Économie canadienne

Le magot des capitalistes augmente tandis que la part de la classe ouvrière diminue

Les données du dernier recensement dévoilées le 1er mai 2008 par Statistique Canada révèlent que le revenu des travailleurs et les travailleuses les moins bien payés avait diminué de 20% par rapport à ce qu’il était au début des années 1980. Pendant la même période, le revenu des plus riches s’est accru de 16%. Cette tendance lourde avait déjà été étudiée et commentée de manière fort pertinente dans un rapport du Centre canadien de politiques alternatives. Voici ce que nous en avons tiré.

Une étude économique publiée le 28 juin 2007 par le Centre canadien de politiques alternatives (CCPA), a confirmé statistiquement ce que la plupart des travailleurs et des travailleuses ressentent intuitivement dans leurs vies quotidiennes : la croissance économique profite largement plus aux capitalistes qu’aux salariés. En 2006, 65% de la population consultée a répondu à un sondage d’Environics Research qu’elle croyait qu’une part disproportionnée de la croissance économique va dans les poches déjà bien garnies des riches. Ce sentiment est fondé dans la réalité matérielle. Le CCPA rapporte que le salaire réel moyen (les salaires ajustés pour tenir compte de l’inflation) stagne depuis au moins une trentaine d’années dans ce pays; un constat que les auteurs de l’étude considèrent être «dramatiquement opposé à l’expérience historique précédente», du moins pour la période allant de 1961 jusqu’à la fin des années 70. Cette situation s’est développée dans un contexte de développement économique et de productivité accrues. L’économie canadienne a crû de 72% entre 1975 et 2005 en terme de per capita réel, et la productivité ouvrière, mesurée en PIB/heure, a augmentée de 51% durant la même tranche d’années.

Il est très important de comprendre ce que cela représente concrètement pour la classe laborieuse. Si les salaires réels avaient augmentés en proportion de la hausse de la productivité entre 1991 et 2005, le revenu moyen aurait été de 200 dollars de plus par semaine (en dollars de 2005). Cela représente environ 10 000 dollar par année pour un salarié à temps plein qui s’en va dans la poche de quelqu’un autre...devinez la poche de qui? Le rapport du CCPA répond à cette question très clairement. «En examinant seulement la période entre 1991 et 2005, la variation dans la distribution des revenus est frappante. En 1991, la part de profit des compagnies était à un niveau assez peu élevée et s’établissait à juste un peu plus de 22%; en 2005, cette part était passée à près de 34%. Cela représente une augmentation importante du profit des compagnies.» La conséquence en est qu’en 2005, la part des revenus des travailleurs et des travailleuses est tombée à son plus bas niveau en plus de 40 ans! Cela réfute entièrement la prétention des économistes bourgeois à l’effet qu’une «marée montante soulève tous les navires». Ce n’est tout simplement pas vrai que la fortune des salariés s’améliore également à celle de leurs patrons en situation de «marée haute économique». L’idée d’un capitalisme (ou d’un commerce) équitable est une vue de l’esprit; une élucubration. Non seulement la part des salaires dans l’économie a chutée en relation à la part des profits, et qu’en fait le salaire réel moyen est gelé depuis des décennies, mais de plus, une proportion élevée de travailleurs et de travailleuses ont subi des chutes de revenus bien réelles. Ainsi, pour les salariés au bas de l’échelle des niveaux de revenus, ceux qui travaillent au salaire minimum, cette chute est dramatique. Leur salaire horaire moyen est passé de $9.14 à $7.32 entre 1976 et 2006 en termes de dollars 2006.

Ces chiffres démontrent que la classe dominante est à l’offensive. Elle hausse sérieusement le taux d’exploitation et elle se débat furieusement pour tenter de contrer la baisse tendancielle de ses taux de profits. Les gels de salaires et les mises à pied ne sont pas ses seules armes, même si sont des armes très efficaces. Le capitalisme s’attaque aussi à notre salaire social (les programmes sociaux) de même qu’à nos conditions de travail (1), tout en menant des politiques impérialistes toujours plus agressives pour essayer de juguler la crise générale et mondiale de son cycle d’accumulation de capital. C’est la preuve que les travailleurs et les travailleuses, même dans un pays aussi développé que le Canada, se porteraient beaucoup mieux en se débarrassant du système de profit une fois pour toutes.

Richard St-Pierre

(1) Voir : Hausse des mortalités liées au travail, Notes Internationalistes, mai 2007.