le front opposé d'autres puissances comme les Régions, surtout méridionales, le monde économique lié à l'industrie d'État et toutes les fraction bourgeoises liées économiquement et politiquement aux combinaisons éprouvées et anciennes de faire des affaires.

Le second point concerne, comme corollaire de ce qui vient d'être dit, le côté transversal de l'univers politique. On retrouve la Droite, la “ gauche ” et le centre comme facteurs interchangeables, -même si c'est avec des pourcentages différents- au sein des deux côté. Renzi avec Alfano (l'ex dauphin de Berlusconi de Forza Italia) et Lupi (fin politique de Communione e Liberazione), ou le PD et le Nouveau Centre Droit. Et de l'autre côté une association variée de personnages à plusieurs titres conservateurs et réactionnaires qui vont de D'Alema à Salvini, des 5 Étoiles aux fascistes déclarés des Fratelli d'Italia.

Le troisième point se rapporte à l’afflux inattendu aux urnes ce qui a soulagé la bourgeoisie italienne au-delà des divisions internes. Même s’il présente un risque, un référendum représente toujours une soupape pour laisser s'échapper la vapeur de la colère et des tensions sociales. Mais s'il est vrai que l'affluence a été au-delà de toute attente, il est aussi vrai qu'il reste une “ armée ” d'abstentionnistes de plus de 30 % et il est plus que probable que les prochaines élections verront un retour au niveau habituel de la participation, c'est-à-dire bas, comme il en va dans une société en crise économique et en crise d'identité politique. Il est vrai que le refus de vote ne résout rien mais c'est un signal de la méfiance vis-à-vis de la politique, de l'incapacité du système à trouver des solutions qui ne soient pas un matraquage du monde du travail.

Le quatrième point, sans parler de l'opposition bourgeoise qui a occupé toute la période du référendum, désire mettre en évidence que la victoire du Non est aussi à attribuer à un vote de protestation vis-à-vis du pouvoir représenté par Renzi, du PD et de ses réformes (avant le Jobs Act) par rapport à une «astuce» électorale qui n'a pas fonctionné. La crise a créé plus de misère, plus de chômage, plus d'incertitude pour tous mais surtout pour les jeunes dont le taux de chômage de 36 % reste à un niveau insupportable et qui, non sans raison, selon les analystes habituellement bien informés, ou bien n'ont pas voté ou, s'ils l'ont fait, ont voté Non à 80 %.

Nous, nous disons qu'un Non s'imposait plus que jamais mais pas seulement au gouvernement Renzi, pas seulement aux forces politiques de l'opposition, mais au système qui a produit la crise, la paupérisation de millions de familles de prolétaires, de travailleurs, de jeunes qui, au lieu d'être la meilleure force à utiliser, au lieu d'être une ressource pour la société, deviennent dans le capitalisme en crise un fardeau insupportable, une armée de réserve pour le capital, un instrument d'exploitation facile comme une sorte de travail à “ utiliser et jeter ”.

Le Non ne devrait pas s'exprimer dans les urnes du référendum mais dans les usines, sur les lieux de travail, par les prolétaires exploités, les jeunes sans travail qui n'auront jamais de retraite et à qui le démagogue Renzi a promis 80 euros par mois, avant le référendum, à ceux qui ont des revenus les plus bas qui, avec tant de “ subventions extraordinaires ” (reçoivent l'équivalent de même pas un paquet de cigarettes par jour), devait satisfaire ses ambitions électorales en créant une base d'assentiment qu'autrement il n'aurait pu avoir dans le secteur du monde du travail. Mais cela non plus n'a pas suffi. Cela ne signifie pas que l'abstentionnisme et le vote Non au gouvernement soit le début d'une reprise de la lutte de classe. C'est seulement le signe d'un mécontentement souterrain qui pour émerger a besoin d'une référence politique de classe, une force partidiste qui ait les moyens et la capacité de représenter une alternative à la crise, au capitalisme qui la provoque, aux divisions internes de la bourgeoisie, aux tentatives toujours bourgeoises de les présenter comme des problèmes nationaux, c'est-à-dire de toute la population, prolétaires compris. Au contraire, plus le prolétariat reste sur le terrain des querelles bourgeoises, dont le référendum constitutionnel n'est qu'une des expressions, plus il est pris par tout le système, par les différentes factions bourgeoises qui s'opposent à la possible rupture de la paix sociale qu'elles craignent tant. Tenter de résoudre les problèmes de la crise, de l'alternance au pouvoir sans que l'adversaire de classe ne surgisse sur le champ de bataille de manière autonome mais derrière telle ou telle faction du capital, c'est déjà une victoire pour le système dans son ensemble. Sous Renzi ou n'importe quelle autre faction d'administration de leur “ société ”, le capitalisme reste avec son fardeau habituel d'exploitation et d'oppression indépendamment du fait que la Constitution change ou reste la même.

FD - Mardi 6 décembre 2016
Tuesday, December 20, 2016