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16 juillet 1918 - 26 septembre 2006
Ce texte a été rédigé à partir des repères biographiques et politiques d’un article de Pierre Hempel paru dans le Prolétariat Universel no.145 et des notes de notre camarade Olivier de Paris.
C’est avec une très grande émotion que nous avons appris le décès de notre camarade André Claisse à l’âge de 88 ans, des suites d’un cancer. André était mieux connu sous son nom de guerre, "Goupil".
Un itinéraire et un engagement exceptionnel
Tout jeune ouvrier, André adhère à la Confédération générale du travail unitaire en 1933 (pour donner une idée, c’était un an avant la grève des "fros") et devient membre des Jeunesses communistes en 1934. Il est tout d’abord enthousiasmé par le Front populaire mais se fera un devoir d’intervenir plus tard en expliquant que le Front populaire n’avait fait qu’engager les ouvriers dans les rouages menant à la Deuxième Guerre mondiale. Il devient ensuite cheminot. André est fait prisonnier sur le front en 1940. Il ne restera prisonnier que trois mois. L’armée allemande renvoyait chez eux en particulier trois catégories de travailleurs indispensables à l’économie du pays: les cheminots, les postiers et les infirmiers. André est ensuite gardien de passage à niveau.
A cette époque il rencontre Pierre Bois qui avait été sur les mêmes bancs d’école que lui. Comme lui, il devient militant trotskiste à l’Union communiste (UC) - ancêtre du groupe Lutte Ouvrière (LO) - où il fait la connaissance de son dirigeant Barta, un émigrant roumain qui avait un certain charisme d’autant qu’il avait rompu avec le trotskisme officiel. L’U.C. l’envoie travailler chez Citroën. Il n’y restera que six mois, menant une intervention par tract. Puis il ira s’embaucher à la Radiotechnique à Suresnes.
"Goupil" est surtout connu dans le milieu révolutionnaire pour son implication dans la grande grève chez Renault en 1947. Alors que plus tard, le philosophe petit-bourgeois Jean-Paul Sartre taira frileusement ses faiblardes critiques du stalinisme "pour ne pas désespérer Billancourt" - en parlant de la citadelle ouvrière de Renault - l’ouvrier André Claisse portera le combat contre les faux communistes au sein même de la célèbre usine. L’historiographie bourgeoise s’est focalisée sur l’ancêtre de LO (l’UC) et Pierre Bois. Or, André Claisse était déjà sur des positions d’indépendance de classe du prolétariat beaucoup plus claires. Lors de cette grève, dont il n’est pas l’initiateur, il n’est pas enthousiaste à l’idée d’engager un combat d’envergure dans la difficile période de reconstruction. Il sera un court moment membre du comité de grève mené par la petite poignée de trotskystes de l’U.C. dont il est encore membre. Mais rapidement il ne peut plus participer à ce comité à cause de ses divergences sur l’orientation de la grève.
A la porte de l’usine Renault, il fait connaissance avec les vendeurs du journal l’Etincelle: Marc Chirik et Robert Salama de la Gauche communiste de France (GCF). Les discussions dans les cafés environnant achèvent de le convaincre. Ils défendaient ensemble l’idée d’extension du mouvement. Contrairement aux trotskystes corporatistes et ambigus vis-à-vis du “parti ouvrier stalinien”, il estime qu’il ne faut pas limiter la protestation et le blocage aux seules usines Renault. Toute la classe ouvrière est concernée par l’austérité d’après guerre et la reconstruction imposée par le gouvernement gaulliste-stalinien! On ne peut le faire reculer que “tous ensemble”! La grève qui dure et manifeste l’intransigeance de la masse des ouvriers jette l’émoi au sein du parti stalinien qui craint de perdre son autorité sur la classe ouvrière. Mais la lutte, vu les circonstances de l’immédiat après-guerre, en reste au simple niveau économique, même si les ouvriers ont conscience de ridiculiser les élus staliniens dans leurs fauteuils ministériels. Le repli, l’absence d’extension, signe la fin de la lutte. Conformément à leur vision trade-unioniste, la minorité trotskyste dissidente de Pierre Bois en est réduite à former un nouveau syndicat: le SDR (Syndicat Démocratique Renault) auquel Goupil refuse de se joindre. Ce syndicat s’étiolera pendant trois ans avant de disparaître.
Goupil reste militant de la GCF jusqu’en 1952, date à laquelle cette dernière disparaît. Il adhère alors en 1953, à la Fraction Française de la Gauche Communiste (FFGC) animée par Suzanne Voute, c’est-à-dire au Parti communiste international (PCI) dont il restera membre jusqu’en 1971. A l’époque, il est atteint par un premier cancer qui l’empêche de poursuivre toute activité militante. Il maintient des liens épistolaires avec ses camarades. Le PCI éclatera en plusieurs fractions suite à sa crise de 1982. En 1996-97, il contacte le Courant Communiste International, après avoir assisté à plusieurs de ses réunions publiques comme à celles du PCI. Ce groupe lui apparaît alors plus conforme à ses positions politiques. Il n’en devient membre qu’en 1998, pour une courte durée du fait de son involution politique. Il démissionne en 2000. Il prend contact ensuite avec le Bureau International pour le Parti Révolutionnaire (BIPR) en écrivant à ses nouveaux sympathisants montréalais. Il est l’un des fondateurs de la revue “Bilan et perspectives” avant de la quitter en 2001-2002.
Souvenirs de notre camarade.
Pourquoi le nom de "Goupil"? D’abord prénommé "Renard" par Bois quand il était trotskiste car malgré ses déboires de jeunesse et sans parents, il avait réussi à se sortir de toutes les situations. Il devient "Goupi" puis "Goupil" quelques années après et au sein de la Gauche communiste.
Des trotskistes parlant de lui lors de la grève de 1947 écriront:
Toute l’organisation (ou l’essentiel) avait concentré son travail chez Renault (après Citroën), et avant Bois, un autre camarade “Goupi” était l’élément principal parmi quelques six militants (très dévoués et actifs) entrés dans l’usine [...] Quelques semaines avant la grève Renault, un tiers environ (plutôt plus) de l’organisation avait fait faillite. Le camarade Goupi qui, avant Bois, était notre principal militant d’usine, a rompu (suivi de quelques militants extérieurs) avec nous en posant carrément la question de l’agitation dans les usines. Il voulait revenir en arrière, à l’époque où notre principale activité c’était des réunions de groupes étudiant la Révolution (en chambre!) et où l’action principale consistait à diffuser quelques numéros de “Lutte de classe” autour de soi! (au moins Goupi a eu le mérite de poser la question politiquement).
Cette critique est erronée et opportuniste (pour ne pas dire abusive) car André ne voulait pas se retirer dans le confort d’un cercle académique au détriment de la lutte des classes, mais bien plutôt la mener autrement, plus largement et plus efficacement. Mais il est clair qu’il voulait aussi dépasser le trotskisme "critique" de l’UC et poser les problèmes théoriques essentiels que celle-ci ne se posait pas et qu’elle ne se poserait jamais (syndicats ou conseils ouvriers, nature du stalinisme, etc.).
Mes souvenirs personnels d’André, outre un premier échange direct avec lui sur la caractérisation des grèves françaises de 1995-1996, au printemps 1999 à Paris, témoignent du souci constant qu’il avait pour sa classe, son niveau de conscience et son activité (ou son manque d’activité). Il était à cent lieux de l’activisme écervelé tout autant que de l’hermétisme doctrinaire. C’était un prolétaire qui s’intéressait à la condition humaine, un homme modeste et timide, un compagnon chaleureux et un camarade dévoué. Il nous écrivait occasionnellement pour prendre et donner des nouvelles, mais aussi pour suggérer, questionner et critiquer. Lors de notre dernière rencontre, à l’occasion de l’une des grandes kermesses annuelles de LO où nous défendions les positions du BIPR, j’ai eu le plaisir d’échanger assez longuement avec lui. Comme nous intervenions dans le cadre d’une activité d’une organisation née des suites de son ancien groupe l’UC, la conversation a tout naturellement tourné à comment la "milite" se vivait à cette époque. Il m’a alors avoué penser souvent à son camarade "Pamp", son bon ami du temps. Pendant la guerre, sa poignée de camarades se retrouvait après le travail chez la mère de Pamp en une sorte de permanence quotidienne pour parler de politique et se distribuer les tâches pratiques, tout en se nourrissant des modestes repas que la mère leur préparait "pour presque rien". Or ce Pamp était nul autre que Mathieu Bucholz, qui sera enlevé, torturé et assassiné par les nervis de la résistance stalinienne à l’âge de 22 ans, le 11 septembre 1944. C’était le risque permanent que courait à cette époque les ouvriers qui osaient aller à contre-courant et dénoncer les abominations staliniennes et le "national-communisme". André n’alla pas plus loin, mais j’ai compris qu’il était ému et que le souvenir de l’événement lui était encore douloureux. Pour changer le sujet, je lui ai demandé s’il avait déjà regretté avoir quitté un groupe qui allait devenir une organisation relativement importante quantitativement comme LO l’est devenu aujourd’hui, pour militer dans le cadre plus difficile et pour l’instant, plus restreint de la Gauche communiste. Il retrouva immédiatement son aplomb et m’a dit grosso modo: "Être resté trotskiste, je me serais trompé et j’aurais trompé les ouvriers. J’aurais du dire que l’URSS c’était encore un État ouvrier, défendre des bureaucrates, mettre de l’avant les conneries parlementaires, non jamais, pas de ce pain là! Il avait alors repris toute sa vigueur et sa jeunesse dans son corps de vieil homme. C’est ainsi que je m’en souviendrai et c’est ainsi que son souvenir continuera à nous inspirer.
Honneur à l’ouvrier communiste André Claisse! Merci Goupil!
Richard St-PierreNotes Internationalistes #07
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