Élections du 14 octobre: Pas un seul vote pour le capitalisme!

Les élections fédérales du 14 octobre se tiennent dans une conjoncture politique particulièrement grave et complexe. La tourmente financière qui secoue le monde entier ne montre pas de signe d’essoufflement. Pendant la semaine qui vient de se terminer, les marchés boursiers ont connu la plus grande dévaluation d’actions depuis le Krach de 1929. Alors que les économistes bourgeois sont toujours partagés à savoir si nous sommes entrés en récession, c’est l’ombre de la dépression qui se dessine à l’horizon de cette économie de casino. Et contrairement à la crise des années 30, la secousse actuelle n’épargne pas un seul recoin de la planète. Même si nous ne connaissons pas encore les effets que la réunion d’urgence du G7 aura sur le cours des événements, il est clair que les faillites, les rachats et les bouleversements des dernières semaines sont le produit d’une aggravation de la crise profonde du cycle d’accumulation du capital qui sévit depuis quelques décennies.

Aujourd’hui, la Bourse d’Arabie Saoudite, la plus importante du monde arabe en terme de capitalisation, a chuté de 6%. Hier, l’indice Hang Seng de Hongkong a chuté de 7,2%, le CAC-40 de Paris de 6,8%, le DAX 30 d’Allemagne de 7% et le TSX de Toronto de 7,9%. La dernière des grandes banques d’Islande s’est maintenant effondrée et a due elle aussi être nationalisée comme les deux précédentes, alors que les transactions de la bourse d’Islande ont dues être suspendues, tout comme elles l’ont été en Autriche, en Italie et en Russie. Durant la dernière semaine seulement, l’indice Nikkei du Japon a perdu environ 24 % de sa valeur, tandis que l’indice composite de Shanghai en perdait près de 13%. Signe des temps: les grandes aciéries asiatiques telles Nippon et JFE Holdings Inc. du Japon souffrent énormément des craintes de ralentissement économique et le géant de l’acier chinois Baosteel a perdu 63% de sa valeur depuis un an. Aux États-Unis, l’indice Dow Jones a perdu 18,2% cette semaine; un chiffre plus élevé que le 17% de la semaine du 22 juillet 1933, au plus profond de la Grande Dépression. Le MSCI World Index, qui évalue l’ensemble de la valeur des échanges boursiers de la planète, estime la perte de valeur de la dernière semaine à 19%.

Au niveau de la politique internationale, la situation n’est guère plus reluisante. La guerre se poursuit en Irak et en Afghanistan (1) et il est tout à fait possible qu’elle s’étende à l’Iran. Au mois de juin, l’État d’Israël a complété un exercice militaire préparatoire à cet effet. Les bravades se multiplient entre les forces aériennes américaines et iraniennes tout le long de la frontière irakienne. Il ne faut pas oublier que l’histoire nous enseigne que les crises économiques et financières tendent à exacerber les tensions inter impérialistes et à renforcer encore davantage le cours vers la guerre généralisée. Les affrontements sanglants du mois d’août en Ossétie et en Géorgie et le risque de leur extension future en Crimée n’en sont que preuves supplémentaires.

De plus, la quête pour trouver de nouvelles avenues de valorisation du capital a créé une demande fictive sur les marchés de matières premières stratégiques comme le pétrole et sur les denrées de base. Cela a eu pour conséquence une hausse artificielle sur le prix de l’essence et le prix des aliments. Des émeutes de la faim ont éclatées dans de nombreux pays et ont souvent été réprimées dans le sang. (2) Ces émeutes témoignent d’une misère croissante intolérable dans les pays de la périphérie du capital. Mais les difficultés s’accentuent aussi maintenant de plus en plus au cœur même des centres impérialistes. Ici même au Canada, les hausses de prix à la consommation se font durement ressentir. La crise du capital fictif a un effet très réel sur les travailleurs et les travailleuses du Canada. Cet impact est appelé à se faire sentir encore davantage. Les secousses et les crises du capitalisme produisent toujours des coupures dans le salaire social (les programmes sociaux), les salaires réels et une croissance du taux d’exploitation. Comme toujours, la classe dominante a l’intention de faire payer sa crise par la classe ouvrière.

Crises, guerres et pauvreté, voilà donc le contenu de notre époque en cette période électorale. Et il ne faut pas oublier la dégradation continue de nos moyens mêmes d’existence, suite à la crise environnementale. C’est dans cette conjoncture qu’on nous appelle à se prêter au «jeu» de la démocratie, à soutenir le processus parlementaire en y participant par un vote favorable à un programme ou à une personne, ou à tout le moins chercher à éviter le pire en écartant du pouvoir gouvernemental, le parti ou les personnes que l’on désire le moins aux postes de commande; c’est ce qu’on appelle maintenant le vote stratégique. Ce qui suit est ce que nous pensons, tant des options électorales que du cadre parlementaire lui-même.

Le Parti conservateur est historiquement un des partis jumeaux de la classe dominante canadienne. En tant que parti bourgeois et à la tête d’un gouvernement minoritaire, il a tout le long de son mandat (auquel il a mis fin, à l’encontre de la loi qu’il avait lui-même fait adopté) servi fidèlement la cause de nos maîtres, tant sur le plan domestique qu’à l’échelle internationale. Ainsi, il a cherché à défendre les intérêts et à assurer une position géostratégique avantageuse à la bourgeoisie canadienne - complémentaire mais aussi distincte des politiques américaines - tant au Moyen-Orient que dans le Grand Nord canadien. Même si les nuances de certains de ses enlignements idéologiques nous répugnent plus particulièrement, que ce soit le traitement de la criminalité, la question de la culture ou de la contraception ou encore ses positions en matière d’environnement, nous croyons que ce parti doit être combattu férocement, non pas pour telles ou telles de ces politiques particulières, mais bien parce qu’il est un parti d’exploiteurs et de rapaces et qu’il pèse très négativement sur la balance de l’avenir de l’humanité.

Le Parti libéral est l’autre parti jumeau historique des patrons. Il bénéficie dans cette course électorale de la campagne de diabolisation menée contre son alter ego conservateur. Cependant, lui accorder la confiance d’un vote stratégique dans certains comtés comme le suggère le communiqué des nationalistes de «gauche» de Québec Solidaire ou encore plusieurs écologistes, c’est faire preuve d’une méconnaissance historique inouïe et d’une incompréhension fondamentale des enjeux systémiques et historiques actuels. Nous n’avons qu’à rappeler la Loi des mesures de guerre promulguée par ce parti en 1970, la Loi sur le gel des salaires que le PLC s’était engagé à ne pas soutenir en campagne électorale et qu’il a fait voté une fois au pouvoir en 1976, ou les promesses non tenues par Chrétien sur l’abrogation de l’Entente sur le libre-échange et la TPS. Ces gens ont-ils déjà oublié que ce sont les libéraux qui ont envoyé les Forces armées canadienne en Yougoslavie en 1999 et en Afghanistan à l’automne 2002 - deux interventions impérialistes en trois ans?! Ont-ils aussi déjà effacé l’ardoise sur la Réforme Axworthy et la prétendue lutte pour l’élimination du déficit qui a imposé la plus grande coupure des dépenses en matière de programmes sociaux dans l’histoire du Canada et qui a privé la majorité des sans-emploi du pays du droit de recevoir les prestations d’assurance-chômage qu’ils et elles doivent tout de même payer? Combattre les conservateurs et soutenir les libéraux, c’est boxer avec un adversaire en se donnant soi-même des coups de poing à la figure.

Enfin, que dire des deux autres partis aspirant à la gouverne de l’État bourgeois au Canada - le NPD et le Parti Vert - et du Bloc Québécois, qui désire une renégociation du partage de cette gouverne selon les intérêts particuliers de la bourgeoisie québécoise. Il faut d’abord dire que dans tous les cas d’exercice du pouvoir par des partis verts ou des partis se réclamant de la social-démocratie ces dernières années, le bilan a été particulièrement éclairant quant à leurs véritables intentions et à leurs velléités de changement. Que ce soit la politique ultra militariste des verts en Allemagne et leur appui enthousiaste à tous les programmes d’austérité imposés aux travailleurs et aux travailleuses, ou les pratiques similaires du Labour Party britannique, toutes les expériences de gouvernement ayant impliquées des partis réformistes, verts ou social-démocrates ont démontré sans exception qu’ils ont été des gestionnaires fidèles et compétents de leurs États capitalistes respectifs. D’ailleurs, tant les verts et le NPD que le Bloc s’engagent à lutter pour des budgets équilibrés, et nous savons tous ce que cela veut dire, particulièrement en temps de crise. S’engager à être de bons gestionnaires de l’État capitaliste, c’est prendre la responsabilité de bien gérer les rapports d’exploitation capitalistes (3). C’est accepté de gérer l’usine infernale.

Sur la question de l’intervention en Afghanistan, nous rappelons que le NPD et le Bloc l’ont appuyée tous les deux dès le départ et que leurs divergences avec les partis jumeaux PC et PLC ne portent que sur la durée du mandat et sa transformation tactique, non sur son fondement qui reste «une cause noble» selon le chef du Bloc, Gilles Duceppe. Nous rappelons aussi que ce sont là des nuances politiques de partis bourgeois dans l’opposition; des nuances vite oubliées par les partis bourgeois une fois au pouvoir. Quant aux verts, leur approche «Trois D» - diplomatie, développement et défense - ne varie en rien des prétentions de leurs autres rivaux politiques, si ce n’est leur préférence affirmée, de concert avec le PLC, le NPD et le BQ, de couvrir les prochaines interventions des canonnières du Canada de la bannière des Nation Unies, ce «repaire de brigands».

Enfin, dans le dossier de l’environnement, il n’est question dans cette campagne électorale que de l’opportunité ou non de se servir de bourses et d’imposer des taxes sur les émissions de carbone. Ainsi, les partis parlementaires en cause, soit refusent d’agir rapidement dans ce domaine sous des prétextes de compétitivité économique comme le fait le PC, soit s’en tiennent à des mécanismes bourgeois, acceptables pour la bourgeoisie (voir le Conference Board of Canada, dans le cas de la taxe sur le carbone) dans le but de «réglementer» certains effets de la crise environnementale. Or, à la source même de la crise environnementale, il y a la nature même, ultra productiviste, du mode de production capitaliste. C’est avec la logique capitaliste, qui s’exprime par la rivalité féroce des blocs impérialistes qui se battent coûte que coûte pour le contrôle des marchés, des ressources et même du capital humain, qu’il faut rompre. Tant et aussi longtemps que le système de production pour le profit ne sera pas remplacé par un système de production basé sur l’usage social seulement, l’environnement continuera à se détériorer. En retardant les échéances ou en voulant se contenter de règlementer les effets (par des mécanismes - bourses et taxes - bourgeois de surcroît) plutôt que d’intervenir à la source et d’agir sur les causes, tous les partis parlementaires démontrent qu’ils sont de très piètres écologistes.

Alors que faire? Le vote pour les candidats des partis issus du stalinisme (PCC et PMLC) n’est pas une option. Ils ne comprennent rien à la crise du capitalisme, ni comment le combattre, car ils n’ont pas encore fait le bilan de l’échec du capitalisme d’État en URSS, en Chine ou ailleurs auquel ils ont été étroitement associés. Le Parti «communiste» du Québec, des libertaires et quelques groupes trotskistes se préparent à voter stratégiquement pour le BQ ou le NPD. Nous venons de démontrer comment ce vote n’a pas de sens et ne pourra que semer des illusions sur les divers partis dits «progressistes». Faut-il rappeler qu’en politique, la politique du pire est la pire des politiques? Quelques camarades et des contacts nous ont interrogé sur l’utilité de l’annulation du vote. Ils et elles sont préoccupés de ne pas perdre leur vote ou encore de se le faire voler.

Pour les communistes internationalistes que nous sommes, même si nous respectons nos camarades qui pensent annuler, l’idée de perdre notre vote est le cadet de nos soucis, car un vote déposé dans le cadre électoral bourgeois sera toujours un vote perdu, un exercice futile pour le prolétaire. Toute la machine électorale étant basée sur la fumisterie de la «démocratie bourgeoise», il nous semble évident aussi que d’éventuels votes volés par un parti ou par un autre ne pèsent rien dans la balance, car l’exercice même de ce vote est contraire à nos intérêts et que les partis parlementaires font tous partie du problème, pas de la solution. Nous sommes persuadés que ni l’appui critique à un parti réformiste, ni le vote stratégique, ni l’appui à des sectes post ou crypto staliniennes ou même l’annulation du vote ne mènent nulle part. En fait, il faut préciser que la question du pouvoir ne se limite pas au gouvernement, ni au parti ou à la coalition qui le constitue. Un État tient à beaucoup plus que cela, notamment à toutes ses composantes non élues.

Dans ce monde dominé par les rapports d’argent, par l’exploitation et par l’oppression quotidiennes, nous croyons que la seule issue positive à la crise de l’humanité réside plus que jamais dans la rupture brutale, complète et définitive avec le système capitaliste - inhumain, rétrograde et destructeur - et toutes les institutions sur lesquelles il se fonde, notamment le crétinisme parlementaire sous toutes ses formes et avec tous ses partis. Nous appelons au boycott total du scrutin du 14 octobre, comme nous appelons les travailleurs et les travailleuses du Canada à la reprise des luttes. En effet, dans la situation mondiale très sombre à laquelle nous sommes confrontés, il nous faudra organiser rapidement une résistance sérieuse aux mesures de crise que tentera inévitablement de nous imposer la bourgeoisie, quel que soit le parti au pouvoir et quelque soit le gouvernement, majoritaire ou minoritaire. Il nous faudra aussi remettre à l’ordre du jour la fraternisation internationale des travailleurs et des travailleuses contre le cours à la guerre, c’est à dire l’internationalisme prolétarien. Et du même souffle il faudra se donner de nouveaux organes de lutte unitaires et une organisation politique internationale prolétarienne capables de renverser le système d’esclavage salarié, source des guerres, générateur des oppressions et menace mortelle à notre mère la Terre.

Le 14 octobre: Pas un seul vote pour le capitalisme! Plutôt que de voter, rassemblons nous entre camarades sur nos lieux de travail, dans nos quartiers et dans nos domiciles pour discuter de ces perspectives. Ceci est un appel, non à l’abstention et à l’indifférence, mais à la lutte et à l’engagement!

Le Groupe Internationaliste Ouvrier, samedi le 11 octobre 2008
Contact: R.S., c.p. 173, succursale «C», Montréal, Québec, Canada, H2L 4K1.

(1) Le Canada participe activement à la guerre en Afghanistan, dont on estime maintenant le coût de façon très conservatrice à entre 14 et 18 milliards de dollars, si elle se termine en 2011 comme le prévoit le mandat actuel. Environ une centaine de canadiens et de canadiennes ont péri à date dans une guerre qui a ravagé le pays et massacré ses habitants par dizaines de milliers.

(2) Il ne faut pas oublier que les policiers qui ont tiré sur la foule affamée et qui ont tué à Port-au-Prince en Haïti, sont en grande partie entraînés et encadrés par un contingent de 100 policiers canadiens, dont plusieurs occupent des postes très importants dans la hiérarchie de l’appareil répressif haïtien. Pas un seul des principaux partis en liste à ces élections, y compris les partis «progressistes», ne s’en est ému.

(3) Dans le cas du Bloc, il vaut la peine de noter que même s’il a toujours protesté contre les reculs au programme d’assurance emploi à Ottawa, il s’est toujours tu lorsque des attaques similaires se sont produites contre les sans-emploi au Québec dans le programme d’aide sociale. De même, il a contesté la Réforme Axworthy à Ottawa, mais pas le Déficit Zéro à Québec.