GM et le syndicat ouvrent une nouvelle ronde d’attaques contre les travailleurs de l’automobile

Le chemin vers l’enfer est pavé de grandes concessions

General Motors (GM) et les United Auto Workers (UAW - Travailleurs Unis de l’Automobile) ont inauguré une nouvelle ronde d’attaques contre les travailleurs de l’automobile américains, en parvenant à s’entendre sur une nouvelle convention collective, après une grève de pure forme d’environ 72 000 travailleurs à l’échelle du pays. La grève a forcé l’arrêt de la production d’usines GM au Canada et au Mexique. Dans une attaque historique contre les salaires et les bénéfices des ouvriers de GM, Ronald Gettelfinger, le président des UAW a tenté effrontément de faire passer cette défaite comme un gain pour la sécurité d’emploi. Cette défaite évoque d’autres revers cuisants pour les travailleurs au cours des trente dernières années. Depuis 1978, les UAW et l’industrie automobile ont co-présidé l’élimination d’environ 600 000 postes tout en parlant constamment de «sécurité d’emploi». Cela représente une baisse substantielle et permanente des conditions de vie pour un vaste nombre de travailleurs. L’appareil syndical avance en chancelant dans une crise toujours plus sévère du capital dans son rôle d’arbitre des pertes et des concessions des ouvriers. Ainsi, tandis que l’AFL CIO (1) contribue maintenant 200 millions de dollars à la caisse électorale du Parti Démocrate, les UAW n’offrent que 200 dollars par semaine de son fonds de grève à ses membres. Cette absence d’un fonds de grève décent est un des moyens que les syndicats emploient pour faire avaler des concessions, à cause de la menace des lourdes pertes financières qu’une grève longue risquerait d’infliger. Cet accord est encore pire que la défaite des travailleurs des usines de fabrication de pièces automobiles Delphi en février 2006.

Les détails sordides de l’accord incluent la création d’un fonds, le Voluntary Employees Beneficiary Association (VEBA). Le syndicat va gérer ce fonds, permettant ainsi à GM de réduire sa contribution aux régimes de retraite et d’assurance santé des travailleurs et de leurs familles. Le syndicat pourra contrôler le versement des prestations, ce qui lui donnera la possibilité de limiter les montants ou d’accorder les bénéfices sous la forme de montants forfaitaires. Alors que Gettelfinger prétend que la VEBA va être solvable pour les 80 années à venir, des plans semblables à Detroit Diesel et Caterpillar épuisèrent leur argent au bout de seulement quelques années. De plus, le syndicat pourra se servir de l’argent du fonds de pension pour payer une partie de sa propre contribution au VEBA. La convention crée aussi un statut de disparité de traitement salarial (une clause dite «orpheline» ou de double échelle de salaires). Ainsi, les nouveaux employés seront payés environ 27 dollars de l’heure, à mesure que les plus anciens qui gagnaient plusieurs dizaines de dollars de l’heure verront leurs emplois mieux rémunérés remplacés. Les ajustements au coût de la vie dont les ouvriers bénéficiaient depuis 1948 seront éliminés et remplacés par quatre primes annuelles et aucune augmentation de salaire. Pire encore, la compagnie n’offre aucune assurance qu’elle préservera le niveau d’emploi, puisqu’elle ne va pas plus loin que d’affirmer que son engagement à maintenir les emplois dépendra de l’ouverture du syndicat à toujours plus de flexibilité dans le futur. Certains travailleurs des usines GM travailleront pour des salaires aussi peu élevés que de 12 à 15 dollars de l’heure. Il n’est pas surprenant que le vote sur l’accord fut tenu de manière fort précipitée par une direction syndicale qui, dans la plupart des cas, n’a pas dit toute la vérité sur l’entente à ses membres ou leurs ont refusé d’en connaître les détails.

Cette entente est maintenant le modèle à reproduire pour les autres conventions UAW chez Chrysler et chez Ford. Chez Chrysler, le syndicat a tenu une grève symbolique encore plus courte de six heures avant d’en venir à une entente similaire à leur accord avec GM, avec le détail supplémentaire qu’il s’est mis d’accord avec Cerebus, la compagnie mère de Chrysler, sur un éventuel démembrement de Chrysler et l’élimination de lignes de production entières. Les UAW ont menacé de tenir un nouveau vote si jamais les travailleurs votaient contre la ratification de la convention collective. Les travailleurs de Chrysler ont ultimement accepté la convention malgré une très forte résistance. Au moment où ces lignes ont été écrites, Ford a emboîté le pas avec un accord du même genre affectant 60 000 ouvriers.

Le lendemain de l’annonce de la capitulation totale du syndicat, les actions de GM ont progressé de $3.26 l’unité (2), suite à la nouvelle que la convention qui avait été exigée par les représentants de la Federal Reserve et par Wall Street leur avait été livrée par le syndicat lui-même. En contentant les marchés par la réduction des coûts de capital variable, les capitalistes ont aussi atteint un de leurs objectifs à long terme de diminuer leur capacité de production. GM avait déjà agit ainsi ailleurs dans le monde en sabrant des emplois des travailleurs de GM en Europe et en éliminant complètement la marque Oldsmobile. Un jour, GM pourrait subir le même sort que Rover ou être acheté par une société d’investissement privé, comme lorsque Cerebus a pris le contrôle de Chrysler. En fait, cette convention collective qui servira de modèle à l’ensemble de l’industrie automobile américaine, signifie des effectifs sévèrement diminués, recevant des salaires considérablement moins élevés, pour une compagnie GM qui a cannibalisé son appareil productif et qui s’assure ainsi de pouvoir réduire sa capacité de production, en vue de plaire aux grandes firmes de courtage de Wall Street.

Alors que la colère et le mécontentement des travailleurs contre ce contrat étaient puissants et qu’une nette majorité soutenait la grève, le syndicat a clairement agit contre les intérêts des ouvriers et a démontré une fois de plus, que son rôle est d’être l’agent par lequel la direction s’assure des concessions et contrôle l’agitation ouvrière. Après une telle défaite, la nécessité pour les travailleurs d’organiser des assemblées ouvrières libres et ouvertes, séparées de, et en opposition aux capitalistes de GM et des UAW ne peut être plus claire. Le système de transport construit par et pour le système de profit a dépouillé financièrement les travailleurs pendant des décennies et a laissé dans son sillage que la pollution et des conditions de vie en déclin. Le fait que l’appareil syndical accepte de prendre le contrôle des pensions et des bénéfices des travailleurs sous la forme d’un fonds en fidéicommis, à cause d’une baisse du nombre d’adhérents qui a comme corollaire dans la sphère des marchés capitalistes une retraite de l’investissement de capital dans la production, révèle le rôle du syndicat dans la société capitaliste moderne en tant qu’instrument de la classe dominante, un instrument qui rassemble officiellement les travailleurs et les travailleuses dans le seul but de leurs faire ratifier les décisions administratives négociées par ses soins.

Le «Big Three» (les trois plus grands fabricants d’automobiles américains) ont légué à leurs ouvriers la pollution, des salaires et des conditions de travail en baisse ainsi que des plaies béantes de pauvreté et de chômage dans les communautés où l’industrie automobile a autrefois prospéré et est maintenant disparue. Même si nous avons la capacité technique de le faire, le développement de moyens de transport écologiquement sains, efficaces et sécuritaires est impossible sous le capitalisme. GM réussira à employer moins d’ouvriers pour produire quelques autos de plus par année et par tête, et cela donnera l’apparence d’être rentable et rationnel, mais mènera ultimement à moins d’automobiles produites et vendues. Dans une société communiste, la classe ouvrière pourrait produire des moyens de transport qui seraient plus propres et un système de transport plus développé et plus efficace. Un projet auquel GM, les UAW, et en fait toute la société capitaliste est diamétralement opposée.

Le mensonge à l’effet que les syndicats défendent les travailleurs et les travailleuses ne peut que devenir plus évident, à mesure que la société capitaliste va de guerre en guerre et de crise en crise sur le chemin de sa propre ruine. Beaucoup d’organisations de gauche affirment encore que le problème des syndicats se réduit encore à la question de leurs directions. Mais les syndicats sont devenus un des outils que la bourgeoisie utilise pour contrôler les secteurs clés de sa force de travail tout en lui soutirant des concessions de bénéfices et de salaires. Ils sont devenus des marchands de cartes de crédit, de fonds de pension et des machines à faire sortir le vote; tout sauf des organisations de travailleurs et de travailleuses se battant pour leurs intérêts.

ASm

(1) La confédération syndicale dont sont membres les UAW.

(2) Sholnn Freeman et Frank Ahrens, GM, Union Agree on Contract to End Strike: Deal Seen as Model Across Industries, Washington Post, le 27 septembre 2007, p.A01.