Libération nationale et nationalisme

:Ce texte est notre traduction d’un extrait de Socialism or Barbarism, CWO, Grande-Bretagne, 1994. Cette brochure est disponible en quantité limitée à l’adresse de Notes Internationalistes.

En temps de guerre comme en temps de paix, la bourgeoisie tente de faire en sorte que les travailleurs et les travailleuses s’identifient à leur "propre" pays. Depuis des générations, on nous a annoncé la perte de nos emplois si nous ne travaillions pas aussi fort que les travailleurs et les travailleuses dans d’autres pays, exactement le même message qui est transmis aux prolétaires où que vous alliez.

En temps de guerre, on nous dit que nous devons nous battre contre nos frères et nos sœurs de d’autres pays, comme s’ils étaient plus responsables des crimes de leurs patrons que nous le serions des crimes des nôtres! Les intérêts des prolétaires ne sont pas ceux des capitalistes. Si nous restons coincés dans l’engrenage de la compétition avec les travailleurs et les travailleuses des autres pays, seuls nos patrons en profiteront et ce, à notre détriment.

Quand est-il des pays dans la périphérie du capitalisme? La Gauche communiste internationaliste n’a jamais soutenu les prétendues luttes nationales dans la périphérie du capitalisme. On nous dit que ces luttes s’attaquent à l’oppression et qu’elles sont anti-impérialistes. Il est vrai que dans de nombreuses nations, il y a des minorités opprimées, mais ces minorités gagnent peu à s’identifier aux directions bourgeoises de leur nation ou leur groupe.

L’agonie du peuple palestinien n’est pas soufferte par sa bourgeoisie, dans ses appartements de New York, mais par le prolétariat de Gaza et de Cisjordanie. Son véritable intérêt n’est pas de remplacer ses exploiteurs israéliens par des exploiteurs palestiniens mais de s’unir avec les travailleurs et les travailleuses du monde entier pour en finir avec toute exploitation et avec elle toute oppression nationale. Cela vaut pour toutes les situations tragiques semblables. Encourager la classe ouvrière de n’importe quelle région à participer à des mouvements nationaux c’est encourager les travailleurs et les travailleuses à mourir pour le capitalisme.

Pour être plus précis, ces luttes ne sont pas anti-impérialistes. En premier lieu, pour être militairement efficaces elles doivent se trouver un commanditaire impérialiste. La guerre du Vietnam a amené des souffrances indicibles au peuple vietnamien, mais il n’a pu la mener contre les USA qu’en combattant avec le soutien impérialiste russe. Ensuite, une fois la lutte militaire terminée, le nouvel État "libéré" ne pourra se tenir à l’écart de la toile de relations impérialistes constituant l’économie mondiale. Aujourd’hui, aucun État ne peut se développer indépendamment et, peu importe la faiblesse de son économie, doit se soumettre aux exigences de la compétition capitaliste sur le marché mondial. Ainsi, le Vietnam "indépendant" n’eut d’autres choix que de se tourner vers les investisseurs occidentaux et de se plier aux exigences du FMI.

À ceux et à celles qui avancent que Marx soutenait certains mouvements indépendantistes ou que Lénine soutenait une politique d’appui à l’autodétermination, nous répondons qu’un "marxisme" aussi mécaniste n’est pas du marxisme du tout. Marx écrivait à une époque où il pouvait constater que le capitalisme développait la classe ouvrière, des nouvelles technologies, de la machinerie ainsi que la pensée scientifique. Tout ce qui était nécessaire pour rendre possible le communisme. Conséquemment, Marx et Engels appuyèrent certains mouvements nationalistes lorsqu’ils les croyaient capables de se débarrasser du féodalisme et autres structures sociales précapitalistes. Ce fut la base d’une nouvelle zone de développement capitaliste. Durant cette période ascendante du capitalisme, il était possible que de nouvelles nations capitalistes indépendantes émergent et ainsi, élargir les fondements de la classe ouvrière, cette future fossoyeuse du capitalisme.

Cependant, depuis l’ouverture de la présente phase de domination impérialiste de la planète, aucune telle formation capitaliste indépendante n’est possible. C’est Luxemburg (1) et non Lénine qui a le mieux saisi cette réalité, malgré son analyse erronée des racines de l’impérialisme. Le développement subséquent du capitalisme durant ce siècle n’a que confirmé la justesse de la position de Luxemburg sur la question nationale. Lénine avait prévu que la lutte politique des nations coloniales provoquerait une immense crise du système. En fait, cela n’est pas arrivé parce que lorsque eut lieu la décolonisation, cela n’a eut pour effet que de réduire les coûts militaires de l’impérialisme. Elle ne changea en rien la relation économique. Dans plusieurs cas, la décolonisation en soi fut une partie intégrante de la lutte inter-impérialiste car elle fut imposée par les USA sur les puissances impérialistes plus anciennes, après son émergence en temps que pouvoir impérialiste dominant en 1945.

Certes, dans cette ère de l’impérialisme, nous pouvons affirmer qu’aucune puissance impérialiste n’est indépendante puisque tous les États font partie d’une hiérarchie dans laquelle il n’y a que des degrés de domination. Ces États à la lisière du système sont en position de faiblesse. Là, la bourgeoisie locale utilisera occasionnellement un discours "anti-impérialiste" (i.e. nationaliste) pour masquer le fait qu’elle n’est devenue qu’une partie intégrale de la domination globale du capitalisme sur la classe ouvrière. La seule voie sûre vers l’émancipation des prolétaires de la planète est la guerre de classe internationale, pas l’appui à une quelconque mafia bourgeoise de libération nationale. Le but du prolétariat est l’abolition de tous les États-nations et de toutes les frontières.

(1) Luxemburg (Rosa), 1870-1919. Grande révolutionnaire internationaliste, exécutée sur ordre du gouvernement social-démocrate allemand.