La crise de l’acier aux États-Unis

À peine perceptible, noyée dans le brouhaha de l’effort de guerre de la bourgeoisie américaine, il y a l’effondrement tragique de toute une industrie et son impact sur la vie de dizaines et même de centaines de milliers de prolétaires. À mesure que le capitalisme mondial s’enfonce dans ses contradictions inhérentes, la classe dominante n’a qu’un seul recours: imposer l’austérité aux prolos et les enrôler dans des guerres impérialistes à répétition. La chute et la restructuration de l’industrie américaine de l’acier est une indication claire de la décomposition de ce système et du lourd fardeau qu’il impose à la classe ouvrière. L’état actuel des affaires du capitalisme international apparaît même dans les centres du capitalisme. LTV, le troisième plus important producteur d’acier aux États-Unis a fait banqueroute et ne peut se trouver d’acheteur.

"Little Steel", ces compagnies d’acier américain plus petites que US Steel comprend dans les faits certains des plus grands producteurs du pays. La combinaison du déclenchement de la crise économique en Asie en 1997 et le poids du dollar dans l’économie mondiale a terrassé une industrie déjà malade. À mesure que les nations de la planète tentent en exportant de s’arracher à une crise causée à la racine par la baisse du taux de profit, les producteurs d’acier des USA s’écroulent parce que leurs coûts d’opération sont trop élevés. Cela laisse aux compagnies et aux syndicats la tâche de réduire la capacité de production en fermant des usines et en coupant les salaires et les bénéfices. Depuis 1998, environ 25 compagnies d’acier ont fermé boutique aux États-Unis.

Le 19 décembre, 2001, un juge fédéral a donné son accord pour neutraliser les aciéries LTV à Cleveland, Ohio et East Chicago, Indiana de même que les cokeries de Warren en Ohio et de Chicago dans l’Illinois éliminant 7500 emplois. L’impact de ces fermetures dépasse largement les 7500 emplois perdus. Seulement dans le Nord-Ouest de l’Indiana quelques 9000 emplois supplémentaires seront éventuellement perdus du fait que les fournisseurs de LTV se précipitent vers d’autres compagnies. D’autres aciéries de la région sont aussi en péril. Bethlehem Steel est en faillite. Toutes les usines de US Steel, Ispat Island Steel et National Steel perdent de l’argent. Avec la faillite de Bethlehem Steel qui ne paiera plus de taxes, la commission scolaire locale perdra 40% de son budget. À Gary en Indiana, l’acier constituait 50% de la base de taxes locale. En 1980, 50 000 métallurgistes travaillaient dans cette région, ils ne sont plus que 20 000 aujourd’hui. La réponse des capitalistes à la baisse du taux de profits est d’éliminer leur capacité de produire de l’acier.

LTV continuera sur "hot-idle", ce qui veut dire que les fours de coke seront maintenus jusqu’à la fin de février 2002. Si aucun acheteur ne s’est manifesté à ce moment, les fours seront fermés pour de bon. Le 27 février, 2002, les avoirs de la compagnie seront vendus aux enchères. À la fin février, les prestations de chômage payées par la compagnie, déjà coupées de moitié, se termineront. La compagnie ne financera plus de programmes de rééducation et de recherche d’emplois à ses ex-employé-e-s. LTV cessera de cotiser au fond médical qui fournit des avantages médicaux à quelques 55 000 retraité-e-s membres du syndicat et 13 100 non-membres. Le fond lui-même n’aura plus un sous au milieu de l’été 2002.

Le travail dans l’industrie de l’acier est connu pour les effets affaiblissants sur la santé des travailleurs. Il crée des problèmes médicaux chroniques et expose la main d’œuvre à des toxines comme le benzène, le goudron et l’acide chlorhydrique. Plusieurs de ces travailleurs auront maintenant de la difficulté à assumer de payer pour leur vie de service dans l’industrie. Dans les dernières années, environ 29 producteurs d’acier sont tombés sous le coup de l’article 11 de la Loi sur les faillites américaine. Certaines compagnies telles Edgewater, Great Lake Metals, Trico et Northwestern Steel and Wire ont dû fermer complètement. LTV n’est seulement que la plus récente et la plus importante d’une liste croissante de victimes. Les États-Unis ne produisent qu’à 64% de leur capacité de production d’acier et les analystes de l’industrie estiment qu’une coupure supplémentaire de 20% de la production serait nécessaire pour ramener l’industrie à la rentabilité.

Le rôle des Métallurgistes Unis d’Amérique (les Métallos) devrait ébranler toutes les illusions que les gens conservent sur les syndicats en tant que grands défenseurs du prolétariat. En novembre 2001, US Steel annonça qu’elle était à discuter une fusion avec Bethlehem, National et Wheeling-Pittsburgh. La direction de la compagnie déclara que la réussite de la fusion dépendait de concessions majeures de la part des travailleurs et des travailleuses et d’un accord avec le gouvernement qui accepterait de prendre en charge les prétendus "coûts hérités" des retraité-e-s. Ces coûts d’une main d’œuvre importante et vieillissante par rapport au nombre restreint de prolos à l’emploi de l’industrie aujourd’hui représentent une cible majeure des patrons dans leur tentative futile de retrouver la rentabilité. Les Métallos ont offert leur appui à la fusion. Cela n’est pas surprenant car ils ont soutenu toutes les autres initiatives patronales concernant les fermetures et les pertes de bénéfices. Plutôt que défendre les travailleurs, ce qu’ils ne peuvent faire de toute façon, leur réaction a été de monter une campagne nationaliste appelant la protection du gouvernement sur l’industrie de l’acier tout en faisant porter le blâme de la crise sur les importations à bon marché et le "cheap labour" étranger. Le gouvernement US a récemment promis de couper la production d’acier américaine du 20% recommandé lors d’une réunion de la Commission de commerce international à Bruxelles. Le gouvernement a indiqué que tout soutien à l’industrie de l’acier dépendra de l’ampleur de la restructuration de l’industrie, du nombre de mises à pied et de l’importance des coupures en salaires et en bénéfices. Les Métallos acquiesceront parce qu’ils n’en ont guère le choix. Étant donnée la nature de la crise, le niveau de résistance ou d’accord du syndicat ou encore sa tendance n’y changeraient rien. Les travailleurs et les travailleuses écoperont et les syndicats en partageront la responsabilité.

US Steel tente de s’approprier le contrôle de tout ce qui reste de l’industrie de l’acier aux USA. Elle demande, avec l’appui des Métallos, le secours du gouvernement; à savoir 12 milliards de dollars pour payer les bénéfices des employé-e-s. Ils veulent que le gouvernement écarte les lois anti-trusts qui les embarrassent. Ils demandent de plus des tarifs allant jusqu’à 40% sur les importations d’acier afin de protéger leur industrie. Malgré tout le discours libre-échangiste du gouvernement américain, il se peut très bien qu’ils obtiennent au moins une partie de ce qu’ils demandent.

C’est seulement lorsque les travailleurs et les travailleuses commenceront à voir au-delà du chauvinisme national propagé par les syndicats et l’État dans cette conjoncture politique de plus en plus répressive, qu’ils et elles pourront se défendre contre cette attaque. Ce qui est clair, c’est que la bourgeoisie n’a pas de solution à la crise; elle utilise le charabia du libre-échange jusqu’à ce qu’elle rencontre des difficultés et cherche alors la protection de l’État. La vraie clé de cette crise n’est pas dans les mains de la classe dominante. Elle est dans les mains de la classe ouvrière et elle signifie la révolution mondiale.

Asm

Note de l’éditeur: Notre correspondant ASm avait raison. Des tarifs allant jusqu’à 30% viennent en effet d’être imposés.