Le Forum de Munich et la marche à la guerre mondiale

La marche à la guerre mondiale se poursuit mais les populations sont dans le déni ou dans l'illusion que l'on peut continuer à vivre normalement. Par contre, les bourgeoisies s'activent, discutent et ne nous informent pas sur l'horreur qu'ils sont en train de préparer !

Des représentants de plus de cent pays se sont rassemblés en Bavière le 16 février 2024 pour la 60e édition de la conférence sur la sécurité de Munich (MSC ou en allemand Münchner Sicherheitskonferenz). Il s'agit d'un forum de débats sur la politique internationale de sécurité. Cette année y ont notamment pris part le président ukrainien Volodymyr Zelensky, le chancelier allemand Olaf Scholz, la vice-présidente des États-Unis Kamala Harris, le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi et ses homologues français et anglais, Stéphane Séjourné et David Cameron.

Ce forum a été créé en pleine Guerre froide par un ancien officier allemand, Ewald-Heinrich von Kleist-Schmenzin. Ce dernier était connu pour avoir participé à un complot pour assassiner Adofl Hitler en juillet 1944. Cette année, l'ordre du jour était occupé par la guerre russo-ukrainienne, les tensions au Moyen-Orient et le rôle de l'Europe dans le monde.

Le rapport d'introduction à la Conférence (1) de février 2024 est explicite. Il commence par rappeler le contexte international à la fin de la Guerre froide :

Lorsque la guerre froide a pris fin, le monde a semblé entrer dans une ère de coopération mondiale. L'apaisement des tensions entre les superpuissances a permis des réductions sans précédent des arsenaux nucléaires. Si les conflits violents n'ont pas disparu, le risque d'une guerre interétatique impliquant les grandes puissances était faible, ce qui a incité les intellectuels à affirmer que l'humanité était en train de "gagner la guerre contre la guerre "(2)

Et, il poursuit

Mais l'optimisme du début de l'après-guerre froide a disparu depuis longtemps. Aujourd'hui, au lieu de promouvoir une gouvernance mondiale efficace, la communauté internationale est "bloquée dans un dysfonctionnement mondial colossal …" Les tensions géopolitiques entre les grandes puissances n'ont cessé d'augmenter, plusieurs puissances non occidentales s'insurgeant contre la domination occidentale et l'ordre que les États-Unis et leurs alliés ont façonné. Alors que le monde évolue vers une nouvelle forme de multipolarité.

Les changements dans l'ordre mondial d'après guerre froide sont marqués par le début d’une crise violente et durable (2014-) entre la Russie et l’Ukraine, l’occupation de la Crimée et du Dombass et deux tentatives de compromis, non respectés de Minsk 1 et 2. Puis, en 2022 il y eut la dite « Opération spéciale » (préventive) d’occupation russe en Ukraine et en 2023 l'élargissement de l’OTAN à la Suède et la Finlande, et, enfin, le conflit entre le Hamas et Israël et ses répercussions au Moyen Orient.(3)

Avant ces derniers événements, les « nouvelles règles » de sécurité envisagées par les Etats-Unis liaient d’un fil étroit et cohérent l’Europe de l’Est, la Russie et l’Eurasie.

Voici, ce que Brzezinski recommandait à l’époque :

Pour l’Amérique l’enjeu géopolitique principal est l’Eurasie… Dans ce nouveau cadre, l’Ukraine occupe une position cruciale, du fait même qu’elle peut permettre ou empêcher au cœur de l’Eurasie et autour de la Russie, l’émergence d’une puissance contestant la suprématie des États-Unis. L’indépendance de l’Ukraine modifie la nature même de l’État russe. De ce seul fait, cette nouvelle case importante sur l’échiquier eurasien, devient un pivot géopolitique. Sans l’Ukraine, la Russie cesse d’être un empire en Eurasie. L’Asie centrale, le Caucase, les “Balkan eurasiens” et leurs ressources énergétiques sont au cœur de la stratégie états-unienne, mais l’Ukraine constitue cependant l’enjeu essentiel. Le processus d’expansion de l’Union européenne et de l’OTAN est en cours (1997). À terme – poursuit-il –, l’Ukraine devra déterminer si elle souhaite rejoindre l’une ou l’autre de ces deux organisations.

Dès lors l'on comprend clairement ce qui est en train de se passer dans les conflits militaires d'aujourd'hui ; entre l'occident et la Russie avec ses alliés. L’hostilité actuelle (vis-à-vis de la Russie et, en arrière fond, de la Chine,) tend à glisser progressivement vers son aboutissement inéluctable, une guerre totale, puisqu’elle résulte du jugement du vainqueur (la puissance dominante puis hégémonique), condamnant le vaincu (dans les années 1900-1945 l’Allemagne montante, puis de 1945 à 1991, l’Union soviétique). Ce glissement vers la guerre totale est par ailleurs repérable dans le bannissement, l’ostracisme, l’isolement, les proscriptions, les stigmatisations, les sanctions, les mises hors la loi, de celui qui a été désigné comme l’ennemi de la communauté internationale, bref l’agresseur.

C'est ce qui ressort en creux du forum de Munich. Nous sommes dans un « état intermédiaire de non-paix – non-guerre mondiale », mais plus proche de la belligérance (envoi d’armes, de subsides, de faux volontaires, de bataillons sans drapeau, d’entrainement de forces d’élite, des appuis des « tiers – non engagés », comme dans les révolutions de couleur), qui permet de cacher la vérité de l'ignoble guerre directe. Dans les conditions actuelles d’une guerre « hybride », les situations intermédiaires deviennent de plus en plus présentes.

Une fois ces stratégies politiques décryptées, il est clair que les Etats-Unis contrairement à tout ce qui est rabâché à l'envie par les médias ne se désintéresseront pas de l'Europe même dans l'optique de l'élection de Trump. Et même les saillis guerrières de Macron bien vite critiquées ne trompent personne. Les différents pays européens doivent passer à l'économie de guerre et se préparer à une guerre de forte intensité.

Les révolutionnaires plus que jamais doivent propager l'idée de la création de comités NWBCW, non seulement pour dénoncer la marche à la guerre, mais pour se préparer à survivre durant des événements guerriers majeurs à venir.

O, 12 mars 2024

Notes

(1) securityconference.org

(2) Joshua S. Goldstein, Winning the War on War: The Decline of Armed Conflict Worldwide, New York: Plume, 2012; Steven Pinker, The Better Angels of our Nature: Why Violence World Has Declined, New York: Viking, 2011.

(3) Les exercices militaires communs "Security Bond-2024" du 11 mars 2024 entre la Russie, l'Iran et la Chine dans le Golfe d'Oman sont une grave accélération vers la construction d'alliances. Ces manœuvres interviennent dans un contexte marqué par la montée des tensions dans la région, les Houthis, soutenus par l'Iran, attaquant des navires commerciaux en mer Rouge, tandis que les forces de la coalition dirigée par les États-Unis s'en prennent à des cibles au Yémen.

Sunday, March 17, 2024