Les aimants aux terres rares déchirent le monde

Les puissances mondiales se disputent aujourd'hui des métaux autrefois peu connus, les terres rares, qui sont essentielles à la technologie d’aujourd’hui, technologie militaire incluse. La Chine est en tête de la production mondiale de terres rares et les États-Unis et le reste du monde tentent aujourd’hui de rattraper leur retard. Mais que sont les terres rares ?

Les terres rares : que sont-ils et à quoi servent-ils ?

On désigne par terres rares ou en anglais rare earth elements (REEs) 17 éléments aux propriétés chimiques similaires. Pour être plus précis, il s’agit des 15 lanthanides — lanthane, cérium, praséodyme, néodyme, prométhium, samarium, europium, gadolinium, terbium, dysprosium, holmium, erbium, thulium, ytterbium et lutécium — auxquels on ajoute le scandium et l’yttrium pour leurs propriétés voisines. Il a fallu beaucoup de temps pour les isoler, précisément en raison de cette similitude.

Les terres rares sont nécessaires à la production de nombreuses technologies. Elles ont des propriétés optiques utiles. Si vous lisez ceci sur un écran, la lumière verte de votre écran est générée en utilisant du terbium, tandis que la lumière rouge est le résultat d’une combinaison d’europium et d’yttrium. Un autre exemple est l’erbium. La lumière infrarouge produite par l’erbium peut envoyer des signaux à travers des kilomètres de fibre optique, ce qui est pourquoi la plupart des applications de fibre optique dans le monde utilisent des amplificateurs de signaux à base d’erbium. Les câbles à fibres optiques sont l’épine dorsale des télécommunications modernes ; ils pourraient même aider à naviguer les routes maritimes de l’Arctique. (1) Ils seront sans doute des cibles de choix dans toute future guerre. (2)

Les propriétés magnétiques des terres rares sont possiblement les plus importantes. Les terres rares peuvent être utilisées pour produire des aimants aux terres rares, de puissants aimants permanents (où le champ magnétique est généré par la structure interne du matériau lui-même) essentiels à la miniaturisation de la technologie. Les premiers aimants faisant appel aux terres rares (néodyme et scandium) furent développés en 1982 et on révolutionner la technologie depuis. Les petits moteurs qui alimentent les disques durs des ordinateurs et les haut-parleurs miniatures des téléphones mobiles et des ordinateurs portables dépendent des aimants aux terres rares. Les aimants au néodyme, les aimants aux terres rares les plus utilisés, sont utilisés pour les scanners IRM et les fours à microondes. Les aimants aux terres rares sont aussi utilisés pour les éoliennes et les voitures électriques. Sans ces aimants, les voitures électriques auraient besoin de plus grosses batteries et les éoliennes qui en sont dépourvues requièrent davantage d'entretien. Sinon, l’éolienne aurait besoin de beaucoup d’engrenages ce qui augmente le risque de pannes.

Les terres rares ont aussi d’importantes applications militaires. Par exemple, le terbium est utilisé pour les systèmes de sonar naval, les alliages légers d’aluminium-scandium sont utilisés pour des composants aérospatiaux, l’yttrium est utilisé dans les moteurs à réaction ou encore l’ytterbium est utilisé dans les leurres. Le ministère américain de la défense est derrière l’effort actuel des États-Unis pour diversifier leurs sources d’approvisionnement en terres rares.

Tout cela explique pourquoi il y a une lutte impérialiste pour s’emparer des minéraux des terres rares, avec la Chine clairement en tête. Rappelons qu’en 2020, la Chine produisait 80% des aimants au néodyme dans le monde.

Le monopole chinois

Un minéral de terre rare contient un ou plusieurs REEs comme principaux constituants métalliques. Contrairement à ce que leur nom suggère, les terres rares sont relativement abondantes dans la croûte terrestre. Cependant, elles n’existent pas en filons concentrés, mais sont réparties en petites quantités sur de grandes surfaces, ce qui les rend ‘rares’. Actuellement leur extraction n’est économiquement viable qu’avec des concentrations d’environ 2% par tonne de roches stériles. Bien que les terres rares puissent être trouvées à travers le monde, aucun pays ne les a exploitées comme la Chine. Deng Xiaoping aurait déclaré que « le Moyen-Orient a son pétrole, la Chine a ses terres rares ». Depuis les années 1990, la Chine domine la production d’oxydes de terres rares, à partir desquels les REEs peuvent être séparées. La Chine représentait près de 70% de la production minière de terres rares en 2024, contre 58% en 2021. (3) La mine de Bayan Obo, dans le nord-est de la Chine, était responsable de 50% de la production mondiale en 2023.

La Chine possède un tiers des réserves mondiales estimées de terres rares. Le Brésil, la Russie, l’Australie, le Myanmar (Birmanie), la Malaisie, le Canada, la Kazakhstan, le Nigeria, Madagascar et le Groenland ont également des réserves. Les réserves du Groenland expliquent en partie les tentatives chinoises de mettre un pied dans ce pays ainsi que la menace récemment exprimée par Trump que les États-Unis obtiendraient le Groenland « d’une manière ou d'une autre ». (4) La Corée du Nord aurait aussi de grosses réserves.

Mais tandis que des gisements existent ailleurs qu’en Chine, leur exploitation n’est généralement pas rentable. Cela est en partie en raison du monopole chinois, mais cela explique la situation actuelle et non comment celle-ci est arrivée et est donc une explication insuffisante. Une partie de la raison pour laquelle la Chine a pu mieux exploiter ses réserves est que la propriété foncière ne se pose pas en obstacle à l’investissement de capital dans l’exploitation minière, ce qui est le cas dans d’autres pays. Le capitaliste n’a pas besoin de se soucier qu’une partie de la plus-value aille au propriétaire foncier sous la forme de rente foncière au lieu de faire partie de son profit. En effet, en Chine l’État est propriétaire de toutes les ressources minières, indépendamment de la propriété foncière. Pour être clair, cela n’a rien de socialiste, même s’il s’agissait d’une pleine nationalisation de la terre. Le mode de production capitaliste est caractérisé par séparation des travailleurs des conditions de production, c’est-à-dire des moyens de production et de la terre. Comme Marx l’a indiqué, tout ce qui est nécessaire pour le mode de production capitaliste est que le sol « affronte la classe ouvrière comme condition de production ne lui appartenant pas, et ce but est parfaitement atteint lorsqu’il devient propriété de l’État ». (5) C’est pourquoi Lénine considérait la nationalisation de la terre comme une simple « mesure bourgeoise-démocratique ». (6) L’État chinois, donc, a pris avantage de cette situation et a tout fait pour développer l’extraction des terres rares en attribuant les terres à sa guise, tout en fournissant de l’énergie bon marché et en subventionnant l’ouverture de nouvelles mines. Le marché domestique fut protégé de la concurrence étrangère, avec l’extraction réservé aux entreprises chinoises.

La Chine a développé cette branche de production sans se soucier des conditions de travail dangereuses ou de l'impact sur l'environnement. Les terres rares sont souvent associées à des éléments radioactifs tels que le thorium et l'uranium et leur séparation requière l’utilisation de nombreux produits chimiques toxiques et des centaines de mètres cubes d’eau qui sont alors contaminés par ces produits chimiques. Séparer les terres rares les unes des autres est également difficile en raison de leurs propriétés voisines. En effet, le principal problème n’est pas tant l’extraction de terres rares que le fait qu’elles doivent être séparées des oxydes, raffinées et transformées en alliages au cours d’un procès hautement spécialisé avant de pouvoir être utilisées pour produire des aimants aux terres rares. La Chine a établi une position dominante à chaque étape de ce procès à travers sa stratégie industrielle de long terme subventionnée par l’État. La raison principale pour laquelle la Chine dépasse ses concurrents n’est donc pas tant ses larges réserves, même si celles-ci n’y sont pas pour rien, mais plutôt son monopole sur toute la chaîne de ce procès. Comme indiqué ci-dessus, les terres rares ne sont pas rares, mais il est rare de les trouver sous leur forme pure. Ce est véritablement rare, c’est l’infrastructure pour les traiter. En 2023, la Chine a traité 87% des terres rares (contre 2% pour l'UE) et en a raffiné 91%. 94% des aimants aux terres rares sont fabriqués en Chine. (7) Traiter, stocker et transporter les terres rares est trop coûteux pour concurrencer la Chine. Auparavant, les États-Unis dominaient la production de terres rares, l’entièreté de la chaîne de traitement incluse. Entre 1965 et 1995, la mine de Mountain Pass en Californie était le principal fournisseur de matériaux de terres rares au monde. En 1995, l’entreprise chinoise Zhong Ke San Huan a acquis Magnequench, l’entreprise américaine qui contrôlait tout le traitement des terres rares, et cinq ans plus tard a transféré ses installations de production d’Indiana à Tianjin, à l’est de Pékin. Après un déversement de déchets toxiques, Mountain Pass a été fermé en 2002 et est resté fermé jusqu’en 2018 en raison de la concurrence chinoise. Tandis que les États-Unis se sont retirés de la production de terres rares, la production chinoise est passée de 80 000 tonnes en 2002 à 120 000 tonnes en 2006. Cela n’inclus pas la production clandestine, qui est estimé représente 20 à 40% du total. En comparaison, les États-Unis cessèrent leur production en 2003 et la production d’autres pays n’excédait pas 1000 tonnes par an. (8)

La course pour rattraper la Chine

Les concurrents de la Chine essaient désormais de rattraper leur retard. Mais cela est difficile. La production non-chinoises d’oxydes de terres rares s’est multiplié par quatre entre 2015 et 2022 pour arriver à 90 000 tonnes. Mais pendant cette même période, la production chinoise a doublé pour passer de 105 000 tonnes à 210 000 tonnes. La Chine cherche à contrecarrer toute concurrence à son monopole. Afin de le conserver, la Chine cherche à se procurer des gisements de terres rares en dehors de ses frontières et protège sa propriété intellectuelle liée au traitement et au raffinage. (9) De plus, les réserves chinoises, estimées à 44 millions de tonnes, ne sont tout de même pas infinies. L’augmentation de la demande mondiale pour les terres rares pousse également la Chine à se procurer des gisements hors de ses frontières. En effet, depuis le début des années 2010, l’État chinois cherche à garder sa production officielle entre 100 000 et 120 000 tonnes par an et à conserver son industrie, jusqu’alors très fragmentée, en l’organisant autour de grandes entreprises dans le but de réduire l’extraction clandestine.

En conséquence, la Chine est devenue un importateur net de terres rares non raffinées en 2018. Les minerais bruts ou peu raffinés proviennent du Myanmar, de pays d’Afrique, du Vietnam et d’Australie — à travers la Malaisie pour ce qui est de ce dernier où des entreprises australiennes spécialisées dans les terres rares, telles que la Lynas Corporation, ont mis en place des opérations de raffinage. La Malaisie elle-même représentait 8% de la production mondiale de terres rares en 2024. La Malaisie semble comprendre l’importance du traitement et du raffinement par rapport à la simple extraction et a annoncé en 2023 qu’elle étudie la possibilité d’interdire les exportations de terres rares afin de développer le raffinage à l’intérieur du pays. La Chine a travaillé avec plusieurs gouvernement africains afin de se procurer des terres rares, parmi d’autres marchandises stratégiques, dans un contexte où la présence française et américaine sur le continent est en retraite. (10)

Afin de se procurer ces nouvelles importations, le géant chinois Shenghe Resources Holding a signé un contrat en 2015 pour les oxydes de terres rares avec Tantalus Rare Earths, une entreprise minière allemande qui opère au Madagascar. En 2016, Shenghe est devenu actionnaire majoritaire de l’entreprise australienne Greenland Minerals (désormais Energy Transition Minerals), et a signé un accord pour se procurer toute la production d’oxydes de terres rares de la mine Kvanefjeld du Groenland (en sachant que l’État chinois est l’actionnaire majoritaire de Shenghe). Cependant, en 2021 le Groenland a arrêté le projet, sans doute sous pression américaine. (11)

Les États-Unis ne sont pas les seuls à essayer de mettre les bâtons dans les roues de la Chine. La part de la production mondiale de terres rares que représente le Myanmar a augmenté de 0.2% à 14% de 2015 à 2023. La Chine importe environ 40% de ses terres rares de l’État Kachin, au nord du Myanmar. Mais en Octobre 2024, l'Armée indépendante kachin a pris le contrôle des opérations minières de la région, interrompant les livraisons d’intrants nécessaires à l’extraction des terres rares et cessant l’exportation des minéraux vers la Chine. (12)

Pour ce qui est de l’Australie, elle représentait 3% de la production mondiale de terres rares en 2024. Lynas possède la mine de Mount Weld et est soutenue par le gouvernement japonais depuis 2010. Cette année-là, après que la marine japonaise ait intercepté un chalutier chinois au large des îles contestées Senkaku-Diaoyu, la Chine a arrêté ses livraisons de terres rares au Japon, sans pour autant l’admettre publiquement. Cette année, la Chine a réduit ses quotas d’exportations à 30 000 tonnes par an. Depuis 2005, la Chine avait mis en place des quotas d’exportations sur les terres rares. Cet incident encouragea les concurrents de la Chine à réduire leur dépendance de la Chine. En plus de cela, comme expliqué ci-dessus, la Chine avait réservé l’extraction de terres rares aux entreprises chinoises, ce qui était en violation des régulations de l’OMC (que la Chine a rejoint en 2001). Les États-Unis, avec l’UE et le Japon, ont porté l’affaire devant l'OMC, qui a statué contre la Chine en 2014. En conséquence, les quotas d’exportation ont été levé en 2015, mais la China avait alors déjà bien établit son avantage. Les entreprises de traitement américaines et japonaises s’étaient installées en Chine pour éviter les pénuries et la hausse des prix, et avaient formé des partenariats avec les entreprises chinoises, incluant des partenariats sur la production très spécialisée d’aimants. Il en a résulté un transfert de technologie vers les entreprises chinoises.

En 2023, la Chine a mis en place des restrictions sur les livraisons de germanium et de gallium (qui ne sont pas des terres rares mais restent des ressources stratégiques), qui sont nécessaires pour les puces et les communications militaires. En décembre 2024, la Chine a annoncé qu’elle restreignait également les exportations de métaux stratégiques autres que les terres rares, tels que l’antimoine (utilisées dans les batteries des voitures électriques, les panneaux solaires, les smartphones, les armes nucléaires, les munitions perforantes, les capteurs infrarouges, les lunettes de vision nocturne et l’optique de précision) en réponse aux restrictions commerciales et taxes douanières croissantes des États-Unis sur les produits chinois tels que les semi-conducteurs. « En revanche, les États-Unis n'ont pas extrait d’antimoine commercialisable depuis 1997 ». (13) En Février 2025, la China a également annoncé des restrictions sur les exportations de tungstène, d’indium, de bismuth, de tellure et de molybdène (toujours pas des terres rares), utilisés à des fins militaires et pour l’énergie verte. (14) Cependant, en limitant les exportations, et donc l’offre mondiale, la Chine risque de favoriser ses concurrents sur le long terme puisque une augmentation des prix mondiaux pourraient rendre rentable l’ouverture de nouvelles mines ailleurs. Une telle augmentation des prix des matières premières, une partie du capital constant, se traduirait en une baisse du taux de profit général. D’où la chasse intensifiée à travers le monde pour ces matières premières.

Cependant, et c’est ici que la distinction entre les terres rares et les autres minéraux stratégiques est essentielle, tandis que la Chine a limité les exportations de ressources stratégiques, la Chine avait jusqu’ici au contraire augmenté sa production de terres rares. En 2020, la Chine n’a pas diminué ses quotas de production de terres rares mais les a augmenté de 10%. En 2024, les exportations chinoises de terres rares ont augmenté de 6%, ce qui s’est traduit en chute des prix. (15) Les entreprises chinoises vendaient apparemment en-dessous de leur coût de production. (16)

Mentionnons enfin l’avilissement volontaire des prix et la vente à perte auxquels on a recours pour couler un concurrent. Là, « il ne s’agit pas de gagner quoi que ce soit dans l’entreprise elle-même, il s’agit uniquement de vaincre la concurrence et, à partir de ce moment, la lutte est menée sans tenir compte des frais de production. Ce ne sont pas ces derniers qui servent à fixer la limite extrême des prix, mais la puissance des capitaux et la capacité de crédit du cartel, c’est- à-dire le temps que ses affiliés sont en état de soutenir une lutte dont ils ne tirent, en attendant aucun profit ». Sur le marché intérieur, on fait appel à cette méthode pour éliminer définitivement un concurrent : sur le marché extérieur, elle ne fait qu’aggraver le « dumping ».(17)

En augmentant ainsi l’offre, la Chine a baissé les prix avec le but de prévenir les nouveaux projets d’extraction des États-Unis. Mais il semble que la nouvelle volée de taxes douanières annoncées par Trump début Avril 2025 ait incité la Chine à changer de tactique dans la guerre commerciale en ripostant par la restriction d’exportations de terres rares. (18) Afin de réduire sa dépendance de la Chine, les États-Unis ont réouvert la mine de Mountain Pass en 2018, qui est actuellement la seule installation d’extraction et de traitement de terres rares du pays. Les États-Unis doivent encore exporter leurs minerai vers la Chine pour le raffinement et le traitement, après quoi il est réexporté sous forme d’aimants vers les États-Unis et d’autres pays, bien que les États-Unis aient commencé à limiter leurs exports de terres rares vers la Chine en 2024 dans le contexte de la guerre commerciale. Les propriétaires de la mine ont remis en service une usine de séparation en 2023, afin de donner aux États-Unis la capacité de traiter les terres rares sur son territoire. Les États-Unis représentent 11% de production de terres rares mondiale. Les États-Unis cherchent à étendre leurs réserves de terres rares, comme indiqué par leur désir d’acquérir le Groenland — Trump avait déjà explicitement cité l’inquiétude suscitée par les terres rares comme raison de vouloir acheter le Groenland en 2019 (les États-Unis avaient auparavant proposés d’acheter le Groenland en 1867, 1910 et 1946) — et par leur tentative de forcer l’Ukraine à céder ses droits miniers, notamment en ce qui concerne les terres rares, malgré le fait que l’Ukraine n’est pas de mines de terres rares opérationnelles. (19) En effet, tandis que l’Ukraine a des réserves importantes ou des gisements de lithium, de graphite, de manganèse, de titane, de gallium et de nickel, la moitié de ses gisements de terres rares sont actuellement sous contrôle Russe et il existe des doutes tant qu’à la viabilité de l’extraction et du traitement du reste. (20) De toute manière, le ‘deal’ propose par Trump concerne plus que les terres rares. L’UE s’intéresse également aux ressources ukrainiennes et à vrai dire l’indignation actuelle des chefs d’État européens face à Trump n’est qu’indignation à la possibilité qu’ils ne se retrouvent pas avec une partie du butin.

Au sein de l’UE, un énorme gisement de terres rares fut découvert en Suède en 2023. (21) Le site contient également la plus grande mine souterraine de minerai de fer du monde. Mais ce gisement ne suffirait pas à extraire l’UE de sa dépendance envers la Chine pour le traitement de terres rares. L’UE n’a actuellement qu’une installation de séparation de terres rares pour la production d’aimants, en Estonie, qui est opéré par l’entreprise canadienne Neo Performance Materials. Le groupe belge Solvay prévoit d’étendre les activités de son site de La Rochelle pour faire de même. Similaire à l’histoire américaine ci-dessus, la raffinerie à La Rochelle (alors propriété de Rhône-Poulenc) était responsable de 50% de la purification de terres rares dans les années 1980. Ses activités concernant les terres rares furent délocalisées en Chine, la pollution étant cité comme justification. Selon la Commission Européenne, en 2021, 98% des terres rares utilisées par l’UE étaient importés de Chine. 100% l’approvisionnement de l’UE en terres rares lourdes vient de Chine. L’UE a récemment dévoilé prévoir réduire sa dépendance de la Chine mais il reste à voir si elle parviendra à faire baisser ce chiffre. (22) Pour l’instant, les efforts de l’UE en faveur des énergies vertes dépendent de la Chine.

Les terres rares et l’environnement

En 2023, l’UE représentait 58% de la production d’éoliennes et 23% de la production de véhicules électriques. Mais bien que l’UE soit en tête de la production mondiale d’éolienne, cela dépend des terres rares venues de Chine tels que le praséodyme, le néodyme et le dysprosium. L’UE pousse au recyclage de terres rares mais cela est difficile du fait qu’elles sont souvent collées à d’autres composants au sein de produits complexes comme les smartphones. Le recyclage de terres rares ne satisfaisait que 1% de la demande de l’UE en terres rares en 2023. En contraste, 55% de la demande de cuivre de l'UE est satisfaite par le recyclage. Cela signifie que les efforts de l’UE vers l’énergie renouvelable dépendent de l’extraction et du raffinage de terres rares en Chine, aux dépends à la fois de l’environnement et de la santé des ouvriers.

L'extraction de terres rares en Mongolie intérieure, où la majeure partie de l’extraction de terres rares a lieu en Chine, a donné lieu à des lacs d’effluents toxiques, à des cas d’empoisonnement à l’acide sulfuriques et à des ‘villages du cancer’. La contamination des eaux et du sol a entraîné stérilité et malformations. Il y a eu des manifestations locales contre la pollution, par exemple à Guangxi (autre région de Chine où l’on extrait de grandes quantités de terres rares), mais ceux-ci ont eu une portée limitée. Comme nous l’affirmions en 2020 :

Beaucoup des solutions prônées par le lobby Vert sont eux-mêmes polluants et destructeurs pour l’environnement. L’extraction en grande quantités de terres rares, de cobalt et de lithium, nécessaires à l’énergie verte, cause une pollution effroyable. La Chine, d’où 70% des terres rares sont extraits, a empoisonné de vastes étendues de terre. L’extraction de lithium, pour les batteries de voitures, dans le désert d'Atacama au Chili a déjà détruit des lacs d'eau salée et pillé l’aquifère d’eau douce. Le fait que le capitalisme requière une croissance continue et que chaque État-nation est en concurrence pour gagner un avantage sur leurs rivaux signifie que l’environnement demeure une ‘externalité’. Ce que les capitalistes ne peuvent jamais admettre est que la cause de l’ensemble des problèmes environnementaux est le capitalisme mondial lui-même. Ainsi, toutes les solutions qui laissent le capitalisme debout sont futiles.(23)

La course aux énergies renouvelables n’est qu'une raison supplémentaire pour la ruée sur ces métaux précieux. Alors que la concurrence impérialiste passe de la concurrence économique à la préparation militaire, la quête pour le contrôle des terres rares est un élément clef de ce jeu dangereux. De la Chine au Groenland, en passant par l’Afrique, les géomètres cherchent des réserves rentables. Pendant ce temps, pour les travailleurs du monde il n’y a pas de profits mais seulement l’évidence de plus en plus clair qu’à moins de s’engager collectivement dans la lutte pour une nouvelle communauté mondiale qui prend en compte le monde naturel, le capitalisme s’assurera qu’on n’ait pas d’avenir.

Erwan
04/04/2025

Notes :

(1) phys.org

(2) scmp.com

(3) statista.com

(4) leftcom.org et politico.eu

(5) Marx, K., 1975. Théories sur la plus-value tome II. Éditions Sociales. Page 42.

(6) marxists.org

(7) ig.ft.com

(8) monde-diplomatique.fr

(9) asia.nikkei.com

(10) leftcom.org

(11) reuters.com

(12) benchmarkminerals.com

(13) ft.com

(14) reuters.com

(15) reuters.com

(16) source.benchmarkminerals.com

(17) marxists.org

(18) reuters.com

(19) ft.com

(20) spectrum.ieee.org

(21) france24.com

(22) france24.com

(23) leftcom.org

Thursday, April 10, 2025