Nouvel alignement impérialiste de la France?

Kouchner “l’humanitaire”, va-t-en-guerre aujourd’hui en Iran comme hier au Kosovo

L’effondrement d’un bloc impérialiste, le bloc de l’Est, n’a pas entraîné ipso facto la fin des conflits impérialistes. Les différents États capitalistes ne cherchent qu’une seule chose, conquérir de nouveaux marchés. “La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens” disait Karl Von Clausewitz. Nous pouvons rajouter plus sûrement aujourd’hui que “la guerre est surtout la continuation de l’économie par d’autres moyens”.

Toutes les rodomontades de Bernard Kouchner depuis quelques mois et les déclarations de Nicolas Sarkozy sont-elles le signe d’un changement d’alignement de la France? L’histoire va très rapidement nous dire la réalité de ces modifications. Mais déjà l’on constate un réalignement plus atlantiste.

Les États impérialistes sont pragmatiques. Ils se tournent du côté de ceux qui peuvent le plus normalement défendre leurs intérêts. Pendant la “guerre froide”, les 50 ans d’opposition entre l’URSS et les USA, la France, clairement du côté Américain, avait su trouver un petit espace de liberté. La disparition de l’URSS a bien sûr changé la donne : de nouvelles contradictions sont devenues claires quand les USA ont affirmé (en particulier à travers les 2 guerres du Golfe) leur volonté de contrôler directement la quasi totalité de la production pétrolière mondiale. Les pays Européens devaient-ils accompagner les USA, dans l’espoir de récolter quelques miettes (c’est l’option Anglaise, mais il n’y a pas forcément des miettes pour tout le monde) ou bien jouer leur propre jeu au risque de s’opposer trop frontalement à la super-puissance américaine? Cette question a dominé le débat au sein des bourgeoisies Allemandes ou Françaises pendant 15 ans, jusqu’au moment où certains se sont demandés s’il n’était pas dépassé par l’arrivée de pays émergeants, au premier rang desquels figure la Chine. Actuellement un alignement plus resserré avec la diplomatie des USA semble plus rentable pour la bourgeoisie française. Ce qui ne veut pas dire que demain, la France ne changera pas à nouveau de politique.

Qu’est ce qui est en jeu?

La préservation des intérêts français en Afrique

Pendant la guerre froide, les USA avaient laissé à la France ses ex-colonies. Ensuite les Américains ne se sont guère intéressés à ce continent qui pèse si peu dans l’économie mondiale. Ils ont renforcé leurs relation avec l’Afrique du Sud (pays maintenant présentable), seule économie significative au sud du Sahara et se sont petit à petit infiltrés dans les pays producteurs de pétrole (pays du Golfe de Guinée, Angola). Les USA se sont heurtés directement aux intérêts français en Algérie et arrivent maintenant au cœur de l’Afrique c'est-à-dire au Tchad et au Centre Afrique en proie à des difficultés internes et au-delà au Darfour zone qui non seulement est stratégique par son positionnement mais qui regorge également de pétrole. La France a recherché l’aide du Rwanda, pays africain devenu le plus stable dans cette zone mais qui s’est rapproché des USA depuis 1994. Bernard Kouchner disait de lui en juillet 2007 que c’était “le seul pays de l’Afrique qui marche bien” et qu’il “joue un rôle important au Darfour” (Le Monde du 2 octobre 2007). En effet, il fournit un rôle capital dans la contribution militaire à la force de paix. C’est le général Karenzi Karaké, le boucher des Hutus, qui devient le commandant adjoint de la force conjointe des Nations unis et de l’Union africaine au Darfour. La candidature est soutenue et appuyée par la France.

Et, le pitre Kouchner en arrive à dire sur le Rwanda “je ne sais pas qui a tiré. D’un côté comme de l’autre, les révélations paraissent aussi suspectes que les preuves semblent minces”. (Le Monde du 2 octobre 2007) Heureusement que peu de personnes se souviennent de ce qu’il disait en mai1994, alors qu’il était en train de négocier un couloir humanitaire puis d’organiser l’opération Turquoise en tant que représentant de François Mitterrand sur place tout en dénonçant le “génocide” en cours. (Le Monde 2 octobre 2007) Mais un ministère vaut bien de se dédire!

La préservation des intérêts français dans le reste du monde passe par une dose d’atlantisme

Si l’on passe en revue tous les théâtres d’opération que se soit en Irak, en Iran, en Afghanistan, en Turquie, en Russie ou en Europe, l’on constate un changement de politique.

En Iran où les entreprises françaises sont nombreuses et où la France menait une politique “attentiste”, Kouchner fait une déclaration fracassante en disant de “nous préparer au pire” et “à la guerre”. Mais cette position n’est pas uniquement celle de Kouchner. Elle a été avancée également par Sarkozy devant l’ensemble des ambassadeurs français réunis à Paris où il invoquait l’alternative suivante “la bombe iranienne ou le bombardement de l’Iran” (Le Monde 1er septembre 2007). Mais il faut rapprocher ces déclarations de la dernière annonce de Sarkozy au cours de son discours le 24 septembre devant l’assemblée de l’ONU où il a déclaré que la France se propose d’aider les nations qui feraient le choix du nucléaire civil. L’industrie française du nucléaire civil est très compétitive! Et derrière tout cela il y a l’association d’EDF avec le groupe américain Constellation Energy. En juillet 2007, les deux groupes ont scellé une alliance pour construire quatre EPR (Europeen Presssurized Reactor). Ensuite, il y a une bagarre pour construire une trentaine de réacteurs aux USA entre 2015 et 2030. EDF est bien placée et vise aussi les marchés de la Chine, de la Grande Bretagne et de l’Afrique du sud. (Le Monde 27 septembre 2007)

La France s’est engagée à être plus présente en Afghanistan et pour l’instant les avions français stationnés sur l’aéroport civil de Douchanbé, la capitale du Tadjikistan seront stationnés plus prêts du théâtre des opérations militaires, sur la base de l’Alliance atlantique de Kandahar. Kouchner s’est rendu le 19 août 2007 en Irak c’est le premier voyage d’un responsable français dans ce pays depuis la chute de Saddam Hussein. (Le Monde - 10 août 2007)

Indépendamment des grands alignements, l’on constate qu’après un intermède de dix ans, Total entre à nouveau dans la danse pour le pétrole irakien. Et de belle manière, en s’associant avec Chevron (groupe pétrolier US) pour explorer et développer l’un des plus grands champs pétrolifères du pays, celui de Majnoun, dans le Sud-Est, près de la frontière iranienne. Ce projet, conclu en 2006 mais dévoilé le 8 août 2007, pourrait prendre forme après la ratification, par le Parlement irakien, de la loi sur les hydrocarbures, en principe à l’automne. (Le Monde - 10 août 2007)

Sur la Turquie, Nicolas Sarkozy a déclaré “Le France ne s’opposera pas à ce que de nouveaux chapitres de la négociation entre l’Union et la Turquie soient ouverts” le 27 août devant la conférence des ambassadeurs. Là aussi la position de la France s’est nettement modifiée.

Last but not least

Il y a le pendant à cette politique atlantiste. Les anciens amis de la France au sein de l’Union Européenne comme l’Allemagne et au-delà, la Russie ne sont plus traités de la même façon. (1)

Le “couple franco-allemand” n’est plus aussi solide. Les points d'achoppements sont nombreux au niveau de la politique générale mais aussi par rapport à la BCE (et derrière cela il y a la principale arme de puissance de l’Europe avec l’euro). Sur le plan industriel il suffit de citer par exemple l’aéronautique et le règlement de la crise d'Airbus et EADS, le dossier du nucléaire, ou de l’espace avec Galileo.

Prenons l’exemple des difficultés actuelles entres les différents États européens par rapport à Galileo qui est le plus grand projet industriel européen. Il exprime clairement le fait que l’Europe est en panne. Or c’était un élément clé de la souveraineté européenne de demain puisque, il devait servir aux militaires européens comme le GPS sert à l'armée américaine. La constellation des satellites Galileo n'était pas censée officiellement répondre aux besoins des armées de l'Union. "C'est un système civil sous contrôle civil", répondaient systématiquement les gouvernements et les industriels. Ne rions pas!

Le gouvernement français reconnaissait que Galileo pourrait être utilisé à des fins militaires. Les Britanniques également et sur ce projet, état d’accord avec les autres partenaires européens. Pour montrer que Galileo n'était pas un projet antiaméricain, Bruxelles et Washington avaient signé un accord assurant la compatibilité des deux signaux. Mais voilà que ce projet est finalement torpillé car c’est un projet éminemment politique.

Avec l’effondrement du bloc de l’Est, l’on nous avait prédit la fin des guerres et une ère de paix. Les marxistes savent que tant que le capitalisme survivra il y aura des guerres.

Les prolétaires, les masses déshéritées des pays de la périphérie, pris dans les contradictions inter-impérialistes sont victimes des conflits d’intérêt des puissances impérialistes et non pas de la méchanceté des dirigeants. Les vietnamiens qui mourraient sous les bombes dans les années 60 et 70 étaient victimes du conflit ouvert entre les intérêts Américains et Russe, de même que les Angolais en 70-80, les Afghans dans ces mêmes années. Alors que c’est le nouveau ‘Grand Jeu’ (en particulier le contrôle, via le transport, du pétrole d’Asie Centrale vers la Russie, le Pakistan ou la Chine) qui est aujourd’hui la clé de la situation.

La cause de la deuxième guerre mondiale ne réside pas dans le sadisme de Hitler (même si cet individu était particulièrement malsain) ni l’invasion de l’Irak par les USA dans la bêtise de Bush. Les “humanitaires” à la Kouchner sont les pires, ils veulent nous endormir, nous faire croire que les mauvais dirigeant font les guerres et donc qu’il faut mener des “guerres justes”, des opérations de maintient de la paix voire de secours humanitaires. Il est piquant de voir un Kouchner, qui prétendait ne voir dans la guerre que la guerre, et en sauver les victimes sans distinction et aujourd’hui le plus va-t’en-guerre des politiciens français.

(1) france-cei.com - Sur ce site sur les relations diplomatiques entre la France et la CEI (dont la Russie) il est pronostiqué un virage de la France pro occidentale et par contre une position intransigeante vis-à-vis de la Russie.