Émeutes de la faim

Des émeutes de la faim ont secoué ces derniers jours l’Égypte, le Maroc, l’Indonésie, les Philippines, Haïti - où elles ont fait au moins cinq morts et abouti à la chute du gouvernement -, ainsi que plusieurs pays africains: Nigeria, Cameroun, Côte d’Ivoire, Mozambique, Mauritanie, Sénégal, Burkina Faso...

La situation antérieure était déjà dramatique puisque seulement en Afrique entre 1972 et 2002, le nombre d’Africains gravement et, en permanence, sous-alimentés a augmenté de 81 à 203 millions. Le Fonds international de développement agricole (FIDA), une agence de l'ONU, indiquait que pour chaque augmentation de 1% du prix des denrées de base, 16 millions de personnes supplémentaires sont plongées dans l'insécurité alimentaire. Cela

signifie que 1,2 milliard d'êtres humains pourraient avoir chroniquement faim d'ici à 2025; 600 millions de plus que précédemment anticipé,

prévient le document. Parmi les pays en première ligne: l'Érythrée, la Sierra Leone, Madagascar, Haïti, la Géorgie, le Burundi et le Zimbabwe.

Mais, en plus, aujourd’hui la crise économique est là et on assiste à la flambée mondiale du coût des denrées alimentaires. Selon les analyses du FIDA, bien que la flambée des prix alimentaires soit en partie due à des facteurs temporaires, la concomitance de “prix records de la nourriture” et de “productions agricoles record” est “une indication forte” que les prix resteront durablement élevés.

Encore une autre conséquence de la crise économique actuelle qui ne fait que commencer et qui déjà fait des ravages dans tous les domaines.

Quelles sont les raisons de ces émeutes? La réponse est claire. Les émeutes sont la conséquence des méfaits du capitalisme aggravés par la crise économique actuelle.

Il existe des facteurs à long terme qui ne sont pas nouveaux tels que l'augmentation de la population mondiale, ainsi que la pénurie des ressources dues au climat auxquelles s’ajoutent donc maintenant des causes dues au capitalisme actuel et à la situation conjoncturelle de crise économique.

Colonialisme ou néo colonialisme

Si l’Afrique est particulièrement vulnérable, c’est parce qu’elle subit la “destruction systématique de ses agricultures vivrières”, dénonçait Jean Ziegler, rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme des Nations unies pour le droit à l’alimentation.

Mais il y a aussi les bouleversements du climat. Même l’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’en alarme: les changements climatiques nuisent à la santé et à l’alimentation.

Sécheresse en Australie ou au Kazakhstan, inondations en Asie, ouragans en Amérique latine et un hiver record en Chine,

égrène le Programme alimentaire mondial (PAM). Tendance lourde. D’autant que l’agriculture intensive joue contre l’environnement. Achim Steiner, patron du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), assure:

Dans les grands pays, on atteint des limites en termes de disponibilité de terres arables et d’eau, et de réduction de la fertilité des sols.

Mais il resterait une marge pour les petits paysans:

Si on fournit de bons engrais à 70 % de petites cultures, on peut doper la production de 20 %,

note Gilles Hirzel, de la FAO. A tous ces maux il faut rajouter la question des OGM!

Les raisons de la crise économique actuelles sont les suivantes:

1. Le choix du capitalisme de se diriger vers les biocarburants

La flambée du cours du pétrole a précipité la ruée vers l’or vert. L’Union européenne veut incorporer 10% de biocarburants dans la consommation totale d’essence et de gazole d’ici à 2020. George Bush, lui, rêve de voir 15% des voitures rouler aux biocarburants d’ici à 2017. Même les pays en déficit alimentaire, comme l’Indonésie ou le Sénégal s’y mettent, sacrifiant des terres arables. Un emballement qui “a accru la demande de produits alimentaires”, dit Bob Zoellick, président la Banque mondiale.

Entre 20 et 50% de la production mondiale de maïs ou de colza ont ainsi été détournés de leur usage initial,

note le FMI. Et le cours du maïs, utilisé pour l’éthanol, a doublé en deux ans.

Si l’on veut substituer 5 % de biocarburants à l’essence et au gazole, il faudra y consacrer 15 % de la superficie des terres cultivables européennes,

calcule l’Agence internationale de l’énergie.

2. Une immonde orgie de spéculation

Un économiste “distingué” disait dernièrement à Washington: “C’est de la folie! Le blé vaut de l’or!” Voilà un autre résultat de la crise financière. Maintenant que les marchés des valeurs industrielles et monétaires s’effondrent, les fonds d’investissement placent leurs billes sur les matières alimentaires. Soja, blé, maïs. Ce sont les nouvelles valeurs refuge! Le riz bondit de 31% le 27 mars, après l’annonce par quatre pays de la suspension de leurs exportations au moment où les Philippines réclamaient 500 000 tonnes. “Les fonds s’engouffrent, achètent, et stockent”, dit un intermédiaire. Le sénateur démocrate américain Byron Dorgan flingue “l’orgie de spéculation” qui booste jusqu’à 10% le prix des denrées alimentaires.

3. Le marché noir local sordide des petits spéculateurs locaux

Le Courrier international (no 910) du 10 avril cite des cas de trafic de farine en Égypte alors que la population manque de tout.

Oum Ali est allée à la boulangerie acheter du pain et elle a vu le boulanger mettre un sac de farine dans le coffre de sa voiture sous les yeux de ses clients qui faisaient la queue.

Voilà ce à quoi pousse le chacun pour soi capitaliste. Ces petits faits sordides viennent encore plus rappelé au prolétariat qu’elle est sa tâche. Faire cesser ce monde de pénurie organisée par les possédants.

4. Les effets de la soi-disant libéralisation des droits de douane, etc....

On nous impose, nous, poids plume, de boxer contre les poids lourds sur le ring commercial,

pestait, il y a six mois, Jacques-Édouard Alexis, Premier ministre haïtien.

Les politiques de libéralisation à marche forcée, prônées pendant des décennies par le FMI et la Banque mondiale, ont contribué à rendre les pays pauvres encore plus vulnérables,

dénonce Sébastien Fourmy, d’Oxfam. Et les petits fermiers du Sud se sont vus laminer par les produits subventionnés exportés par les pays riches (poulet, céréales, etc.).

Victimes aussi de leur propres gouvernements qui n’ont pas dédié (ou pas pu) une part de leur budget à la paysannerie,

ajoute un expert de la FAO.

Voilà ce que cachent les politiques libérales imposées par les grandes nations. La bourgeoise nous présente avec brio tout cela comme une libération du commerce pour une plus juste circulation des richesses en vue du bonheur de tous. En réalité, il s’agit d’une machine de guerre des plus gros impérialistes pour imposer leurs productions. Jamais les pays en développement ne pourront rivaliser avec l’agriculture industrielle des pays capitalistes développés. C’est leur ruine assurée.

C’est par exemple le cas des OGM de Monsanto. Si les marchés sont ouverts aux produits Monsanto, ils vont envahir le monde. Demain les petits producteurs d’Afrique ou d’ailleurs ne pourront plus cultiver leur nourriture sans acheter les plans des plantes vivrières à cet énorme trust; ce qui veut dire leur disparition et la famine. Ils n’auront pas les moyens d’acheter des OGM pour cultiver leurs maigres lopins de terre. Criminels!

Nous n’avons rien à rajouter de plus à l’horreur. Le capitalisme et ses lois sont vraiment les pires entraves au développement et au bien être de l’humanité. Combien de morts devrons-nous subir encore avant que ce système abject ne disparaisse de la face du monde? Combien de “livres noirs” devraient écrire nos bons experts et bons bourgeois pour rendre compte du massacre, de la misère et des crimes du capitalisme?