Le nouveau piège électoraliste

Éditorial

Comme le veut la tradition au Québec, chaque printemps nous amène, presqu'aussi fidèle que la débâcle, un colloque ou une conférence visant la construction d'une nouvelle alternative de "gauche". Cette année encore, une Grand messe célébrée à Montréal à la fin mai, a réuni plusieurs centaines de fidèles dans l'espérance de l'unité de la "gauche politique et des forces progressistes" en vue des prochaines échéances électorales.

"La gauche fourbit ses armes" titrait La Presse du 28 mai, tout en citant les propos de l'un des organisateurs du colloque: "Pour la première fois, toutes les organisations politiques de gauche étaient présentes, ne se sont pas querellées, mais ont plutôt parlé de points communs, de grandes orientations communes, de plates-formes politiques, éventuellement à élaborer." Le comité organisateur du colloque pouvait effectivement pavoiser à l'issue de l'événement. À peu près tout ce que le Québec compte de marchands de camelote réformiste étaient de la fête: le Rassemblement pour l'Alternative politique, le Parti de la démocratie socialiste, les staliniens du Parti communiste du Québec et du Parti marxiste-léniniste, le Bloc Pot, le Parti Vert ainsi que les anarcho-pacifistes de SalAmi y ont côtoyé des syndicats, des cathos de gauche, les groupies du Monde Diplomatique et diverses éminences de l'establishment communautaire. Et toute cette assemblée de "progressistes" s'est entendue comme larrons en foire sur une kyrielle d'orientations fondamentalement rétrogrades.

Proclamant la nécessité de la lutte contre les "ennemis communs qui sont le néolibéralisme et le grand capital", on y a déploré le fait que "le Parti québécois a fait un virage vers la droite et le Parti libéral a fait un virage conservateur". La question de l'heure est donc toute trouvée, il faut remplir "le vide énorme à gauche" (i.e. gonfler la baudruche fétide d'un capitalisme citoyen...).

Léopold Lauzon, l'incontournable "homme de gauche" de toutes les tribunes médiatiques bourgeoises, constatant le fait que l'Europe est dirigée par des gouvernements de gauche, s'est fait un devoir de fouetter ses troupes.

"Si c'est possible là-bas, nous aussi on peut réussir!" Encore faut-il connaître les réalisations de cette gauche européenne pouvant nourrir la flamme de nos espoirs ici... Or, la dure réalité est qu'en Angleterre, en Allemagne, en France et en Italie, les gouvernements réformistes (sociaux-démocrates, ex-staliniens, travaillistes, écologistes...souvent avec l'appui de trotskistes) élus grâce à la promesse de combattre la misère et le chômage n'ont fait que servir efficacement le capitalisme dont ils ne sont que la couverture de gauche. Cette gauche capitaliste a pu faire passer des attaques contre la classe ouvrière d'une ampleur telle que mêmes les administrations de droite n'étaient pas parvenues à imposer au cours des années précédentes. C'est d'ailleurs justement le rôle historique de l'aile gauche du capital de faire avaler aux prolétaires les couleuvres que l'aile droite n'arrive plus à nous refiler.

Quelles sont donc les couleuvres que cette future Union de la gauche locale veut nous servir en services généreux? Le menu est identique car le "chef" est le même: nationalisme, électoralisme, collaboration de classe, sectorialisme petit-bourgeois, illusions citoyennes et ultimement, la marche à la guerre...

Les ouvriers et les ouvrières n'ont rien à gagner d'un nouveau parti réformiste ou d'un gouvernement de gauche. Nous devons refuser toute forme d'appui, même critique à ce genre d'initiative. Pour le prolétariat, la politique du moins pire est la pire des politiques. C'est toute l'histoire du XXème siècle qui nous le prouve. Pour ceux et celles qui veulent vraiment en finir avec le capitalisme, pour ceux et celles qui souhaitent sortir de ce "sinistre roman noir de la décadence sociale moderne", l'espoir est à une autre enseigne; celle de la classe ouvrière internationale. Nous devons poursuivre notre marche autonome, difficile et résolue au travers des écueils et des pièges que nous tend constamment la bourgeoisie. Contre les illusions électorales et les alternatives réformistes nous opposons la nécessité de la révolution prolétarienne.

Contre le capitalisme, nous luttons pour le communisme international. Il n'y a pas d'autres voies!