Crise économique en Chine, Vague de grèves dans le sud

Image - Deux cent syndicalistes en casquette jaune attaquent le 31 mai 2010 les travailleurs en grève chez Honda pour les faire retourner au travail

Quotidiennement depuis quelques mois des grèves se déroulent dans le Delta de la rivière des perles, zone située au sud de la Chine, près de Hong Kong, qui concentre «l'atelier du monde» tourné vers les exportations.

La Chine est victime du ralentissement économique généralisé. Ne nous fait-on pas croire en Europe que la Chine pourrait venir au secours des banques et des États pour soutenir leurs dettes souveraines?

Les Européens n'ont pas de raisons de refuser les capitaux chinois qui s'investiraient dans un fonds de sauvetage de la zone euro...

a déclaré jeudi 27 octobre 2011 Nicolas Sarkozy. Il a poursuivi à la télévision:

Si les Chinois, qui ont 60% des réserves mondiales, décident de les investir dans l'euro plutôt que dans le dollar, pourquoi refuser? […] notre indépendance se sera en rien remise en cause.

Bonimenteurs!

Dernièrement

Début novembre 10 grèves dans les transports (Bus dans différentes villes) et des taxis étaient répertoriées.

Le 15 novembre s'étaient les travailleurs de Pepsi à Chongqing, Chengdu, Nanchang, Fuzhou et Changsha qui étaient en grève représentant 20000 travailleurs. Au cours des deux dernières semaines, plus de 10000 ouvriers de différentes usines se sont mis en grève.

Lundi 28 novembre, 700 employés de l'usine taïwanaise Jingmo Electronics qui fabrique des claviers d'ordinateurs pour Apple et IBM ont cessé le travail. Le lendemain, c'est au tour de 400 ouvriers de l'usine de sous-vêtements Shenzhen Top For Underwear de se mettre en grève. Fin octobre, ils étaient 1178 chez le fabricant japonais de montres Citizen à tenir tête à leur patron pour obtenir la rémunération de 40 minutes de présence quotidienne supplémentaire imposée mais non payée depuis plusieurs années.

La manifestation la plus importante a eu lieu à Dongguan, important centre industriel du sud de la Chine: 7000 employés de l'usine de chaussures Yucheng Footwear Factory, un sous-traitant de Nike et d'Adidas, sont descendus dans la rue pour protester contre l'annonce de licenciements (des dizaines d'ouvriers qui protestaient contre des licenciements et des réductions de salaires ont été blessés jeudi 17 novembre par les forces de l'ordre), une baisse de leurs salaires, ainsi que la suppression des heures supplémentaires, laissant aux employés un maigre salaire de base.

Une lente mais irrésistible montée des luttes ouvrières depuis 2009

La Chine a déjà connu une vague de grèves en 2010, notamment dans les usines du groupe Foxconn, soustraitant de nombreux fabricants d'électronique mondiaux, pour obtenir de meilleurs salaires et conditions de travail. (1)

La Chine du sud - particulièrement la province du Guangdong - est devenue l'atelier du monde, pour plusieurs raisons ; mais la plus reconnue provient de l'existence d'une main d'oeuvre travailleuse, obéissante, et acceptant sans rechigner bas salaires et mauvaises conditions de travail.

Ces vingt dernières années, la croissance a été ininterrompue et les salaires ont peu bougé. Les statistiques officielles chinoises montrent mêmes que ces salaires auraient plutôt diminué en proportion du produit industriel brut.

«Un printemps ouvrier en Chine du Sud?» tirait des journaux occidentaux comme Rue89 le 22 janvier 2011. Depuis un an c'est à dire en 2010, on voyait se multiplier les conflits du travail. De ce fait, les salaires sont montés. Les journaux ont d'ailleurs fait état de plusieurs conflits, dans des entreprises taïwanaises ou japonaises, lesquels se sont soldés par de très conséquentes hausses de salaires. Le mouvement est tellement fort que de plus en plus d'observateurs parlaient de la possibilité d'une grève générale en Chine du Sud.

Sans pouvoir prédire ce qui relève de l'imprévisible, il nous semble que les conditions sont réunies pour un printemps ouvrier en Chine du sud, explosif ou rampant, mouvement qui a déjà commencé ; tout porte à penser qu'il va se développer dans les mois qui viennent.

Rue89

Et ce journal titrait

Nous n'avons pas atteint le pic des conflits!
Personne ne peut dire la forme que prendront les conflits à venir. Ce panorama des acteurs, la détermination et l'absence de peur des ouvriers d'un côté, le désarroi patronal et l'indécision des autorités de l'autre, tout cela laisse penser que ces conflits vont se multiplier. Certains militants ou intellectuels imaginent même qu'ils pourront prendre la forme d'une grève générale à partir de conflits localisés faisant tâche d'huile.

Généralisation des grèves en Chine

Et maintenant ce n’est plus seulement le sud qui est touché. La grande métropole de Shanghai n’échappe pas aux luttes des travailleurs où plusieurs centaines d’ouvriers d’une usine sont en grève depuis trois jours (informations du 2/12/11). Ils protestent contre des licenciements. Des affrontements ont éclaté avec la police. Plusieurs personnes ont été blessées.

Ces ouvriers fabriquent des composants électroniques pour une entreprise qui travaille avec Apple et Hewlett Packard et qui souhaite délocaliser la production, et prévoit donc un millier de licenciements. La nouvelle situation en Chine fait que les délocalisations se poursuivent en Chine même c'est à dire dans les provinces éloignées où la population paysanne est plus docile.

En Chine aussi les ouvriers seront contraints à faire la grève générale. En Chine aussi le capital demande l'impôt de la sueur pour survivre. Ce n'est pas la Chine qui sauvera l'Europe. Partout c'est un seul et même mot d'ordre que les travailleurs doivent reprendre, prenons nos vies en main si nous ne voulons pas être réduits à la famine et au chômage.

M.O.

(1) Rapport sur Le mouvement ouvrier en Chine, 2009-2011, in China Labour Bulletin: clb.org.hk